Une question de dosage : voilà ce à quoi j’en viens toujours concernant le sludge de Body Void.
Ruins maniait avec justesse les posologies, tachycardie, malaise et engourdissement ne virant jamais à la somnolence ou la crise cardiaque.
I Live Inside a Burning House montrait un groupe qui devait encore découvrir les bonnes combinaisons au sein de l’excès, son pilulier bourré de
Primitive Man,
Indian,
Burning Witch et
Laudanum finissant par causer une apathie malgré le traitement de choc.
Il aura fallu ce dernier album ainsi que de l’EP
You Will Know the Fear You Forced upon Us, pareillement trop chargé, pour que Body Void transforme enfin l’essai en coup de génie,
Bury Me Beneath This Rotting Earth étant la pleine réalisation des objectifs de 2018. Les références restent pourtant les mêmes. Seulement, elles s’assimilent et s’enrichissent, l’obésité de Primitive Man se couplant au sadisme blackened d’Indian (cette voix douloureuse et perverse), la noirceur ambiante de Laudanum s’alliant au nihilisme de
Grief. L’ensemble sonne alors étrangement familier et alien, clairement expert de l’histoire du sludge dans ce qu’il a pu avoir de plus punk tout en étant extrêmement actuel dans sa vision extrême de ce que le genre a pu sortir de plus… extrême.
Une radicalité qui ne cherche, heureusement, pas uniquement à hurler plus fort que les autres – défaut dont souffrait
I Live Inside a Burning House. Body Void brise le statu quo mais créé aussi un autre univers en réponse, celui d’une terre désolée et pourrie, vision du futur qui devient de plus en plus palpable à chaque coup de chaleur, pluie diluvienne, tempête destructrice. L’éco-anxiété a supplanté la haine des transphobes, les élites une nouvelle fois dans le viseur. Une torpeur générale habite
Bury Me Beneath This Rotting Earth, paniquée jusqu’à des accélérations qui suffoquent, explosions d’angoisses plus qu’attaques punk – celle de « Wound » en meilleur exemple. Le ton général reste cependant à l’écrasement, le démarrage de « Fawn » allant jusqu’à creuser dans les soubassements de l’industriel le plus lugubre.
Si l'immersion se réduit lors de la deuxième moitié de « Pale Man » – où la formule s’affiche un peu trop comme telle, certains riffs paraissant déjà entendus à force de peindre le même monochrome matraqué –, Body Void conserve majoritairement un sens de la tension permanente qui laisse s’exprimer celles que l’on traîne avec soi. Cela soulage sans guérir, l’atmosphère se situant entre le suicidaire et le délabrement dont on peut voir
Bury Me Beneath This Rotting Earth comme un manifeste dès son titre. Si
Ruins garde pour lui ses qualités d’exutoire direct, à l’humilité dévoilant tous les talents de la formation, cet album-ci se donne les moyens de ses ambitions tout en conservant le charme particulier des Ricains, à la fois monstrueux et humains, quelque part entre le gigantisme du sludge frôlant l’abstraction et une certaine simplicité dans le propos qui ne vire jamais au bêta.
Cela tient à peu de choses. Body Void est un groupe qui ne réussit pas à tous les coups et peut s’empêtrer dans ses propres contradictions, engagé mais pessimiste, enragé mais abattu, moraliste mais impitoyable. Celles-ci dépassées, il est aussi capable de beaux coups d’éclats pour l’amateur de sludge, qui entendra ici un discours propre au-delà des références. Une chose finalement pas si courante dans le style.
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