Chronique
Invunche Atavismo
Ne vous y trompez pas, malgré tout le décorum, les costumes et autres références au folklore sud-américain, Invunche est un groupe néerlandais qui cependant, loin de jouer le jeu de ce que certains appellent "l’appropriation culturelle", reste le fruit d’un transfuge chilien connu dans le civil sous le nom de Martin Valenzuela. Formé je ne sais quand, le one-man band est actif depuis maintenant une bonne dizaine d’années puisque la sortie de sa première démonstration remonte à juin 2014. Depuis, la discographie d’Invunche s’est quelque peu étoffée avec en guise de plus récente offrande un deuxième album intitulé Atavismo paru sous les couleurs du label texan Nuclear War Now! Productions.
Puisant l’essentiel de son inspiration thématique chez d’anciennes tribus autochtones des régions sud du Chili et de l’Argentine telles que les Mapuches et les Tehuelches, Invunche a choisi d’articuler ce deuxième album autour de deux thématiques chères à ces peuples, le soleil et la lune, abordées pour l’occasion par des approches sensiblement différentes l’une de l’autre. Si la première allant de "Antü" à "Pachamama" représente ainsi le feu, la passion, la domination et une vision sud-américaine de ce que peut être le Black Metal, la seconde allant de "La Luna" à "El Huaso" offre quelque chose de plus froid, de plus détaché, de plus hypnotique et de plus traditionnel. Naturellement, on serait tenté de se dire qu’un tel parti pris risque de donner lieu à un album manquant peut-être un petit peu de cohérence et d’homogénéité mais la vérité est qu’Atavismo s’aborde sans heurt ni difficulté, lui dont les transitions entre chaque morceau se font de manière particulièrement douces et transparentes. D’ailleurs, pour être honnête, si je n’avais pas eu vent à la lecture d’une interview trouvée sur Internet de ces thématiques et de ces deux approches sensées légèrement différer, je ne suis pas certain que j’aurais réussi moi-même à mettre le doigt dessus...
Quoi qu’il en soit, des premières secondes d’"Antü" aux derniers instants d’"El Huaso", Invunche parvient sans la moindre difficulté à nous embarquer dans une Amérique du Sud encore largement imprégnée de ses croyances, de ses cultes païens et de ses rituels ancestraux. À ce titre, le choix fait par Martin Valenzuela de hurler dans sa langue natale participe grandement à cette immersion tout comme ces quelques sonorités exotiques et autres petits arrangements subtils (cette flute synthétique et samplée entendue à plusieurs reprise sur "Últimos Días", cette longue conclusion tribale sur "Qhapaq Hucha" débutée dès 2:54) qui de façon tout aussi évidente contribuent également à ce voyage en terres lointaines et mystérieuses.
Pour le reste, Invunche continue de s’épanouir au son d’un Black Metal primitif et à la fibre (Post-)Punk pour le moins évidente. En effet, bien plus adepte du "toupa-toupa" que du sacro-saint "blast beat", El Invunche (aka Martin Valenzuela) nous offre quantité de passages plus ou moins soutenus marqués par des accélérations fougueuses (de "Antü" à 0:32 à "Elal" à 0:02 en passant par les premières mesures de "La Luna", "Últimos Días", "Qhapaq Hucha" ou "Küyen" les exemples ne manquent pas et font en effet d’Atavismo un disque peut-être pas aussi intense que certains albums menés le couteau entre les dents mais un disque néanmoins rythmé et dynamique qui ne nous lâche pas). Ajoutez-y comme on l’a vu plus haut des transitions quasi-imperceptibles à moins d’avoir comme moi une pop-up qui s’affiche dans le coin supérieur droit de votre écran à chaque nouveau morceau ainsi qu’une basse particulièrement présente (en tout cas pour un groupe de Black Metal) et vous obtenez un album marqué malgré tout par une certaine urgence.
En dépit de cette cadence particulièrement entrainante chère à notre Chilien résidant aux Pays-Bas, il n’est pas rare de voir également ce dernier lever le pied afin d’insuffler un brin de contraste et de nuance à son Black Metal. Aussi, outre cette composition instrumentale faisant office de transition entre la partie "Soleil" et la partie "Lune" de l’album ("Pachamama"), Atavismo se distingue également par de nombreux passages plus tempérés et atmosphériques ("Antü" à 2:41, "Elal" à 5:42, "El Sol" et ses cinq minutes plutôt orientées mid-tempo, "Qhapaq Hucha" à 1:45, "Küyen" à 0:57, la première minute de "El Huaso") ainsi que par des mélodies épiques qui sans jamais tomber dans la facilité (il aurait été aisé par exemple d’utiliser une flûte de pan pour espérer nous conduire sur les hauteurs embrumées du Machu Picchu ou jusque dans les couloirs du métro parisien diront les mauvaises langues...) parviennent pourtant à nous transporter devant ces paysages à la fois grandioses et terriblement menaçants de Patagonie. De "Antü" à "Elal" en passant par "El Sol", "La Luna", "Qhapaq Hucha", "Küyen" sans oublier "El Huaso", El Invunche fait tout au long de ce deuxième album de l’excellent travail et offre au passage à ce Black Metal une certaine singularité (comme évoqué brièvement plus haut, on trouve effectivement un peu de Post-Punk dans ces mélodies et la manière dont elles résonnent) qui à l’issue de ces quarante-deux minutes permet finalement de faire toute la différence.
Derrière ses airs d’album Black Metal teinté d’influences sud-américaines et norvégiennes tout ce qu’il y a de plus classiques, Atavismo parvient très vite à capter l’attention grâce à de petites particularités qui en font un disque plus personnel que ne le sous-entend ces dites influences. Car même s’il ne réinvente rien, il y a dans sa construction, dans ses mélodies, dans son approche dynamique, dans le chant habité de Martin, dans la place laissée à cette basse et dans ses couleurs sud-américaines plus ou moins tacites un petit quelque chose qui permet à Invunche de tirer son épingle du jeu et de se démarquer de la cohortes de formations qui pourtant suivent de près les mêmes traces... Bref, si vous êtes toujours en recherche d’albums de Black Metal capables de sortir quelque peu des sentiers battus sans pour autant tout envoyer valser, sachez qu'Atavismo est tout à fait le genre d’album qui aurait trouvé le chemin de mon bilan de fin d’année si je l’avais chroniqué plus tôt.
| | AxGxB 23 Juillet 2025 - 810 lectures |
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