"Le gang The Ocean. 24 musiciens, dont 9 chanteurs (et chanteuses) différent(e)s, soit bien plus que la bande d'aimables comiques dirigée par ce tâcheron de Steven Soderbergh. On les distingue des autres organisations criminelles par l'usage abusif de violons, tambourins, pianos et autres saxophones, pour appuyer le traditionnel arsenal métallique. Artwork et tatouages signés Martin Kvamme, bien connu de nos services pour avoir magouillé avec la mafia pattonienne (FANTOMAS, TOMAHAWK, PATTON/KAADA). Se servent d'un institut géologique (tout le concept de "Precambrian" tourne autour de la formation de la terre) comme paravant pour camoufler leurs activités illégales. On les soupçonne d'avoir provoqué une série de sévères maux de tronches dans le microcosme des chroniqueurs metal, mais nous manquons de preuves pour les inculper. Le département recommande d'appréhender l'oeuvre dans son ensemble (musique, artwork et lyrics), chaque morceau de l'affaire "Precambrian" faisant partie d'un tout. L'analyse séparée de chaque morceau ne vous mènera nulle part.
- Ecoutez patron, j'ai pas pour habitude de me frapper les paroles des albums sur lesquels j'enquête, à part ceux de TANKARD parce qu'ils me font marrer. Je vais donc procéder de manière classique, à savoir un bon vieux track by track avant interrogatoire des suspects habituels.
- Comme vous voudrez inspecteur Johansson, mais je vous préviens : cette affaire doit être bouclée avant début 2008, sinon je vais encore avoir leur label sur le dos pour manque de résultats.
- A vos ordres capitaine Chris".
Le bercail ayant égaré le dossier "Hadean/Archaean" (un mini CD de 22 minutes reprenant apparement les choses où
"Aeolian", leur précédent méfait, les avait laissées), je commençais mon enquête par le Palaeproterozoic bar, un club de jazz fréquenté par un de mes indics, le très planant "Siberian". Présentation en douceur avec guitare suaves sur fond de cuivres déchirants, comme David Lynch les affectionne. Spleen garanti, mais rien de concret à me mettre sous l'esgourde. Je fais donc le tour du bâtiment pour cuisiner "Rhyacian", un ponte de la mafia arménienne. Si l'air est identique ("Precambrian regorge de reprises de thèmes comme toute B.O. de film qui se respecte), le ton monte très vite et je menace de le coffrer pour trafic de post hardcore de contrebande. En guises d'indices, je récolte, en vrac : un break électro, du chant clair, une belle mélodie de guitare lead, des riffs pesants et des samples pattoniens. Ajoutez une bonne dose de double pédale, de piano et de violon (retenez bien ce mot), et vous obtenez ce qu'on appelle, en langage de flic, un merdier sans nom.
En route pour le Mesoproterozoic, un nightclub fréquenté par des extrémistes écolos, je dois me dépatouiller avec "Orosirian" et "Statherian", deux porte flingues de bas étage chargés de me réduire au silence. "Statherian", et ses passages lourdingues à la KAADA/PATTON, me tape sévèrement sur les nerfs avec son rythme poussif et ses riffs impersonnels. "Orosirian" est plus retord, avec ses relents de NEUROSIS et des dissonances que n'aurait pas renié le SEPULTURA des mid nineties. En fouillant leurs cadavres, je fais main basse sur du chant féminin, du clavecin et, surprise ! un blast. Largement de quoi rendre chèvre Philippe Seguin, sans parler de ce violon de malheur, présent sur toutes les scènes de crimes. Quand je pense qu'au même moment mes collègues planchent sur les serial grinders ROTTEN SOUND, y a vraiment aucune justice.
Police line, do not thrash ! le Mesopromachin chose a été le théâtre d'un suicide collectif. Parmi les nombreux corps étendus dans l'arrière salle, j'identifie "Calymmian", "Ectasian" et "Stenian" (aux caractéristiques musicales identiques que celles relevées précédemment), ainsi que plusieurs chroniqueurs de thrashocore ayant succombé à l'écoute de ce funeste "Precambrian". Coincé dans la gorge d'un de ces malheureux, une note : " Precambrian is our stance against myspace-induced volatileness and transience, against the postmodern notion of music as unseizable data, against a perception of music in terms of how much space it takes up on your hard drive ... it is an album for people who still believe in the idea that an album can be more, and should be more, than the sum of its tracks". Ben voyons. Le chef m'avait prévenu que j'avais affaire à un album concept du calibre de "Fantomas" (FANTOMAS) ou "Yeah Yeah Die Die" (WALTARI), mais jamais j'aurais pensé m'enliser à ce point là dans une chro. Si j'entrevois la lumière à l'écoute de "Tonian" (ou plane l'ombre syncopée de MESHUGGAH), c'est pour mieux replonger dans un abyme de perplexité avec "Cryogenian", un supplice final de 3:29 au piano, combiné avec l'inévitable violon pour parfaire l'attaque mentale. Dos au mur, je décide de tout mettre sur le dos de "Cryogenian" et d'inonder son domicile de fausses preuves afin de solder au plus vite cette sombre affaire. De retour au bureau, je croise Chris, tout à sa joie d'avoir ramené le scalp des tanneurs de cuir finlandais.
"Alors Johansson, ce "Precambrian", ça avance ?
- J'ai mis ma santé mentale en jeu mais j'ai fini par trouver le coupable. Vous le trouverez en salle d'interrogatoire.
- C'est parfait ! puisque vous êtes débarrassé, laissez moi vous confier un autre promo en souffrance : "Sunlight at Secondhand" des ricains de NIGHTS LIKE THESE.
- Je crois que je vais demander ma mutation".
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