Chronique
Body Void Ruins
Peut-être cela va-t-il faire sourire certains mais le sludge, au-delà des histoires d’influences, sincérité, authenticité ou crédibilité, est avant tout une affaire de… dynamisme.
Oui, le mot est étrange quand on parle d’un style qui contient en son sein une formation comme Primitive Man par exemple. Et pourtant, c’est souvent ce qui départage un groupe qui ne cesse d’écraser et ennuie d’un qui emporte avec lui dans sa traînée : l’art de savoir passer la seconde de temps à autre, de jouer en sous- et surrégime tout en maltraitant savamment le moteur. Body Void l’a bien compris sur son premier album, prenant exemple chez les plus experts du jeu de pousse-pousse – Grief, Indian ou encore le Thou des premières heures – pour emmener son sludge sur des terres négatives toutes personnelles.
Normal, quand on sait que la formation – excroissance du groupe Devoid dont on tient ici la dernière production devenue première de sa suite – est menée par Willow Ryan, déjà évoqué ici au sujet de Hellish Form, une personne torturée et revendicative qui laisse parler ici ses émotions les plus sombres. On pense fortement – en plus des figures tutélaires susnommées – au Laudanum de The Coronation, ne serait-ce que pour la production opaque signée Greg Wilkinson (ex-Brainoil et… Laudanum). Pour autant, Body Void possède sa propre personnalité derrière des révérences continues – qui ne peuvent que faire plaisir à l’amateur, cf. les flashs de Dystopia et Fistula s’entremêlant sur « Erased » –, un sadisme méthodique se terrant derrière cette capacité à accélérer ce qu’il faut, pile au moment où la mélasse commence à devenir trop hospitalière.
Ruins ébouriffe et obsède dès « Swan », Body Void ayant visiblement travaillé sa copie depuis des démos qui jouaient des mêmes ingrédients mais n’avaient pas encore le bon dosage. Ici, chaque geste a sa signification propre, entre punk dégueulé (les racines crust de « Erased ») et menace envers les transphobes et autres fascistes de la pensée – Willow Ryan et sa voix androgyne éructée jusqu’à s’en faire mal sont épaulés de guitares particulièrement intimidantes sur « Monolith ».
Rejoignant d’autres projets plus qu’au courant de l’histoire musicale dans laquelle ils s’inscrivent tout en cherchant à la dépasser – Thou en plus beau représentant –, Body Void peut avoir l’air d’un bon élève appliqué au départ avant de rejoindre les noms à retenir à l’écoute de Ruins. Un savoir-faire aussi explosif ainsi qu’un discours plus qu’actuel – la dysphorie de genre et ce qu’elle peut sous-entendre d’envie de transformation et de lutte contre l’oppression – font voir en lui une évolution souhaitable du sludge, pratiqué par des déclassés de notre temps. Cependant, la fin en eau-de-boudin du morceau-titre, se concluant par des mélodies post-rock dignes du pire de Chained to the Bottom of the Ocean dans leur simplicité déjà entendue montre que la bande a encore une marge de manœuvre et marche sur un fil. Un équilibre précaire – on est définitivement dans le thème – qui contient aussi sa part de hasard heureux malgré un talent évident. Mais, attention, ce sera bien le seul enchantement que vous trouverez ici.
| | Ikea 31 Octobre 2025 - 381 lectures |
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