Gravenoire - Devant La Porte Des Etoiles
Chronique
Gravenoire Devant La Porte Des Etoiles (EP)
Si l’on ne cesse d’être dithyrambique quant à la qualité générale de la scène Black française il faut bien reconnaître que tout cela est absolument justifié, tant on ne compte plus les formations de haut vol qui rendent grâce à notre beau drapeau tricolore et à ceux qui prennent la peine de pencher les deux oreilles sur ses œuvres locales publiées de façon régulière. Et parmi les nouveaux venus à suivre au sein de cette brochette concurrentielle il va falloir clairement se pencher sur ce premier jet de GRAVENOIRE, qui sans crier gare frappe très fort en matière d’authenticité comme au niveau qualitatif... rien d’étonnant cependant quand on voit les membres qui s’y trouvent, et qui sont parmi ce qui se fait de mieux en vécu comme du côté de l’expérience. En effet au sein du quatuor on retrouve une sacrée belle brochette de musiciens confirmés et réputés, à savoir Vicomte Vampyr Arkames (SETH), RMS Hreidmarr (ANOREXIA NERVOSA, GLACIATION), ainsi que Maximilien Brigliadori et Emmanuel Zuccaro (qui ont fait leurs armes notamment dans BÂ’A et HYRGAL)... et sur le papier la réunion de tous ces grands noms a de l’allure. Après faut-il encore que le rendu soit à la hauteur des attentes, mais de ce point de vue là on ne va pas être déçu tant ces vingt-cinq minutes vont défiler tranquillement, avec la satisfaction du devoir accompli vu que celles-ci vont nous offrir un voyage réjouissant dans les années 90... aussi bien du côté de l’inspiration que de la production.
Car musicalement tout est fait pour nous rappeler les origines du genre avec sa froideur typiquement scandinave et son écriture simple et sans fioritures, où l’on est happé par le climat local et la haine nihiliste qui s’en dégage subtilement. Et c’était sans compter en prime sur un son rugueux et crépitant tel qu’on le faisait à l’époque, vu que le combo a enregistré tout cela à l’ancienne et en live... afin de renforcer le côté authentique et la sincérité globale, ce qui sied parfaitement aux compositions malsaines et autoritaires. Si l’introduction (« Pavens ») va nous plonger dans une ambiance horrifique et martiale aux accents post-apocalyptiques, l’excellent « France de l’Ombre » va enchaîner directement derrière en proposant une glaçante alternance vocale entre les deux chanteurs qui prennent plaisir à mélanger leurs voix. Si on ajoute à cela une variation de blasts et vitesse enlevée conjugués à des plans lents oppressants on obtient ainsi une plage qui nous emmène vers les immenses contrées nordiques, en faisant ressortir le sentiment d’isolement nocturne à l’orthodoxie redoutable. Certes ça sonne déjà entendu et réentendu des milliers de fois mais c’est particulièrement bien fait et incisif, vu qu’on est immédiatement embarqué dans un déluge neigeux et haineux qui fait le grand-écart rythmique, avant que la sobriété ne se renforce sur le monstrueux « Ordo Opera Cultura » basé sur l’explosivité et le tabassage permanent où les gelures se font ressentir plus intensément. Hivernal à outrance et sentant le grand air des fjords cette composition est clairement la plus radicale de ce disque où le blanc et le noir se montrent plus virulents, histoire de montrer la facette la plus tempétueuse du groupe qui ne tombe pas dans le piège de la linéarité malgré une écriture plus que basique.
Pourtant avec « Aux Chiens » celle-ci va se densifier légèrement via l’apport de riffs plus écorchés (même si ça reste toujours rudimentaire) et de passages épiques impeccables pour secouer la nuque, sur fond de chaos permanent et de peur primale optimale. Donnant envie de prendre les armes pour mieux affronter l’ennemi comme le climat ce moment de toute beauté va servir de rampe de lancement à « Granit », qui conserve cette même base guerrière et remuante tout en y ajoutant des notes coupantes comme des lames de rasoir et des moments au bridage insistant, où l’impression d’être pris dans les glaces ne nous quitte plus tant la diversification y est imposante entre ses accents débridés et ceux plus pépères qui compriment l’âme et l’esprit. Il ne sera donc pas étonnant qu’après toute cette rage exprimée de façon plus que convaincante l’instant soit venu de calmer le jeu sur la conclusion intitulée « Gravenoire », qui sert d’outro et va se montrer très apaisante en proposant du violoncelle joué sur un fond de bruit de pluie qui tombe... avant que des notes de piano (ressemblant aux "Gymnopédies" d’Erik Satie) n’interviennent sur fond de paroles prophétiques parlées, et semblant dire que la fin du monde est arrivée.
Celle-ci en tout cas n’est jamais bien loin tout au long de cet enregistrement qui défile à toute allure avec une telle abrasivité qu’on en ressort coupé de partout, surtout que tout cela est une réussite intégrale vu que l’on y ressent à de nombreuses reprises les influences des précédents groupes où ont joué les différents acolytes. Crasseux dans son rendu le plus primitif et sublimé par des grandes bouffées d’air frais dignes des montagnes du grand nord ce premier chapitre de la bande en appelle d’autres (espérons-le !), car il serait dommage que cela s’arrête si rapidement. Effectivement on n’est pas suffisamment rassasié à la fin de cette quasi demi-heure que l’on ne voit pas passer, tant elle est oppressante et jouissive à la fois... et en attendant on ne peut que conseiller de se pencher assidument sur cette œuvre corrosive et sulfureuse qui prouve qu’à l’heure du synthétique et de l’immédiateté un retour aux fondamentaux est toujours nécessaire et même indispensable. Affaire à suivre donc... on l’espère du moins, en attendant une suite encore meilleure à cette réalisation qui à l’heure actuelle n’a rien à envier à certains grands noms désormais mythiques pour l’ancienne génération mais aussi la nouvelle qui a bon goût.
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