Raw Addict - Swarm Decomposition

Promis, je ne fais pas de fixette sur Isaac Horne.

Bon, peut-être un peu. J'admets avoir beaucoup, beaucoup de respect pour le bougre - sa vie entière semble dévouée au Grindcore et ses oncles fétides. On ne peut pas être partout à la fois ? Non content de jouer dans 20 (!) projets différents et passer une bonne partie de l'année sur les routes, il se paie en plus le luxe de transcender tantôt l'héritage de LDOH période "Putrefaction in Progress" (avec Sulfuric Cautery), tantôt celui de la scène Death/Grind à tendance GoreeEuropéenne (avec Morgue Breath) - et pour couronner le tout, de faire du Foetopsy presque mieux que Foetopsy (avec Lurid Panacea - à quand le prochain album ?) Ajoute à ça la gestion de son label, Blast Addict, et tu te retrouves avec une hyperactivité qui expliquerait presque à elle seule la vitesse prodigieuse qu'il déploie derrière sa caisse claire signature.

Excès de fanboyisme ? Non, pas à ce point. Si son demi-milliard de projets mériterait un wiki à lui tout seul, tous ne sont évidemment pas transcendants, ses incursions Gorenoise m'en touchant une sans faire bouger l'autre (Malignant Hyperthermia, Mankind's Devastation, Masticated Polyps...) Raw Addict occupe une position un peu bâtarde dans le carnet de chasse du ricain : pas extraordinaire, mais pas vilain non plus. Néanmoins, ce tout premier long-jeu, "Swarm Decomposition", mérite qu'on lui accorde vingt minutes de son temps. Surtout si le besoin d'anesthésier les neurones se fait sentir chez l'auditeur.

Une constante dans son palmarès : Isaac sait bien s'entourer. Et pour Raw Addict, il s'est abouché avec Joe Warketin, un autre hyperactif de son acabit, que l'on connaît surtout pour son "boulot" chez Archagathus, groupe plutôt rigolo, véritable Challenger Deep de l'intelligence, mais que je n'ai jamais réussi à apprécier. Pour ce "Swarm Decomposition", je m'attendais donc à un distillat de trisomie. Le résultat est effectivement très, très con... Mais pas que.

Dès les premières notes de "Scavenger Reign", hantées par un clavier traînant depuis 1988 dans un congélo de Liverpool, c'est plutôt la scène Death à tendance Gore que Raw Addict convoque - de son propre aveu, d'ailleurs. Bovin comme un Mortician, les guitares accordées dans les chaussettes piquées à Hemdale, les blasts qui clapotent dans la fange d'un General Surgery... On est clairement sur un groupe d'Obscene Extreme-core. Le chant complètement mongolien et monocorde de Joe sert à merveille le propos, en tout cas : du Grindcore/Goregrind farci de riffs incompréhensibles tant la guitare est basse dans le spectre, miasmes épais percés par la couscoussière utilisée comme caisse claire - comme le veut la tradition.

"Swarm Decomposition" suinte le gras par tous les pores, pue comme une chasuble de vestiaire, m'évoque assez la forme finale de Demi Moore dans "The Substance" : une bestiole grotesque qui se dandine, au gré des tupa-tupa et autres D-Beats dispensés par Isaac, risquant l'implosion si elle se prenait les pieds dans le tapis. Un cadavre tout bleu et tout gonflé (presque du Carlos dans le texte, finalement) que nos deux compères prennent un malin plaisir à remuer, du bout d'un bâton. Non, ces quasi-22 minutes ne renferment rien de très personnel, ni de très transcendant - ceci dit, ce n'est pas vraiment ce que je recherchais en m'encanaillant avec les deux compères. Raw Addict fera plaisir aux nostalgiques des groupes sus-cités, tout en se révélant, à ma grande surprise, particulièrement divertissant - en même temps, avec des parties stop'n'go à la "Anatomical Obsolescence", pouvait-il en être autrement ?

Je rechigne toujours à résumer un disque de Grindcore au "ça gueule, ça blaste, c'est cool" - peut-être pour ne pas donner raison aux esprits chagrins qui voudraient résumer le style à cette simple phrase. "Swarm Decomposition" leur donne raison, c'est vrai, mais c'est là son immense qualité : un pur plaisir coupable qui appelle immanquablement au replay, pour peu qu'on soit sensible à la musique qui ne parle qu'à nos instincts de primate.

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