Il m’aura fallu du temps pour apprécier toute la chance d’avoir un groupe comme Whitehorse aujourd’hui. Pourtant clairement dans mes goûts sur le papier – de son style extrême à son esthétique, en passant par une amitié avec les terroristes de The Body (toujours un bon signe) –, le projet ne m’avait jamais emballé autant que j’espérais, finissant dans la pile des formations à retenter. Une pile qui, soyons honnête, est souvent chez moi une manière d’exprimer un certain respect envers la musique jouée sans nécessairement avoir envie d’y revenir.
Mais déclic il y a eu, soit en raison d’un temps propice à éprouver pleinement ce sludge / doom si atypique, soit poussé par le manque de sludgeux vraiment extrêmes actuellement, de ceux qui font du long et lent sans tomber dans une stérilité de surface. Certes, les nouveaux venus cherchant à faire vivre un certain nihilisme issu des premiers Grief, s’étant frappé le crâne à coup de Khanate, vont et viennent encore de nos jours. Cependant, rares sont ceux qui proposent autre chose qu’une séance de masochisme monotone et mononote, crânes partout et chair nulle part, la longueur du propos rappelant cette expression sur la culture et la confiture. Whitehorse, donc, n’est pas de « ceux-là » : il y a quelque chose d’autre qui se terre sur
Raised Into Darkness, ses trente-sept minutes implacables, rectilignes et oubliant toutes idées de riff au point de toucher à l’abstrait, sans intellectualisme outrancier mais avec assez de réflexion pour éviter les écueils.
Pour autant, les amateurs d’un sludge / doom lourd au point d’être physique seront aux anges à l’écoute de
Raised Into Darkness. Ce son imposant, rugueux, parlera au petit cœur empoisonné de celui qui n’a pas oublié les premières œuvres d’Atavist, les instants les plus plombés d’Indian, l’époque où
Come to Grief était un point de départ vers un voyage toxique et irréel. Les Australiens de Whitehorse évoquent cela dans leur recherche de textures plutôt que de mélodies, sans toutefois tomber dans le pur drone metal. Constamment sludge – la voix de Peter Hyde est un modèle du genre, personnifiant à elle seule des torrents de boue et de merde –, la troupe avance d’un pas pesant tout en déjouant les sensations que l’on peut escompter envers telle création. Étrangement atmosphérique, survolant le sol tout en le contemplant avec fascination, ce petit disque use de peu d’effets avec maîtrise, des passages prenant directement à la gorge malgré une linéarité de surface (la fin de « Sixteen » par exemple).
Une science de la descente comme montée perpétuelle, aussi menaçante que surprenante, qui sera développé davantage dans
Death Weight, dernière œuvre en date de Whitehorse, mais qui fonctionne déjà parfaitement ici.
Raised Into Darkness profite du peu de temps qu’il se donne pour se déployer, allant d’emblée dans le cœur du sujet : l’écrasement, le pessimisme, la volonté de se redresser sans jamais toutefois y parvenir. Sludge / doom, cette musique l’est sans détour, exprimant une ambiance funéraire aussi mentale que concrète, la lutte de soi avec soi, la lourdeur de son corps devenant celle du monde.
Ce qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas rien de la part d’un groupe qui semble attaché à « faire du sludge / doom ». Finalement, plus qu’un héritier des temps anciens, Whitehorse se rattache en effet à ses camarades de The Body, de même qu’à ses intrus partis trop tôt (des flashs de Laudanum durant l’écoute) faisant du sludge une pâte avec laquelle sculpter ses propres visions. Des visions qui, si elles manquent un chouïa de précision – mais pas de corps, encore moins quand on a James Plotkin à la mastérisation – et de durée (
Death Weight corrigera ce souci de belle manière), font rejoindre les Australiens les rangs de ces quelques projets actuels précieux pour qui aime s’embourber, au propre comme au figuré. Une révélation arrivée bien trop tard.
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