Perveration - Putrefaction Of Infinite Apogee
Chronique
Perveration Putrefaction Of Infinite Apogee
La scène brutal death indonésienne est bien connue pour être assez prolifique (on parlera d’ailleurs prochainement de Prolong Anoxia). Il suffit pour s’en convaincre de visiter la page de n’importe quel groupe local sur Metal Archives, si vous allez fouiner dans le line-up et tous les groupes affiliés il y a fort à parier que vous vous retrouviez rapidement avec dix-huit pages bandcamp à écouter…. Ca ne coupe pas ici puisque les deux entités formant Perveration cumulent à elles deux la participation à une bonne quinzaine de groupes parmi lesquels certains parleront peut-être aux plus pointus d’entre vous (Gerogot – bon c’est clairement le plus connu –, Anthropophagus Depravity – dont on reparlera prochainement –, Vertiginous, Dissanity, Innocent Decomposure, Invigorate et une poignée d’autres encore…). Outre le fait d’avoir pour beaucoup d’entre eux un album sorti (ou prévu) en 2024, tous font partis de labels que les brutasses que vous êtes connaissent forcément (Comatose Music, Pathologically Explicit Recordings, New Standard Elite).
Bref avec tous ces éléments et cette magnifique pochette bien rétro vous vous doutez que Perveration ne donne pas dans le crossover-thrash mais bien dans un bon vieux brutal death des familles. Bon, on ne va pas se mentir, le style nous inondant de sorties à un rythme humainement impossible à assimiler, il faut bien souvent faire le tri entre sorties dignes d’intérêt et galettes à oublier aussi vite qu’on les a écoutées. Si je prends le temps d’écrire ces quelques lignes c’est évidemment parce que nos deux Indonésiens ont su mettre tous les curseurs au vert pour faire de ce « Putrefaction Of Infinite Apogee », deuxième album du groupe sorti en février dernier, l’une des bonnes surprises extrêmes du début 2024. S’il me semble bien avoir déjà croisé la route du duo avec « Perversion In Manifest Disease » sorti il y a trois ans, je vous avoue que je n’avais pas spécialement suivi le groupe qui n’a de toute façon rien sorti entre temps et n’accuse aucune scission avec eux-mêmes. Premier atout qui saute aux oreilles dès « Bacterium Decomposition » c’est cette prod en béton, puissante avec des guitares bien grassouillettes, une basse qui gronde fort derrière et une batterie triggée avec retenue. Il en résulte un son bien costaud qui vous remplit les esgourdes d’un brutal death d’influence US et d’obédience foncièrement old-school. Car la jeune formation a beau être née en 2020, c’est plutôt vers la fin des années 90 que lorgnent les dix titres assénés ici, et notamment les mighty Disgorge.
Alors évidemment et comme beaucoup, la plupart, bon ok la totalité de ses acolytes, Perveration ne réinventera rien d’un style on ne peut plus balisé depuis presque trente ans maintenant. Tous les codes de l’USBDM sont de la partie : riffing trente-trois tonnes appuyé par une batterie marteau piqueur (les allergiques aux hammer-blasts repasseront), un gros growl des cavernes, le tout baigné dans une rythmique alternant pied au plancher et décélérations brise nuques. Rien de nouveau donc sur le fond, mais la forme permet à Sahrul et Jossick de tirer leur épingle du jeu. Hormis cette chouette prod signalée plus haut, le riffing qu’elle permet de mettre en valeur s’avère plus étoffé qu’il n’y paraît au premier abord avec bien sûr du gros riff de bûcheron mais également quelques pointes de mélodies bien senties qui viendront enrichir l’ensemble ("Necrocannibalism" par exemple), un usage modérée des harmoniques (merci), le tout en parvenant à capturer l’attention de l’auditeur grâce à une approche certes brutale mais toujours lisible, accrocheuse et pertinente. Les variations de tempo à foison participeront à cette dynamique entraînante, sans donner dans l’épileptique complet, les changements de rythme sont permanents. Évidemment la part belle est donnée aux blasts mais le guitariste/bassiste/batteur est loin de s’en contenter faisant monter et descendre le compteur de bpm dans un style là aussi très classique mais diablement efficace. Ca avoine certes, mais ça suinte le groove sur de nombreux passages qui vous donneront envie de remuer la partie du corps de votre choix. Qui plus est les natifs de Java savent parfaitement vous écraser la couenne avec des breaks bien lourds sans pour autant tomber dans le slam neuneu qui peut s’avérer vite fatiguant.
Souffrant bien évidemment des points faibles inhérents au style lui-même, notamment un aspect redondant qui peut en décourager certains, « Putrefaction Of Infinite Apogee » n’en demeure pas moins grâce à toutes ces qualités citées plus haut un bon voire un très bon album de brutal death bien old-school dans l’esprit comme dans l’exécution, porté par une prod léchée comme on aimerait en entendre plus souvent. Un album qui ne renversera pas la table mais qui saura trouver deux oreilles réceptives et vite conquises auprès de tous les amateurs du genre.
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