Obskuritatem - U Kraljevstvu Mrtvih...
Chronique
Obskuritatem U Kraljevstvu Mrtvih...
Pour certains acteurs de la scène à la vision bien arrêtée, le Black Metal est devenu depuis déjà plusieurs années un véritable cirque ayant perdu tous ses charmes d’antan au profit d’une musique politiquement correcte, tristement policée par une profusion de "whimps" et autres "posers" et désormais bien loin de cette nature profondément subversive et misanthrope des débuts. Forcément, quand on voit ce que sont devenus des groupes comme Dimmu Borgir ou Behemoth, on se dit qu’il est loin le temps où l’on brûlait des églises histoire de chier sur le christianisme.
A l’opposé de cette tendance, on a vu apparaître en parallèle une résurgence de groupes attachés à produire un Black Metal particulièrement primitif mais également extrêmement confidentiel avec des tirages parfois limités à seulement une dizaine d’exemplaires. Si la démarche ne manque pas d’intérêt d’un simple point de vue artistique, elle a très vite montré ses limites d’un point de vue marchand puisqu’il n’est pas rare de trouver sur Discogs ces mêmes sorties à des prix absolument indécents. Quoi qu’il en soit, on a donc vu émerger ces dernières années aux Etats-Unis, au Canada, au Portugal et dans d’autres pays d’Europe tout un tas d’obscures formations cultivant avec furtivité une forme d’art noir particulièrement exigeante pour les oreilles. On retrouve d’ailleurs chez ces groupes cette même esthétique, qu’elle soit visuelle ou sonore : artwork en noir et blanc, photos au grain volontairement exagéré, productions cradingues pour ne pas dire inaudibles... Exactement ce qu’il faut pour laisser sur le bas-côté tous ceux qui n’ont rien à faire là.
Originaire de Bosnie-Herzégovine, Obskuritatem fait partie de cette mouvance. Membre du Black Plague Circle aux côtés d’autres groupes tels que Nigrum Ignis Circuli, Deathcircle, Niteris, Master's Voice et Void Prayer, ce one-man band (enfin c’est ce que l’on devine à la vue des quelques photos glanées ici et là) a sorti son premier album l’année dernière sur Black Gangrene Productions (Lampir, Megalith Grave, Mons Veneris, Orgy Of Carrion...), petit label portugais spécialisé dans ce genre de Black Metal ultra confidentiel (au même titre que d’autres labels comme Livor Mortis, Les Fleurs du Mal, Signal Rex, Final Agony, Ancient...).
Intitulé U Kraljevstvu Mrtvih..., ce premier album fait suite à toute une série de demos et de splits parues depuis 2012. Contrairement à d’autres formations évoluant dans le même registre (je pense notamment à Lampir, Candelabrum ou Black Citadel pour n’en citer que quelques-unes), la production de ce premier longue durée n’est pas aussi hermétique qu’il n’y paraît. Bien entendu, celle-ci demeure volontairement des plus rudimentaires mais dans le genre, même si effectivement ça crache, ça grésille et ça sature constamment, on a quand même entendu bien pire. En tout cas, pas de quoi effrayer tous ceux déjà habitués à ce genre de traitements archaïques appliqués en vue de créer un environnement sombre, oppressant et anxiogène.
Attaché effectivement à certaines valeurs d’antan, Obskuritatem n’entend rien bouleverser de ce qui fût établi en ces temps anciens (le début des années 90 en Norvège et en France). Ainsi, passé cette lente et entêtante introduction qui nous entraîne sans préambule dans les plus viles profondeurs de la Terre, le groupe intensifie rapidement son discours à coup de riffs bien souvent répétés ad-nauseam, de blasts et autres fulgurances Punk taillés pour laisser libre court à nos plus primitifs instincts et de mélodies obscures rendues particulièrement envoûtantes par ce caractère répétitif qui leur est volontairement appliqué. Bien entendu, Obskuritatem ne fait pas que foncer tête baissée pendant près de quarante minutes et les ralentissements et autres séquences mid-tempo sont légion tout au long de U Kraljevstvu Mrtvih... ("Gospodar Samoće" dès 2:43 et ce jusqu’à 5:26, "U Kraljevstvu Mrtvih..." de 5:24 à 7:42, "Povratak Vampira" et ses sept minutes de mid-tempo, cette longue conclusion instrumentales qu’est "Posljednji Trzaj Života"). Là encore, la nature répétitive de ces mouvements concoure bien évidement à la mise en place de ces ambiances ritualistes et mystérieuses mais ils sont surtout pour Obskuritatem le moyen de rompre avec ces assauts linéaires (mais certainement pas lassants) menés pied au plancher ("Gospodar Samoće", "U Kraljevstvu Mrtvih..." et "Gdje Tišina Vječno Vlada").
Adepte d’un Black Metal misanthrope et rétrograde, Obskuritatem n’entend pas plaire à tout le monde avec sa formule. Et c’est d’ailleurs très bien comme ça puisqu’en matière de Black Metal calibré pour le plus grand nombre, il y a déjà largement de quoi faire. S’inscrivant volontairement dans une démarche élitiste incitant l’amateur potentiel à chercher, fouiller, creuser quitte à devoir plus tard dépenser quelques euros supplémentaires pour faire l’acquisition de pièces éditées en de très petites quantités, le groupe de Bosnie-Herzégovine (le premier d’ailleurs chronique sur Thrashocore) propose ici un premier album qui ravira tous les amateurs de formations obscures et exigeantes aimant cultiver une certaine confidentialité. En tout cas, voilà un disque à ne pas mettre dans toutes les oreilles.
| AxGxB 10 Octobre 2018 - 1420 lectures |
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