Cryfemal - D6s6nti6rro
Chronique
Cryfemal D6s6nti6rro
Toi et moi, on est comme de vieux amis. On ne se raconte pas d’histoires. On se parle vrai. L’Espagne, en stricts termes black metal, est un pays du Tiers-Monde. Voire de l’infra-monde. Les groupes intéressants s’y comptent sur les doigts de la main. Sortis de Numen, Foscor, Proclamation et… Cryfemal, tu as quoi ? Rien ou si peu. Et précisément, sans être un fan absolu du monsieur, j’ai toujours eu ce petit brin de nostalgie et d’admiration devant l’abnégation du groupe. Cryfemal produit beaucoup, pas toujours à bon escient mais jamais totalement non plus de manière imbitable.
D6s6nti6rro (Desentierro, signifie déterrer en espagnol) est le septième album du groupe, dernier né d’une flopée de splits, compils et EP. Il s’inscrit dans la droite ligne des précédents efforts. Infestacion (tous les titres sont dans la langue de Cervantes) débute les hostilités sur un tempo élevé, bardé de riffs dissonants de belle qualité, typique du style et de la musique du groupe (Espectros de belmez, le dernier titre, présente les mêmes caractéristiques). Le son est toujours organique, profond et chaud, presque enveloppant, particulièrement celui de la batterie. L’équilibre entre riffs dissonants, qui s’étirent en longues mélopées déchirantes, et batterie marteau-pilon est parfait, très agréable et offre à ce premier titre – comme à ceux qui suivront – une dynamique intéressante. Les changements de rythme sont présents mais discrets d’où l’impression de progression maîtrisée des morceaux (Bajo Astral et ses changements de rythme subreptices mais réels).
Le son doit être souligné. Organique mais très puissant, il apporte une vélocité tout à fait notable aux titres (Infestacion, Profanatism, Requiem Eterno). Bornyhake, batteur ici et cerveau de Borgne, apporte quant à lui son touché funèbre qui enrichit des riffs souvent très épiques (Profanatism, Requiem Eterno). Ce caractère doit être souligné ; sans clavier, il ressort magnifiquement du jeu des guitares comme aux meilleures heures de la scène slave. Les riffs portent la structure, la batterie les dynamitent, l’ensemble consacrant une chevauchée épique sur le champ de bataille (Requiem Eterno et sa dynamique incroyable, Bajo Astral et sa profondeur musicale, comme le vent nostalgique qui plane sur Ultimas Palabras). L’équilibre est juste.
Les mélodies, la volonté de proposer des atmosphères profondes qui apportent des respirations et des moments de relance (Atmosfera de Tristitia, Bajo Astral) doivent être saluées. Le groupe n’en abuse pas mais les place toujours au moment opportun, après des titres nettement plus denses et violents. De fait, ces accalmies produisent leur effet et offrent une belle cohérence à l’album. Le contraste qu’elles apportent tranchent nettement avec l’aspect brut des morceaux les plus brutaux ; il donne le relief nécessaire à la diversité et démontre la capacité de Cryfemal à naviguer d’un univers à un autre avec facilité (les passages à la guitares sèches, aux intonations subtilement flamenco sur Atmosfera, sont du meilleur effet et constituent une trouvaille intéressante ; le pont aérien sur Profanatism également ; le départ de Bajo Astral, qui combine guitare sèche et chœurs noyés).
Le travail sur les guitares est encore à porter au crédit d’Ebola. La dissonance est objectivement superbe. Par endroits, c’est le grand Burzum qui est appelé en la cause, seul le son chaud le distinguant du son désincarné du norvégien. La profondeur du riff est là, tangible, palpable. Les sons tissent des fils qui s’entremêlent et forment comme un cocon musical dont on ne peut sortir (Bajo Astral, Perdido no cemiterio). Le son est ample ; les grattes remplissent tout l’espace sonore.
Finalement, le seul écueil de cet album tient dans sa pochette, affreuse (une habitude salement récurrente du groupe). Elle ne rend pas hommage au contenu. Et comme tu es une femme ou un homme intelligent, d’attention, tu n’y porteras point.
Ce nouveau Cryfemal est une véritable réussite. Un retour gagnant. Puissant et mélodique, habité et épique, il ravira sans difficulté les amateurs d’un black metal de tradition, intense et violent mais qui ne rechigne pas à verser, lorsque le moment est venu, sa petite larme.
| Raziel 13 Novembre 2016 - 1246 lectures |
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