Tan Kozh - Lignages oubliés
Chronique
Tan Kozh Lignages oubliés
Tan Kozh m’avait bien intrigué, dès l’annonce de la sortie de son premier album. Déjà parce que les gars avaient signé un deal avec Antiq, label irréprochable et hautement recommandable, mais aussi parce qu’ils affichaient une thématique originale, à savoir l’héritage indo-européen, et son rapport avec l’histoire et la culture européenne. On a aussi pu voir fleurir un peu partout cet artwork très sympathique bien qu’assez classique, qui se permet d’intéressants éléments symboliques disséminés dans le monochrome. Non, vraiment, Tan Kozh donnait envie.
L’étiquette « pagan » a été accolée à la musique de Tan Kozh … Dans les faits, on parle d’un black metal très traditionnel ; n’espérez pas y trouver des instruments folkloriques et autres flutiaux. En revanche, dans ses thématiques et dans ses mélodies, Tan Kozh a effectivement quelque chose qui sonne ancestral, passéiste et païen. Un peu à la manière d’un Belenos en fait. Les hostilités sont lancées sur « Troisième fonction », avec une jolie mélodie folk simple et triste, vite rattrapée par des accords saturés et une voix grondante très appréciable. La piste est entièrement mid-tempo, avec de beaux trémolos toujours assez dépouillés, mais évocateurs et porteurs. On est facilement attrapé dans l’atmosphère épico-mélancolique du groupe.
« Ecce Homo » fait beaucoup penser à Belenos, avec sa mélodie entraînante et ses envolées mélodiques entre chien et loup, ni totalement glorieuses ni vraiment menaçantes, qui laissent mariner dans une ambiance trouble, avant un assaut de blast qui aboutit sur un lead lui aussi assez chafouin. La piste garde une forme de tension, ne tranchant jamais totalement en faveur d’une ambiance ou d’une autre. Jusqu’ici, Tan Kozh reste très majoritairement dans le black ambiancé et pas vraiment agressif. Les gars essayent de nous réveiller un peu avec « … Et la Haine nous sauvera tous … », mais franchement … Pas convaincu. Les accords punks, les petits leads ascendants qui se veulent batailleurs … Ça ne sonne pas vraiment sauvage. J’imagine que l’idée était de verser un peu dans le Bathory première époque, histoire de dérouiller un peu et de mettre une dose d’agressivité, mais tout est bien trop cadré et gentil pour réellement donner envie de casser des gueules. Aucun doute sur le fait que la piste fonctionnera très bien en live cela dit, mais pas marquante sur album.
Le voyage continue avec de belles choses, je pense notamment à « Sacrifice », qui sonne là aussi très Belenos période Spicilège. Attention, le groupe n’est pas du tout dans le plagiat, mais officie dans le même type d’atmosphères que Belenos selon moi. Autre très bon moment, peut-être le meilleur de l’album, « Viens à Moi », avec ses accords entraînants et ses mélodies galvanisantes. C’est du bien composé, du bien joué, du bien fichu. L’album se termine sur « A la Gloire d’Indra », qui fait aussi acquiescer avec une moue satisfaite. L’album n’est pas ennuyeux, pas longuet, très bien construit. Rien à dire, on a passé un bon moment.
Bon, si vous avez déjà lu quelques-unes de mes chroniques, vous avez sûrement déjà senti qu’il y a un « mais » quelque part, puisque je reste raisonnable sans partir dans des élans excessifs de prose adipeuse. Tan Kozh a un sérieux problème selon moi. Musicalement, c’est bien trop sage. Trop cadré, trop gentil. Pas formaté, ce n’est pas l’idée, mais plutôt que ça reste bien trop délimité, pas assez sauvage. Et ce à tout point de vue. Les mélodies n’explosent pas, les rythmiques restent trop conciliantes, la voix reste imposante mais manque de fureur, de vrai haine. Et ça, ça se ressent particulièrement sur les deux pistes qui se veulent les plus hostiles, à savoir « Imprécation » et « … Et la Haine nous sauvera tous … ». Les pistes pêchent vraiment par manque d’emphase, de vrai colère. Ça reste un peu docile. Même la production, très agréable et organique au demeurant, manque d’hostilité. En fait, mon souci, c’est que je me sens beaucoup trop respecté en écoutant ce disque. Rien en dépasse, c’est épilé comme une ménagère suisse. Il aurait fallu déglinguer tout ça, enregistrer à la Necrowretch en se faisant physiquement mal pour dégager quelque chose d’extrême peut-être … En gros, ça manque de sang. Il faut le redire, Tan Kozh prouve sans problème son potentiel musical, et démontre qu’il sait faire de la vraie bonne musique. Mais il lui manque ce qui fait du black metal marquant.
Bon, et puisque j’en suis aux reproches, un petit mot sur les paroles de la déjà citée « Imprécation ». Bon, la chose ressort fortement parce que le reste des paroles est très bien fichu, mais là, franchement … On tombe un peu dans la charge anti-religieuse naïve et pas forcément très fine, ce qui ne me gêne pas du tout pour un groupe moins ambitieux, mais qui dénote beaucoup ici. C’est juste dommage de perdre trois crans de réflexion et de finesse pour les paroles de cette piste, surtout quand il y a mille manières plus intelligentes pour taper sur les religions et cultes du monde. Ce n’est pas grave en soi, mais à titre personnel, ça me fait tiquer à chaque écoute. Et encore, je dis ça, mais si le groupe arrivait à convoquer une folie violente à la Bathory, ça passerait beaucoup mieux, les critiques anticléricales un peu basses du front le temps d’une piste bien casse-nuque ! On en revient toujours au même problème, finalement.
Vous pourrez trouver que je ne suis pas tendre avec Tan Kozh. Honnêtement, j’en suis conscient. Clarifions les choses s’il le faut, Lignages oubliés est un bon album, qui se rapproche du très bon régulièrement, mais reste trop gentil et pas assez puissant pour arriver à devenir vraiment marquant. Il a fait le plus gros du boulot, notez, à savoir être bien composé. C’est d’autant plus rageant que le groupe a très manifestement le potentiel pour rendre une œuvre éclatante, mais ce n’est malheureusement pas pour cette fois. Ecoutez-le, il y a de grandes chances que vous aimiez, c’est vraiment de la composition au-dessus du lot. Mais les gars, si vous lisez ça, lâchez-vous, faites du sparring avant d’enregistrer, n’importe quoi, mais agressez-nous ! Ya pas de soucis, vous savez écrire vos chansons, vous savez faire de la bonne musique, maintenant, cassez-nous la gueule ! Ça ne veut pas forcément dire blaster à tout bout de champs, ne devenez pas Diocletian, mais un surplus d’hostilité et de fureur vive, moins contrôlée et cadrée, ça donnerait à vos morceaux une portée et un impact de dingue ! D’autant plus que l’album a tendance à monter en puissance au fil des écoutes, on lui découvre des subtilités (le jeu de basse excellent) et des petites finesses sur le long terme. Foutez-y un peu de Nifelheim et ça donnera une énorme tuerie !
En attendant de retrouver le groupe sur un prochain album qui, je l’espère, viendra me mettre un KO, il faut féliciter le groupe pour avoir réussi à sortir quelque chose d’aussi globalement mature et intelligent, et d’avoir choisi le meilleur label pour leur démarche. On garde le groupe en vue d’ici-là, ils en valent vraiment la peine.
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