Fluids - Exploitative Practices
Chronique
Fluids Exploitative Practices
J’ai toujours eu un faible pour ce genre d’artwork en mode collage improbable de corps, de visages et d’organes. Le résultat offre toujours quelque chose d’assez dérangeant qui attire systématiquement mon regard. Certes, dans l’esprit collectif, on doit la paternité de ce type de projet à un certain Carcass dont l’artwork de Symphonies Of Sickness est probablement gravé dans la mémoire de chacun d’entre nous pour encore un paquet d’années mais depuis, nombreux sont ceux à avoir repris ce genre de superpositions comme par exemple les Américains de The County Medical Examiners ou leurs compatriotes de Fluids.
Formé en 2018 à Phoenix, Arizona, le groupe évolue sous la forme d’un trio avec notamment au chant Cole Jacobsen de Lago. Après quelques menues sorties (un EP, une démo et un single), le groupe attire l’attention du label californien Maggot Stomp Records (Encoffinized, Frozen Souls, Gutless, Sanguisugabogg...) avec qui Fluids va naturellement collaborer pour la sortie en juillet dernier de son premier album intitulé Exploitative Practices. Un album marqué par une atmosphère bien particulière qui ne prête pas du tout à la rigolade…
Comme le précise très bien le groupe sur sa page Bandcamp, les samples qui ponctuent ce premier album ne sont pas tirés de quelconques films d’horreur ni même de séquences BDSM. Non, ces derniers proviennent notamment et selon toute vraisemblance de vidéos de tortures filmées par quelques cartels mexicains ("Caught", "Chopped", "Dumped", "Doused") mais aussi d’arrestations ayant mal tournées ("Shot"). Autant vous dire que le malaise est total à l’écoute de ces cris, gémissements et autres plaintes rendus encore plus concrets par ces discussions en espagnol et ces bruits du quotidien (cette télévision retransmettant je ne sais quel programme ou bien cette radio qui diffuse les Guns n’Roses en arrière-plan)... Si l’artwork transmet quelque chose d’effectivement dérangeant, ce n’est rien face à ces samples qui ponctuent Exploitative Practices et qui à travers cette souffrance bien réelle lui insuffle une atmosphère effroyable et presque gerbante. Cette violence, le groupe la cultive également à travers ses paroles et les titres de ses compositions fait d’un seul mot : "Shot", "Chopped", "Dumped", "Seared", "Scattered"... Des termes imagés qui au regard des samples évoqués ci-dessus laissent finalement bien peu de place à l’imagination. Âmes sensibles, s’abstenir...
Dans la continuité des sorties Maggot Stomp (celles dont on a déjà parlé ici et les quelques absentes), le Death Metal de Fluids brille par son manque total de finesse. Grâce à cette production excessive révélant notamment un son de basse particulièrement saturée (coucou Mortician) et une batterie pour le moins synthétique (coucou Mortician), le groupe américain livre une musique primitive et cradingue dont le groove nonchalant et les quelques accélérations bovines suffisent à rendre la formule pour le moins efficace. Certes, on repassera pour ce qui est de l’originalité mais alors pour ce qui est de prendre quelques coups de savates dans la tronche, Fluids sait comment s’y prendre. Même cette batterie programmée qui avait alors tendance à m’agacer quelque peu, notamment lors de ces franches accélérations où le doute n’était plus permis, a fini par me convaincre ou en tout cas à finalement réussie à passer presque inaperçue au point de ne plus me gêner (et pourtant je ne suis vraiment pas friand de cet instrument). Grâce à des morceaux relativement courts (quatre titres seulement au-dessus des trois minutes pour une durée totale excédant de peu les vingt-huit minutes), Fluids n’a de toute façon pas le temps de saper la motivation de l’auditeur qui aura bien du mal à résister à l’appel de ces séquences mid-tempo slammisantes. Et oui, le groove pataud de Fluids est assurément l’un des points forts de son Death Metal. D’ailleurs, en parlant de Slam, ne serait-ce pas monsieur Matti Way (Abominable Putridity, ex-Disgorge, ex-Pathology...) qui vient pousser la chansonnette sur "Caught" et "Shot" ? Et bien si, tout à fait. Quand je vous disais que tout ça manquait cruellement de finesse…
Aussi fin et subtil qu’un sketch de Jean-Marie Bigard, ce premier album de Fluids ne sera probablement pas sans faire effet sur les fans frustrés de Mortician qui attendent encore désespérément que Will Rahmer et Roger Beaujard se sortent enfin les doigts du cul histoire d’oublier ce Re-Animated Dead Flesh pas très folichon. En attendant que ce jour arrive, voilà dix titres particulièrement crados dont le groove lourdaud ne devrait pas manquer de séduire les amateurs de ce genre de Death Metal dénué de finesse et d’intelligence. Qui plus est, par ces samples, Fluids réussi également à se construire une certaine identité et surtout à nourrir une atmosphère bien dérangeante tout au long de ces vingt-huit minutes, chose qui dans le genre n’est pas donné à tout le monde.
| AxGxB 14 Octobre 2019 - 1002 lectures |
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