Fluids / Pharmacist - Feeling Young
Chronique
Fluids / Pharmacist Feeling Young (Split 12")
Si à première vu Fluids et Pharmacist ne partagent pas beaucoup de points communs, le premier marchant à grandes enjambées sur les traces de Mortician, le second préférant les scalpels affutés et sanguinolents d’un certain Carcass, il y a bien une chose qui les réunie c’est cette impressionnante productivité que rien n’arrête, même pas cette fichue pandémie ou bien ces quelques changements de line-up. J’ai bien tenté de suivre l’intégralité de leurs sorties ici sur Thrashocore mais rien n’y fait, je n’arrive pas à suivre le rythme, notamment en ce qui concerne le (vrai / faux) duo japonais qui depuis sa formation en 2020 compte déjà à son actif un album, deux EPs, trois singles et six splits dont le dernier en date (probablement plus pour longtemps) partagé en compagnie des Américains de Fluids.
Paru chez Gurgling Gore (cassette), Grindfather Productions (cassette et vinyle) et Left Hand Patches (CD et vinyle), ce split intitulé Feeling Young va servir de prétexte aux Américains pour aborder un thème qui jusque-là n’avait pas été particulièrement exploité par Fluids, en tout cas pas de manière aussi explicite. Cela commence par ce délicieux collage qui pour tous ceux qui hésitent à sauter le pas, vous présente dans les grandes lignes les vertus de la consommation de drogues dures telles que le crack et le krokodil... Cette thématique va naturellement s’étendre jusqu’aux samples utilisés par le trio de l’Arizona qui pour l’occasion va donc délaisser ses séances de tortures entre narco-trafiquants et autres suicides en direct pour des témoignages toujours aussi cru et glauques mais tout de même un poil moins dérangeants…
D’ailleurs c’est justement Fluids qui ouvre le bal avec cinq nouveaux morceaux toujours aussi gras et profondément débiles. Sans surprise, les Américains reprennent ainsi le chemin de ce Death Metal primitif et bovin aux fortes consonances Grindcore, livrant ainsi comme à leur habitude une version remise au goût du jour de ce que Mortician a pu faire par le passé. Et comme toujours les retrouvailles vont se faire au son de cette boîte à rythmes aux sonorités parfois complètement abusées qui en appellent davantage aux musiques électroniques plutôt qu’à tout ce que l’on peut trouver dans le Death Metal (notamment dans l’usage qui est fait du charleston ou lors de certaines séquences durant lesquelles le groupe se fout bien de faire illusion et va prendre le parti d’y aller franco). Bref, vous l’avez compris, rien de neuf à l’horizon mais à vrai dire ce n’est pas ce que l’on demande à Fluids qui depuis le début de sa carrière assume pleinement son héritage ainsi que ses particularités. De "Boosted" à "Shot II" en passant par "Bebe", "Feeling Young" (featuring Sean Benson du groupe Boethiah) et "Untethered", la formule reste donc la même avec cette succession de riffs épais qui ne transpirent pas la grande intelligence, de séquences lourdingues et pataudes au groove particulièrement bovin (impression renforcée par ce growl profond et assez peu varié), d’accélérations Grindcore parfois à la limite de l’acceptable le tout sur fond d’atmosphères toujours aussi sales. Si ces quelques titres ne réservent donc aucune surprise, on retrouve néanmoins un Fluids en très grande forme qui ne manquera pas de convaincre tous les amateurs de la première heure ainsi que ceux qui portent Mortician en grande estime.
Pharmacist va ensuite prendre le relai en fanfare grâce notamment à une production bien moins étouffée et approximative que par le passé. Un choix qui devrait permettre à tous ceux restés jusque-là sur le carreau de s’intéresser de nouveau au cas de ces deux japonais (même si encore une fois je suspecte Kyrylo Stefanskyi d’être seul à bord vu le son toujours un brin synthétique de cette batterie sensée être tenue par un certain Therapeutist). Tout comme Fluids, Pharmacist n’entend pas changer sa recette pour l’occasion et va donc tout naturellement renouer avec ce Death Metal aux accointances Goregrind évidentes. À l’exception d’un "Numbing Phase", titre instrumental et mélodique dépassant de peu la minute, les trois autres titres flirtent allègrement avec ces formats quelque peu allongés dont Pharmacist s’est fait une habitude (plus de cinq minutes en moyenne). L’hommage rendu aux patrons du genre (Carcass en tête) demeure là encore toujours aussi vivace même si je trouve que le groupe japonais a su, en plus de cette production plus travaillée qui apporte beaucoup à sa formule, y amener un peu de renouveau notamment grâce à un travail mélodique plus prononcé qu’à l’accoutumé. En effet, comme on peut le constater sur "Numbing Phase" mais également sur "Essential Cultivation" à 3:30 et "Sanguine Intaglio" à 3:41 grâce aux leads du guitariste Andrew Lee (Ripped To Shreds) sollicité pour l’occasion, on sent effectivement que Pharmacist a chercher à pousser un peu plus loin l’exploration de ce genre auquel il reste fidèle depuis ses débuts. Bien lui en a pris car si la recette n’a rien de très originale, l’efficacité s’en trouve quant à elle décuplée.
Collaboration de qualité, Feeling Young ne va fondamentalement rien révolutionner, Fluids et Pharmacist s’évertuant à rendre hommage à leur manière à quelques formations emblématiques bien connues de tous. Pour autant, celle-ci ravira les amateurs des deux entités qui les retrouveront ici en très grande forme, notamment Pharmacist dont les progrès semblent effectivement évidents. Bref, comme toujours avec ce genre de format, s’il ne s’agit pas là d’une sortie indispensable, son efficacité et sa générosité (plus de trente cinq minutes) en font malgré tout une parution particulièrement convaincante vers laquelle on prendra plaisir à se tourner régulièrement.
| AxGxB 13 Janvier 2022 - 1132 lectures |
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