Blutfahne / Norrhem - The Path Of Elite
Chronique
Blutfahne / Norrhem The Path Of Elite (Split-CD)
[ A propos de cette chronique ] Dans le petit monde du réputé et qualitatif Black Metal Ukrainien (où traîne souvent l’ombre de Militant Zone et de l’Asgardsrei festival), on peut facilement citer comme formations de haute tenue NOKTURNAL MORTUM, DRUDKH, LUCIFUGUM, HATE FOREST, KRODA, PRECAMBRIAN, ULVEGR et tant d’autres qui ont contribué depuis des années à la renommée de leur pays au sein de la scène extrême internationale. Malgré une notoriété toute relative on peut également mettre dans cette liste les furieux de BLUTFAHNE qui après un long moment de silence sont revenus aux affaires depuis 2017 avec une série de Split aux côtés d’ELEGIAC, ГРОМА ГЛАС ou encore WALSUNG… que des noms qui sentent bon le bras tendu et la passion pour le Führer et le Duce. S’il a sorti un album l’an dernier le binôme de Kiev continue à partager sa musique avec d’autres et le voilà cette fois-ci avec les désormais excellents Finlandais de NORRHEM (qui pour l’occasion sortent de leur silence avant leur nouvel album attendu d’ici quelques mois), pour un rendu imparable et surtout où l’égalité est de mise avec quatre morceaux chacun, à l’ambiance autant sulfureuse que neigeuse. Car avec un nom qui signifie littéralement "drapeau du sang" (pour désigner le drapeau à croix gammée) on sait de suite à qui on a affaire du côté du duo, même si on est là uniquement pour parler musique et non politique.
Justement le moment est venu de se pencher sur les compositions, et ce sont les kieviens qui vont ouvrir le bal avec une douce introduction où la harpe conjuguée à la guitare douce et le violoncelle vont être de rigueur, en offrant une ambiance Slave tendre et mélancolique à la fois basée sur une poésie et une nostalgie récurrente qui fait écho sans doute aux malheurs réguliers qu’a connu la nation de ses géniteurs. D’ailleurs cet écho envers un passé pas si éloigné est flagrant dès que démarre « Кроком Лицарів » qui va montrer directement l’ensemble des rythmiques pratiquées par le combo qui durant presque huit minutes va alterner entre des passages mid-tempo rampants et épiques à mort, et des blasts nombreux mais qui ne s’éternisent jamais afin d’amener un supplément de violence sans pour autant qu’elle soit prépondérante. Car on sent ici une volonté d’embarquer l’auditeur à travers les steppes et aux côtés de la Wehrmacht en perçant les lignes de défense en direction de Stalingrad aidés par les Einsatzgruppen en première ligne, de par un riffing et un son direct et brut légèrement grésillant dont le point d’orgue et ce lead de fin coupant et désespéré comme pour magnifier le noir et blanc sur fond d’archives filmées de l’époque. Simple dans son écriture comme son exécution cette plage réussie de bout en bout va servir de relais parfait à « Повстанська Ватра » qui conserve la même base tout en variant plus son propos. Car les longues parties instrumentales et hypnotiques entendues auparavant vont ici être plus brèves vu que les acolytes ont décidé de monter en intensité et de se faire plus haineux encore, tout en renforçant cette froideur omniprésente du fameux hiver 1941-1942 (le deuxième plus frisquet du XXème siècle), dont les notes de guitares transpercent ici les nombreuses couches vestimentaires. Très classique dans son écriture comme dans la façon de le jouer ce Metal noir réussit facilement son coup en étant cohérent et suffisamment varié pour ne pas lasser, et ainsi conserver son accroche pour prouver la qualité du boulot fourni qui s’écoute facilement et sans souci particulier bien que tout cela soit très classique et scolaire au final, mais sans pour autant être rédhibitoire vu que le résultat est largement satisfaisant et sympathique.
Après cela place à la deuxième partie de cette galette et à l’arrivée du trio de Turku qui en seulement cinq ans d’existence s’est déjà placé comme un incontournable du genre au sein d’une nation qui pullule de formations culte (et dont le statut à l’heure actuel est au sommet mondial). Complétée désormais par des musiciens de session l’entité initiale livre désormais tous les ans du nouveau son, et quel que soit le format proposé à chaque fois le rendu fait mouche immédiatement… surtout depuis le magnifique
« Koitos » qui l’a clairement vu franchir un cap, avec cette utilisation renforcée des claviers et cette ambiance phantasmagorique qui ne tombe jamais à plat et se mêle avec brio aux parties débridées et déchaînées. C’est d’ailleurs à cela qu’on va avoir droit sur ces deux nouvelles plages qui semblent être tirées des sessions de ce dernier long-format en date, et dont le ton est donné après la courte introduction nocturne et stellaire où déboule le redoutable « Hymni Tulelle ». Montrant toute la violence des Finnois ceux-ci nous arrosent d’une alternance continue de blasts et passages rapides à la double-pédale où se mêle du médium parfait pour renforcer le côté guerrier, surtout quand la voix claire toujours impeccable de Teemu Haapalainen se fait entendre. S’il s’était déjà fait plaisir sur la précédente réalisation il s’est là-encore lâché pour amener ainsi un supplément de féérie au milieu des synthés qui nous plongent toujours au milieu des immenses forêts locales, où l’auditeur se retrouve perdu au milieu des étendues de neige sans âme qui vive à l’horizon. Porté par des paroles tirées de l’œuvre du poète Eino Leino (considéré comme un des plus grands poètes de son état - et dont sa naissance chaque 6 juin est aujourd’hui l’occasion de faire flotter le fier drapeau bleu et blanc) ses compatriotes livrent un morceau typique et classique, mais toujours aussi affûté à l’instar de « Saarretut » qui va grosso-modo continuer sur le même chemin. Néanmoins si ça se reprend ce qui a été entendu juste avant ce titre montre un léger accent Heavy au niveau du riffing tel qu’on avait pu l’entendre sur le très court
« Among The Ruins ». Si cette fois-ci c’est l’auteur Yrjö Jylhä qui est mis à l’honneur (connu pour son fameux « Kiirastuli » - considéré comme étant le meilleur essai national sur la seconde guerre mondiale au niveau local), musicalement on sent que les gars jouent sur les deux époques celle rugueuse de « Voima Ja Kunnia » comme la mélodieuse et pleine d’espoir du dernier volet en date. Résultat un mélange impeccable des styles où la lenteur suffocante côtoie une contre-attaque victorieuse des locaux délogeant l’occupant Russe de leur territoire souverain. Après tout cela – et afin de surprendre une fois encore – les nordiques vont offrir une reprise fidèle de « Noregsgard » tirée du seul et unique long-format de STORM sorti en 1995 (où jouaient Satyr et Fenriz), aux accents rampants encore plus flagrants vu que ça n’accélère jamais et privilégie la lourdeur et le désespoir, tant on a le sentiment d’errer seul dans la nuit lapone en étant à la fois le chasseur et sa proie (et qui redonne clairement envie de réécouter la version originale de ce disque malheureusement un peu oublié).
Confirmant donc qu’elle peut vraiment tout jouer et que son statut de plus en plus élevé n’est pas usurpé la bande remporte de peu son combat face au binôme de l’est, qui s’en sort lui-aussi très bien et a offert une bien meilleure résistance qu’on ne pouvait le supposer initialement. Pas le k.o attendu mais victorieux quand même les nordistes savent montrer les muscles et lâcher les chevaux tout en sachant faire preuve de suffisamment de finesse pour rester maîtres de leur jeu et leur destin, qui s’annonce toujours aussi radieux et dont on a hâte d’entendre leur troisième chapitre prochainement qui sera sans doute toujours aussi classieux et impitoyable. Un ressenti semblable d’ailleurs pour l’autre nom de cette galette dont on va scruter leurs prochaines aventures tant il y’a matière à ce que ça fasse mal dans le futur tout comme à l’heure actuelle, avec cette sortie qui ravira les puristes de par son contenu général implacable et sa durée relativement correcte même si forcément on en aurait bien repris une rafale supplémentaire.
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