Toadliquor - Back In The Hole
Chronique
Toadliquor Back In The Hole
2013 : Je découvre – bien tardivement – Toadliquor grâce à la compilation The Hortator’s Lament. Scrollant sur le défunt site Slow End, je me laisse tenter par l’écoute de ce disque présenté – de mémoire – comme particulièrement clochard et psychiatrique (oui, on en vient vite à trouver des mots étranges séduisants, quand on écoute ce genre de musique…). La découverte frappe fort, avec sa grosse heure de sludge joué comme du drone, ses cris hystériques, édentés mais surtout allant bien au-delà de la peinture des tourments urbains dont on peut avoir l’habitude. L’impression d’entendre un sludge malade, mental avant d’être social, les neurones hurlant bien plus que les SDF que l’on croise habituellement dans ces contrées. Culte pour qui l’a rencontré, est tombé dans cet extrémisme à-part avec délice.
2024 : Southern Lord annonce le retour de Toadliquor – inattendu, après un silence discographique de plus de vingt ans (trente-et-un si on prend les seuls albums en compte). Il y avait de quoi s’inquiéter mais surtout être intrigué, notamment par cette illustration laissant penser que le groupe ne s’était pas calmé question psychédélisme dément. Elle ne dément pas ! Toadliquor est bien de retour, plus concis, plus doom, moins drone mais toujours aussi noise, non pas atteint d’une sagesse acquise avec l’âge – pouah, pas de ça ici et heureusement – mais fort d’une stature tutélaire qui n’a rien perdu en nocivité. Non, on joue doom, traditionnel presque (ce riff de « In Gold » qu’on a l’impression d’avoir déjà entendu chez Black Sabbath), mais avec une science de la coupure, une capacité à enfermer cela dans une interprétation rongée, donnant une fraîcheur rare à ces instants où la guitare s’ébroue et s’excite.
Il y a donc un étonnant plaisir palpable – et partagé – à jouer ce sludge bon pour l’asile sur Back in the Hole, méritant pleinement son titre fier proclamant « on est de retour ». Mais qu’on ne croit pas que ce nouvel album soit uniquement jouissif ! La voix de Rex n’a rien perdu de sa folie, plus râpeuse mais attaquant toujours les oreilles pour aller trifouiller plus loin. On peut toujours utiliser l’ensemble du champ lexical de l’insanité pour décrire les hurlements du monsieur, bouffé par la torpeur, semblant aussi sidéré que nous par ce qui sort de sa gorge. Un désespoir latent se transmet le long de ces trente-huit minutes, où les riffs monolithiques écrasent mais font aussi tenir l’ensemble debout, avec leur dignité doom encore plus présente qu’auparavant.
Avec sa durée relativement courte et ses guitares bien plus accrocheuses qu’auparavant – toutes proportions gardées, on n’est pas sur une piste de danse mais bien enfermé à double tour –, Back in the Hole se montre moins exigeant que les œuvres précédentes de Toadliquor sans perdre pour autant ce qui fait l’originalité du projet. A déplorer, certains moments de remplissage, des dérives électroniques ou des instants où le saxophone s’invite, mettant un peu trop dans une position d’attente pour faire de ce disque un classique en devenir (il a aussi la déveine d’arriver dans une année où nous sommes particulièrement gâtés question sludge). L’atmosphère DSM-5 est heureusement tenue tout du long, ces passages accentuant cette impression d’être prisonnier d’un esprit particulièrement dérangé. Cependant, les riffs sont si gigantesques, si forts de l’expérience accumulée (à croire qu’ils n’ont jamais arrêté de composer !), que l’on ne peut qu’espérer rapidement leur retour. Mais cela est bien une remarque de peine-à-jouir concernant une œuvre pleine de peine – à s’en arracher les cheveux et ce qui les tient – et paradoxalement ô combien jouissive !
| lkea 25 Octobre 2024 - 545 lectures |
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