Cryoxyd - This World We Live In...
Chronique
Cryoxyd This World We Live In...
Parmi les innombrables formations de qualité que la France possède il va falloir rajouter à cette longue liste le nom de CRYOXYD, qui malgré un âge avancé sort enfin son premier album après bien des péripéties qui ont failli avoir raison de son existence. Car après avoir eu une première vie entre 2000 et 2006 la formation menée par Eron s’est ensuite mise en sommeil jusqu’en 2019… année où il a relancé la machine avec une toute nouvelle équipe à ses côtés et un style plus direct et rentre-dedans, là où des accents Indus’ se faisaient entendre auparavant. Oscillant donc désormais entre la brutalité directe et les arrangements techniques inspirés principalement par la deuxième période DEATH (et où se greffent aussi quelques influences signées ATHEIST, CYNIC et PESTILENCE) le quatuor nous livre ici huit longs titres ayant pour thématique l’effondrement humain, la déshumanisation à outrance, le déclin civilisationnel ou encore la folie collective prise au piège d’une technologie qui dépasse ses créateurs. Rien de bien réjouissant sur le papier mais il est vrai qu’à l’heure de l’I.A., de l’abêtissement généralisé par les fléaux sociaux et autres influenceurs décérébrés de TokTok on ne peut que se retrouver dans ce constat certes sombre mais heureusement pas sans espoir. Car la musique du combo va nous embarquer dans un voyage très réussi et agréable où les cinquante minutes ne vont jamais paraître trop longues, même si la sensation de plagier Chuck Schuldiner n’est parfois jamais très loin sans pour autant être rédhibitoire.
Car dès les premiers instants de « Day After Day » on va se retrouver en plein dans l’univers du regretté et génial guitariste, car entre le chant dont la tonalité est proche tout comme le son de la batterie très sec (et dont les patterns lorgnent autant vers ceux de Sean Reinert et Gene Hoglan), il y a de quoi se laisser surprendre… même si la qualité est totalement au rendez-vous. Car la formation livre ici (et comme sur le reste de cette livraison) une prestation impressionnante de fluidité comme de puissance, laissant ici faire son talent en proposant d’entrée tout un panel rythmique incandescent. Misant donc autant sur quelques passages rapides que d’autres plus lents et découpés l’ensemble voit aussi l’ajout de quelques accents Prog’ bien troussés qui dévoilent un rendu un peu barré à la grande technicité mais jamais indigeste… la preuve ensuite sur « Dismal Fate » aux accents rappelant « Symbolic ». Car jouant beaucoup sur les harmonies de ce disque mythique la bande y ajoute une certaine atmosphère bien agréable entre les nombreux ralentissements et accélérations présents ici, nous gratifiant en prime d’un break nous rappelant « Lack Of Comprehension » et d’éléments tirés de « Secret Face » comme du long-format « Individual Thought Patterns », les mecs livrent une composition impressionnante qui ne faiblit jamais en attractivité. Et si jusque-là ils nous avaient montré leur facette la plus travaillée avec « Injected Minds » et « Ambivalent Feelings » ils vont aussi prouver qu’ils savent faire quelque chose de plus direct et compact sans perdre en efficacité. Car ici même si ça ne cède pas à la facilité le rendu général va jouer plus frontalement tout en jouant sur les variations, notamment le mid-tempo présent de manière plus constante d’où émerge un grand-écart consistant et féroce lorsque ça accélère fermement… pour un rendu impeccable où c’est remuant à souhait et propice au headbanging.
Et si l’on avait déjà perçu que techniquement c’était du haut niveau avec « Trapped In A Mirror » les choses vont encore grimper d’un cran avec du long solo en veux-tu en voilà, un groove dantesque et une musicalité digne de « Spheres » de la bande à Patrick Mameli où ça frappe fort autant que ça balance des arrangements jazzy et barrés impressionnants… mais sans jamais y perdre en cohésion. Entre tout cela l’entité ne va pas hésiter à aérer son propos en jouant sur l’effet de surprise, que ce soit avec le doux interlude acoustique nommé « For All Whom Suffered » que le joli instrumental « Effigy Of The Unknown » à la douceur étonnante mais parfaitement en raccord (à l’instar de l’outro plaintive « This World We Live In… », qui semble tout droit tirée du sublime « Perennial Quest »). Tout cela est donc idéal pour relancer la machine vu que le dernier tiers de cette galette va proposer un large éventail de la palette des parisiens, avec tout d’abord l’équilibré « Bodycell » aux accents groovy hyper sympathiques et ensuite « Emptiness Of Lie » qui après un démarrage assez aérien et tranquille va aussi gagner en force, pour y balancer toute une alternance régulière de plans variés du plus brutal au plus étouffant en optant pour un rendu tentaculaire où l’on ne s’ennuie jamais vu qu’on est pris à la gorge de cette réussite sans jamais réussir à s’en dépêtrer. Et pour terminer en beauté tout cela place à l’impeccable et violent « Mindless Human Form » à la fois débridé et frontal, mais où apparaît toujours une touche d’arrangements divers et de cassures profondes pour ne pas tomber dans une écriture rudimentaire et simple, histoire de garder la densité auquel on a droit depuis la première seconde.
Autant dire qu’il va falloir se mettre dans des conditions optimales pour appréhender la bête qui va demander beaucoup d’écoutes et d’attention pour totalement dévoiler ses charmes, vu qu’on va se surprendre à chaque fois de découvrir telle note ou frappe sur les cymbales passées inaperçues jusque-là. Et même si tout ça aurait encore été supérieur en étant un peu raccourci (on n’échappe pas à quelques longueurs disséminées ici et là) et qu’il ne faudra pas se fier à la pochette très moche qui ne rend pas grâce au contenu, on ne fera pas la fine bouche devant ce délicieux déluge métallique qui place directement ses auteurs parmi les nombreux noms à suivre dans notre pays. C’est très fin ça se mange sans fin comme dirait l’autre… et nul doute qu’avec un contenu pareil ça va rapidement figurer dans les bilans de fin d’année, car ça passera aisément l’écueil du temps et ce qui est certain c’est que la tête pensante de ce projet a bien fait de peaufiner chaque détail pour sortir cette galette, qui met fin à une période d’incertitudes de son projet comme d’une ligne éditoriale initialement hésitante et aujourd’hui pleinement affirmée pour notre plus grand bonheur.
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