Je ne pouvais pas m’arrêter là. Une fois compris à quel point Whitehorse n’était pas un groupe comme les autres, je ne pouvais que me jeter sur ce dernier album en date, l’injustement méconnu
Death Weight. Certes, ce longue durée paru l’année dernière n’aura pas échappé aux amateurs d’un sludge / doom extrême, la formation ayant depuis longtemps au sein de celle-ci un statut particulier. Mais cette dernière reste encore un peu trop anonyme à mon goût malgré un parcours aussi constant – à la discographie relativement étoffée – qu’original.
Une originalité qui demande du temps pour la voir.
Death Weight ne déroge pas à la règle d’avoir le sentiment premier d’écouter un groupe « faisant bien les choses » : titres longs et lents ; rythmes répétitifs ; ambiance sale et mortuaire allant même jusqu’à titiller le funeral doom… Sur le papier, Whitehorse ressemble à tant d’autres ayant fait leur une certaine radicalité, celle un peu désuète aujourd’hui – où êtes-vous, mes croque-morts d’autrefois ? –, où le tempo négatif était l’objectif. Pourtant, la révélation venue, difficile de mettre les Australiens dans une case particulière. Son jardin des supplices contient aussi bien les fleurs blêmes et difformes de Wreck of the Hesperus et les plantes toxiques et carnivores de The Body que les bêtes ancestrales se terrant derrière les fourrés de Neurosis à son plus sentencieux… Ce rappel à une scène empoisonnée du début des années 2000, celle mêlant les chapelles sludge, doom et drone, fricotant avec le death metal et le funeral, devient alors le terreau avec lequel ces botanistes fous travaillent leur art particulier.
Un art qui, sur
Death Weight, prend un tournant encore plus savoureux que sur
Raised Into Darkness. D’une durée conséquente, l’album profite de ce temps que s’est laissé Whitehorse au milieu de la pandémie pour retravailler sa copie. Unis par une cohérence de ton – un ton grave, fatidique et funéraire, donnant tout son sens au titre de cet album –, ces cinq morceaux développent chacun leur propre personnalité, à la fois abstraite et concrète, les Australiens continuant de se situer à la frontière d’un sludge / drone texturé et atmosphérique, survolant le sol au risque de s’y écraser. Une œuvre de nuances plus que de coups d’éclat, à l’image de « Brutalist » qui s’ébroue progressivement dans la sauvagerie sans user d’effets classiques pour la figurer. Il y a ici une science de l’allitération, d’une fausse monotonie qui précise et accentue, que je n’avais pas retrouvé au sein d’un groupe de sludge / doom depuis un moment. C’est presque par surprise que « Passing » étreint de sa tristesse mythologique, évoquant Evoken dans sa beauté du tombeau, un sentiment qui ressurgit sur « Lost Light » et ses allures de Requiem. Usant d’éléments on-ne-peut-plus identifiables, la troupe parvient cependant à quitter cette case un brin nostalgique dans laquelle on pourrait l’enfermer.
Ni tout à fait d’aujourd’hui, ni tout à fait passéiste – qu’il est loin, le temps des Khanate, Toadliquor, Indian... –, Whitehorse impose son époque, celle d’une terre rouge-sang, désolée et fascinante, étrangement poétique et indubitablement violente. Si l’exploration demande au départ une certaine abnégation, pouvant faire regretter l’absence de grands moments où ce volcan d’émotions que l’on sent bouillir s’active enfin (ainsi que cette relégation au second plan de la voix écorchée de Peter Hyde au profit de grognements death / doom), on finit par y retourner régulièrement, de plus en plus convaincu. Une façon d’obséder et assujettir, non par écrasement direct au sol mais sur une période longue, appuyant davantage le talent magnanime que possède ce groupe. Un talent plus que jamais à son plus extrême et équilibré sur
Death Weight.
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