Suite et fin de cette plongée dans les débuts de Malevolent Creation avec l’album
Stillborn, le mal aimé. Pourquoi le mal aimé ? Et bien en grande partie à cause d’une production jugée de piètre qualité (nous y reviendrons) qui va en faire un échec commercial cuisant. Les raisons de cette déconfiture sont à chercher du côté du label Roadrunner qui, vraisemblablement, n’a pas souhaité octroyer au groupe les fonds nécessaires afin de retourner au Morrisound studio en compagnie de Scott Burns. Résultat des courses, devant des chiffres de vente si peu élevés, le label décidera de ne pas donner suite, abandonnant ainsi le groupe dans la nature...
Stillborn est également le dernier album de Malevolent Creation sur lequel va collaborer Dan Seagrave (et au passage le dernier album à bénéficier d’un artwork digne de ce nom). Cette œuvre, bien qu’elle ne soit pas la plus remarquable de tous ses travaux, sera la dernière d’un tryptique qui porte encore aujourd’hui cette atmosphère si particulière du début des années 90. Celle d’une scène en pleine ébullition s’apprêtant pourtant à faire face à la déferlante Grunge.
Sorti un an et demi après
Retribution,
Stillborn voit le retour de Jon Rubin (Hateplow, Monstrosity...) dans les rangs de Malevolent Creation. Celui qui a participé à trois des quatre premières démos du groupe vient ici remplacer Rob Barrett parti intégrer Cannibal Corpse pour l’enregistrement de
The Bleeding. Un jeu de chaises musicales qui, vingt ans plus tard, continue de plomber la carrière du groupe...
Enregistré aux Pro Media Studios de Gainesville,
Stillborn marque effectivement en terme de production une certaine régression comparé à l’excellent
Retribution. Guitares étouffées et légèrement en retrait, production déséquilibrée manquant quelque peu de panache (en dépit d’une basse largement mise en avant), saturation excessive entrainant des grésillements assez pénibles une fois qu’on y prête attention... Bref, rien d’étonnant à lire dans les interviews de l’époque que l’enregistrement de cet album ait été un véritable calvaire pour le groupe. Pourtant, cette production ne me gêne pas outre mesure car même si elle loin d’être parfaite, elle reste néanmoins dans les standards de l’époque. Alors effectivement, l’épreuve du temps s’avère aujourd’hui moins clémente que pour d’autres albums sortis à la même époque mais on est quand même bien loin de l’état de catastrophe que certains veulent lui prêter.
L’autre point de dissension qui semble également être porté par une majorité concerne la qualité "médiocre" des compositions et le "manque d’inspiration" dont semble faire preuve les Américains. Alors effectivement, Malevolent Creation continue de faire du Malevolent Creation, mais comment le leur reprocher alors que 95% des groupes de cette même époque se sont également "contentés" de capitaliser sur leur propre recette ? Une critique que j’ai du mal à entendre et qui me paraît peu justifiée à l’écoute de ce
Stillborn qui s’inscrit naturellement dans la droite lignée de ses deux prédécesseurs et notamment un
Retribution dans les pas duquel il marche sans trop de surprise. D’ailleurs, peut-être que le problème vient de ? Mais attendaient-t-on vraiment d’un groupe comme Malevolent Creation qu’il surprenne son monde après un deuxième album imparable ? Je n’en suis vraiment pas convaincu...
Les Américains reprennent donc peu ou prou la même formule que sur leurs deux albums précédents en choisissant néanmoins d’accélérer quelque peu la cadence. En effet, rares sont les moments de calmes sur ce troisième album mené pied au plancher d’un bout à l’autre. Il n’y a que les titres "Sillborn" positionné judicieusement à mi-parcours et "Disciple Of Abhorrence" qui lui conclut ce troisième album pour apporter un peu d’air à un disque qui n’offre au final que bien peu de répit. Blasts et cavalcades thrashisantes forment donc une fois de plus la base du Death Metal des Floridiens dont les nombreuses accélérations sauront ravir les amateurs de brutalité. Ces déferlantes sont toutefois contrebalancées par quelques breaks au groove typiquement new-yorkais ("Dominion Of Terror" à 0:50 et 3:10, "Stillborn" à 2:37, "Ordain The Hierarchy" à 1:31...) parfait pour briser des nuques et donner envie de tout détruire autour de soi.
Et alors ces riffs, sont-ils aussi peu inspirés que ce que les gens semblent penser ? Et bien non, pas en ce qui me concerne. Malgré les multiples va-et-vient, Phil Fasciana est resté le principal compositeur de Malevolent Creation. Épaulé ici par Jon Rubin, le père Filou n’a effectivement rien perdu de cette richesse et de cette frénésie qui caractérise son jeu. Les plans et les idées se succèdent au sein de compositions pas forcément toujours très faciles à appréhender mais qui, pour l’époque, ont au moins le mérite de sortir quelque peu des sentiers battus. Même constat en ce qui concerne le travail effectué sur les leads et les solis, nombreux, tous plus excellents les uns que les autres. Enfin,lorsque monsieur Fasciana ralenti le tempo, le résultat demeure toujours aussi pertinent. Malevolent Creation troque alors cette atmosphère belliqueuse et particulièrement frontale pour une ambiance plus lourde et menaçante ("Dominated Resurgency", "Stillborn" et "Disciple Of Abhorrence").
En dehors d’une production perfectible mais pas non plus handicapante,
Stillborn reste pour moi un très bon album de Malevolent Creation. Rien n’a vraiment changé dans le camp des Américains depuis
Retribution. Que ce soit la voix growlée/criée de Brett Hoffmann, le riffing tendu et fourni de Phil Fasciana ou bien cette basse redoutable de Jason Blachowicz, on retrouve tout ce qui faisait le charme et l’excellence de son prédécesseur. D’où mon incompréhension aujourd’hui face à de telles critiques (il n’y a qu’à lire celles de Metal Archives qui parlent de perte d’inspiration ou de production catastrophique...). Certes, l’effet de surprise n’est peut-être pas aussi remarquable qu’à la sortie de
Retribution mais cela n’enlève rien à la qualité de ce troisième album tout aussi recommandable que ses prédécesseurs. En attendant, si celui-ci ne fait pas l’unanimité, sachez tout de même qu’il s’apprête à être réédité par Listenable Records au même titre que les deux premiers albums de la formation. Une raison plus que valable de vous y (re)mettre avec bon cœur.
3 COMMENTAIRE(S)
06/10/2017 15:26
Qu'on critique la prod, soit. Mais l'album reste vraiment sympa pour peu qu'on aime le style (et même en fond sonore ça passe crème, y a de l'inspiration !).
J'ai pris enfin le temps d'écouter en ayant en tête "pourquoi autant de bash ?", mais je suis d'accord avec la kro : on est dans le haut du panier en terme de Death début 90. J'ai trouvé bien d'autres albums qui n'avaient pas cette poigne que ce Stillborn... Et encore aujourd'hui, il se défend : malgré sa prod, il saisit aux oreilles.
Y a un riffing sur le premier morceau qui catch bien? Et The Way of All Flesh fout pas mal la fessée aussi.
Bref, un album pour lequel je mettrais un 6.5, parce que subjectivité autour du Death metal trop frontal (la même année sortait Individual Thought Patterns, en 91 Human et également Testimony of the Ancients de Pestilence, trois albums qui pour moi sont intouchables).
06/10/2017 08:19
24/04/2017 16:16