Il s’en est passé des choses du côté de Fluids depuis la sortie d’
Ignorance Exalted en 2020. Premier changement de taille, le départ du chanteur Cole Jacobsen remplacé au pied levé par Brennen Westermeyer du groupe Thorn (jeune formation américaine qui a notamment sorti l’album
Crawling Worship sur Life After Death Records et Gurgling Gore Productions et dont je vous parlerai peut-être un de ces jours). Un départ qui n’a eu vraisemblablement aucune incidence sur le planning chargé du trio de l’Arizona puisque depuis mai 2020 celui-ci a en effet sorti un EP (
Smile And The World Smiles With You), deux singles, trois splits (en compagnie d’Oxidised Razor, Putrid Stu et Pharmacist) et un album. C’est de ce dernier dont nous allons parler aujourd’hui.
Intitulé
Not Dark Yet, ce deuxième album (ou troisième puisqu’apparemment
Ignorance Exalted ne serait pas un EP comme je le pensais) marque également l’arrivée de Fluids dans les rangs du label Hells Headbangers Records. Une signature qui ne devrait pas manquer de mettre les Américains sur le radar de nouveaux auditeurs pas forcément bien préparés pour autant de dégueulasseries. Car même si l’artwork réalisé cette fois-ci par le guitariste et bassiste Jan Grotle et non par Adam Medford s’avère effectivement un peu plus digeste (la faute surtout à ce ton sur ton), le contenu de ce nouvel album n’en reste pas moins toujours aussi crade.
C’est sur le sample d’un jeune homme qui se filme après s’être ouvert les veines que débute ce nouvel album. Malgré l’excitation de celui qui s’apprête à passer l’arme à gauche, on ne peut s’empêcher de ressentir une gêne et un dégoût évidents à l’écoute de ces paroles (
"This is the last video I’m gonna make. That is all my blood. Isn’t that fucking crazy ? When I clenched my fist, blood sports out everywhere. This is the last video I’m gonna make. I’m shaking like a motherfucker...") et surtout des images qu’elles renvoient et que chacun de nous va construire selon sa propre imagination. Des groupes qui jouent la carte du sale, il y en a toujours eu un sacré paquet. Ça ne date pas d’hier et les garçons de Carcass en savent quelque chose. Par contre, rares sont les groupes capables de mettre aussi mal à l’aise que Fluids. Certes, celui-ci n’y arrive que par des moyens détournés dans la mesure où ce sont ces samples trouvés dans les profondeurs obscures du web qui vont entretenir ces ambiances particulièrement dérangeantes mais au final peu importe car ces derniers, souvent extrêmement bien choisis, fonctionnent particulièrement bien et cela même lorsque le groupe joue l’économie comme c’est le cas ici avec seulement quatre samples dispensés tout au long de ces trente-six minutes...
Digne héritier de Mortician avec qui le parallèle a déjà été largement évoqué lors de mes précédents écrits sur le sujet, Fluids continue ici sans surprise son petit bonhomme de chemin sans rien changer à sa formule. On va ainsi retrouver sur
Not Dark Yet tout ce qui faisait jusque-là le charme du trio. Oui, même cette boîte à rythmes qu’en temps normal j’exècre mais qui chez les Américains donne un côté absurde (notamment lors de certaines accélérations surhumaines) qui ma foi fonctionne plutôt bien puisque je n’ai jamais vraiment rien à lui reprocher depuis tout ce temps…
Quelque part entre Death Metal et Grindcore, Fluids y va ainsi de ces compositions rudimentaires marquées par la simplicité de ces riffs lourdingues et patauds ("Genesis Spoiled" à 2:05, "Hope Forgotten", "Mercy Gelded" à 1:05, "Life Spent" à 2:19, le début de "Humanity Reviled"...), par l’efficacité de ce groove dénué de toute finesse et autre subtilité ("Hope Forgotten" à 1:04, et 1:18, "Empathy Shed" à 0:18, "Dignité Swindled", "Integrity Fabled" à 0:26 et 1:09, "Life Spent" à 2:19, "Mercy Gelded" à 3:20), par ce growl un poil plus compréhensible que celui de Cole Jacobsen, par cette batterie synthétique aux accélérations improbables et excessives ("Genesis Spoiled" à 3:41, l’entame de "Empathy Shed", "Honor Tainted" à 1:01, "Life Spent" à 3:27), par ces introductions aux sonorités elles aussi synthétiques mais aux couleurs définitivement plus rétro rappelant certains films d’horreur des années 80 ("Genesis Spoiled", "Mercy Gelded", "Life Spent"), par cette production abrasive et ultra saturée et pour terminer par ces fameux samples toujours aussi gerbants ("Genesis Spoiled", "Mercy Gelded", "Life Spent"). Notons tout de même parmi ces éléments déjà bien connus cette tentative plutôt réussie de poindre vers des horizons plus mélodiques le temps d’un "Humanity Reviled" perché à plus de huit minutes. Ce titre d’une extrême lourdeur commence d’une manière tout ce qu’il y a de plus classique pour Fluids (groove et chape de plomb sur le coin de la caboche, riffs à trois notes répétés ad vitam aeternam, growl bestial...) avant d’évoluer à mi-parcours (changement de riffs, moins de groove et un solo signé comme toujours par Sean Benson du groupe Boethiah) afin d’amener un soupçon de mélodie le temps d’une conclusion toujours aussi pesante et répétitive mais à l’ambiance bien moins suffocante.
Pour conclure cette chronique, je vais me permettre d’utiliser une citation elle-même reprise je ne sais où par mon collègue Sagamore et qui y décrivait Fluids comme une version Dark Web de Mortician. Ces quelques mots résument à la perfection ce que représente effectivement la musique des Américains. Un Death/Grind transgressif, particulièrement dégueulasse dans son attachement à nous mettre le nez face à certaines saloperies de la vie, le tout servi sous la forme d’un hommage évident à l’une des formations les plus emblématiques de la scène Death Metal. Bref, Fluids continue de faire son truc sans vraiment chercher à y apporter de grands changements. Pour autant, on se laisse encore une fois facilement prendre au jeu grâce à ce format relativement court mais surtout grâce à cette efficacité et cette absurdité renouvelées malgré la simplicité du propos.
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