Chronique
Au Loin Au Loin
Si l’on connait déjà les Lituaniens d’AU-DESSUS il va falloir désormais ajouter à cette liste AU LOIN qui en provenance de sa belle Bretagne publie ici sa première œuvre directement au format album, et dont la sortie chez les Angevins d’Antiq Records va permettre au projet de faire parler de lui assez largement... et ça ne sera que justice. Car sous ce nom mystérieux on retrouve deux vieux briscards ayant fait leurs armes notamment dans ENTERRE VIVANT, ARKAIST ou encore AETERNA TENEBRAE... et qui ont décidé d’explorer d’autres horizons musicaux en lorgnant ici vers le Black Atmosphérique inspiré par DARKSPACE et PAYSAGE D’HIVER, dans une démarche introspective et poétique où le rejet, l’abandon, la souffrance et la transcendance personnelle comme spirituelle sont mis en valeur par nombre de textes de grands auteurs. En effet outre un travail musical particulièrement recherché la qualité des paroles et à souligner, il faut dire que quand on reprend des phrases et paragraphes écrits par Charles Baudelaire, Victor Hugo ou encore René-François Sully Prudhomme on sait qu’on a affaire à du sérieux et que ça mérite qu’on s’attarde là-dessus.
Cherchant donc de l’auditeur que celui-ci fasse un vrai travail sur la quête de sens le duo livre donc une œuvre psychanalytique où l’acceptation de la douleur fait partie d’une série d’épreuves imposées afin de se trouver intérieurement, afin de connaître ensuite une certaine sérénité qui va aider à relativiser la gravité de certains évènements extérieurs. Contemplatifs et spirituels les quatre morceaux de ce disque éponyme vont ainsi nous emmener dans un état second où la noirceur générale n’est néanmoins pas une fin en soi, vu que l’espoir demeure toujours et que les épreuves entamées en amont ne sont qu’une étape pour un futur meilleur, telle une thérapie alternative ou un travail équivalent à de la sophrologie. Avec son ambiance brumeuse et ses accents hypnotiques on ne sera donc pas surpris que l’ensemble joue largement sur les atmosphères, d’ailleurs dès les premiers instants du très long « Sans Fin » on ne va pas s’empêcher de faire un parallèle avec TIME LURKER tant la longueur des titres comme ses accents froids, humides et propices au recueillement rappellent largement l’œuvre proposée depuis ses débuts par le multi-instrumentiste venu d’Alsace. En effet avec ces douze minutes au compteur cette plage d’ouverture va prendre son temps afin de nous imprégner au maximum de ce brouillard opaque où tente de percer une lumière, signe d’une renaissance qui n’est pas loin mais qui pour le moment reste en retrait vu que durant un bon moment c’est un ensemble de riffs grisonnants et pénétrants qui nous est proposé... tout ça avant une explosion où lenteur et vitesse ne vont cesser de s’entremêler. Avec en prime un break calme où la plénitude n’est pas très loin tout cela va permettre à l’ensemble de repartir sur des bases élevées où le chaos général se montre maîtrisé, s’accordant idéalement à la météo automnale et proposant ainsi un voyage sans fin au défunt déjà très loin de nous.
On remarque d’ailleurs que les noms donnés à chaque plage se montrent en totalement adéquation avec le rendu proposé, c’est le cas de « Vient La Nuit » où les blasts et les ralentis ne cessent de jouer l’un avec l’autre en laissant de longs moments aux parties instrumentales pour s’exprimer, vu qu’ici la brutalité la plus radicale côtoie sans sourciller d’autres passages cotonneux et éthérés prouvant que cet ultime vol vers d’autres cieux est en cours, et qu’il se déroule excellemment bien. Si l’on pourra éventuellement reprocher un certain manque de puissance à la production cela ajoute cependant un supplément de profondeur à cette purée de pois, qui va mettre l’accent sur des accents épiques via le redoutable « Décadence » où des plans en mid-tempo guerriers vont apparaître de fort belle façon, et aidés en cela par un solo majestueux avant que des chœurs plus tristes ne retentissent comme pour signifier que le combat est fini et qu’il est temps de compter les morts pour se recueillir. Montrant ainsi tous les éléments favorables pour apprécier le travail du combo cette ultime composition sert de parfait condensé à ce qu’il maîtrise le mieux, vu qu’on passe par toutes les émotions... la fureur succédant à l’apaisement et la tristesse à la joie. D’ailleurs c’est sans doute pour cela que la conclusion intitulée « Au Loin » va finir de jouer la carte du calme après la tempête, vu qu’on entend nombre de chants d’oiseaux et que l’on se croit seul au sein d’une immense forêt tropicale... le tout avec quelques nappes délicates de clavier histoire de finir cette longue balade apaisé et serein.
De fait malgré quelques petites longueurs et plans répétés en boucle on reste largement satisfait de cet enregistrement offert par les deux comparses qui nous embarquent dans un univers personnel et intéressant, ni trop planant ni foncièrement débridé... trouvant donc le point d’équilibre parfait pour satisfaire le plus de monde possible. Jamais excessif dans l’écriture ni l’exécution ce premier jet (qui en appelle certainement d’autres) fort sympathique a de quoi occuper un bon moment, nous faisant apprécier encore plus que d’habitude la période hivernale en ces fortes chaleurs actuelles. Prometteuse dans sa thématique comme dans la façon de faire sonner l’ensemble correctement la formation se place aujourd’hui comme un sérieux concurrent à suivre au sein de la scène hexagonale, tant elle a des arguments à faire valoir et qui peuvent véritablement lui permettre de se détacher de la concurrence nationale. Comme d’habitude l’avenir le dira mais il sera en tout cas radieux si les Bretons continuent sur cette voie avec la même qualité générale, c’est tout ce qu’on leur souhaite à condition de ne pas se disperser inutilement... mais vu leurs pedigrees respectifs on n’a pas de quoi s’inquiéter pour cela.
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par Lestat
Par Jean-Clint
Par xworthlessx
Par Ikea
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par Lestat
Par Krokodil
Par Niktareum
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène