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Dome Runner - World Panopticon
Chronique
Dome Runner World Panopticon
Habitués à côtoyer d’obscurs petits labels depuis le début de leur carrière en 2020, ce n’était finalement qu’une question de temps avant que les Finlandais de Dome Runner ne trouvent refuge sur une structure aux reins un petit peu plus solides et à la réputation déjà bien installée. Comme un signe du destin, c’est le label Svart Records (Demilich, Havukruunu, Disgrace, Rippikoulu, Winter...) qui a succombé le premier aux charmes froids et industrialisés de l’entité en provenance de Tampere. Une collaboration actée par la sortie ce jour de World Panopticon, deuxième album particulièrement généreux puisque ce ne sont pas moins de quinze nouveaux morceaux pour une durée fleuve avoisinant les quatre-vingts minutes qui nous sont en effet offerts ici par le trio. Vous pouvez donc d’ores et déjà passer votre chemin si vous vous connaissez de quelconques troubles de l’attention...
Si je ne m’estime pas spécialement concerné, ce genre de chiffres n’est néanmoins pas du genre à me rassurer. Mais ce qui m’a davantage chagriné à l’annonce de ce nouvel album c’est surtout cette illustration triste, grisâtre et sans saveur qui pue la seconde division Techno des années 2000 et qui très franchement donne tout de même un petit peu moins envie que les précédentes réalisations pourtant déjà dépouillées choisies par Dome Runner pour habiller ses différents travaux. Enfin bon, il m’en aurait fallu de toute façon bien davantage pour ne pas me lancer dans la découverte de ce nouveau longue-durée que j’avais hâte de découvrir après ce début de carrière absolument irréprochable.
Passée la surprise de faire face à un album de soixante-dix sept minutes, on va également pouvoir constater que Dome Runner n’a pas hésité à étirer son propos de manière significative puisque sur ces quinze titres, six s’affichent au-delà des sept minutes. Alors c’est vrai, les Finlandais ont déjà joué les prolongations à plusieurs reprises auparavant avec sur chacune de leurs sorties un titre ou deux oscillant entre six et huit minutes mais la chose est cette fois-ci nettement plus marquée. Face à ce désir d’allonger ses compositions ont pourrait évidemment craindre pour l’efficacité même de ce deuxième album en s’imaginant notamment devoir faire face à de longues séquences répétées ad nauseam mais la vérité est que World Panopticon ne donne jamais l’impression désagréable de tirer en longueur. Aussi l’ennui n’est donc aucunement de mise puisque le trio a toujours à l’esprit, principalement sur ces titres à rallonge mais pas uniquement, d’aller de l’avant en faisant progresser chacun de ses morceaux. Si cela ne se joue pas nécessairement sur la cadence, on va surtout pouvoir le constater à travers l’évolution subtile des motifs vocaux ou musicaux mis en avant par Dome Runner ou bien encore par les quelques arrangements choisis pour accompagner tel ou tel morceau (un solo mélodique placé au bon moment, un clavier synthétique ou un sample mécanique et industriel afin d’habiller une séquence en particulier, etc). Un travail discret mais nécessaire afin de pouvoir avaler ces presque quatre-vingts minutes sans sourciller.
Pour autant, la répétition aliénante, propre des musiques Industrielles, est évidemment inévitable. Dome Runner l’entretient cependant avec élégance soit comme élément introductif ("Enter:Panopticon") ou de transition ("Consensus Glitch: Reconstruction Of The Indesign Chaosphere") ou bien afin de créer des atmosphères dystopiques et oppressantes particulièrement réussies ("Split Self Matrix", "Christless", "Reversal Blaze", "Soul Collapse Interface", "Postpartum"). Mais peu importe les cas de figure, jamais on n’en vient à lever les yeux au ciel et à souffler bruyamment afin d’exprimer ce qui pourrait effectivement être un brin d’ennui.
Mais même si les Finlandais ont opté avec ce nouvel album pour un format XXL, l’essence même de leurs compositions n’a quant à elle pas changé d’un iota. On va effectivement retrouver ce Metal Industriel froid, mécanique et lumineux aux bruitages et arrangements nombreux qui faisait déjà le sel de ses précédents enregistrements à commencer par ce premier album particulièrement chouette dont je vous ai parlé il y a de cela quelques semaines. Un Metal industriel des plus variés puisqu’empreint d’influences diverses allant du Death Metal (ce growl abrasif) au Hardcore (ces lignes de chant plus écorchées et agressives ainsi que ces quelques séquences explosives menées pied au plancher comme sur les excellents et vindicatifs "Constant Crisis Diagnosis" et "Android Hybrids Immortal") à d’autres sonorités (notamment vocales) tout aussi sympathiques à commencer par ces très chouettes lignes de chant mélodiques et lumineuses façon Burton C. Bell de Fear Factory qui apportent en effet une dimension toute particulière à la musique de Dome Runner ("Android Hybrids Immortal", "Christless", "Reversal Blaze", "Solid State Zero", "Frail Demise", "Salvation Aess", "Postpartum") ou bien encore ces quelques incarnations prophétiques et imbibées présentes sur "Possessed Empty Vessel", "Soul Collapse Interface" ou "Postpartum". Enfin, si Dome Runner est bel et bien doté d’un batteur (aka Otto Haino), l’usage de la boîte à rythmes (et d’un échantillonneur)) est ici monnaie courante. De toute façon, vu la rapidité et la coloration synthétique de nombre de séquences, difficile pour les Finlandais de s’en cacher. D’ailleurs, si je n’en suis habituellement pas friand, dans ce registre spécifique son usage est néanmoins tout à fait inévitable. Cadences déshumanisées, bruits mécaniques, bugs informatiques et ambiances artificielles émanent ainsi de ces machines pilotées par l’homme et ne pas y avoir recours lorsque l’on pratique une musique comme celle-ci serait naturellement un véritable non-sens total, une aberration incompréhensible, bref une grossière erreur.
Si World Panopticon demande un petit peu plus d’efforts pour être apprécié à sa juste valeur (pas uniquement à cause de sa durée et de son format allongé mais aussi parce que ses compositions sont un petit peu plus denses et moins immédiates), le jeu en vaut vraiment la chandelle. On sent en effet que Dome Runner a méticuleusement travaillé sa copie, restant naturellement fidèle à l’héritage de Godflesh, continuant d’y incorporer des sonorités piochées à droite et à gauche tout en faisant très attention à rester cohérent et accrocheur, atténuant la nature aliénante de ces nombreuses répétitions par des refrains et des mélodies lumineuses pleines d’espoir, variant son propos que ce soit en termes de rythmes, d’ambiances ou de sonorités (comme par exemple sur ces introductions, interludes et titres très synthétiques tels qu'"Enter:Panopticon", "Possessed Empty Vessel", "Existential Intermission" et "Consensus Glitch: Reconstruction Of The Indesign Chaosphere". Bref, un travail qui au bout du compte s’avère payant car ce deuxième album est effectivement une franche réussite qui chez moi et sans aucun mal finira parmi les meilleurs albums de l’année.
| | AxGxB 21 Novembre 2025 - 418 lectures |
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