Carcariass - Killing Process
Chronique
Carcariass Killing Process
C'est toujours une gageure pour moi de chroniquer un album très technique: ne pratiquant aucun instrument (oh, j'ai bien gratouillé les cordes sur « My Friend » des Red Hot dans une autre vie), sans un pet de solfège au compteur, et ayant récolté plus d'heures de colle que de bons points en cours de musique au collège, comment alors multiplier les commentaires avisés pleins de « tremolo picking », « palm mute », « double croches » et autre « sweeping vrillé à retro-pédalage » qui me permettraient de ma la pêter grave auprès d'un parterre de lecteurs esbaudis (-count is in da house, body couuuuunt) devant un tel étalage de science chroniquatoire? On me répond « Pas facile, Cyril ! » au fond de la salle … « Bonne réponse, Alphonse », si vous me passez l'expression!
De toutes façons, nevermind these bollocks: on n'est pas là pour disséquer une grenouille mais bien pour tenter d'expliquer pourquoi c'est si bon d'écouter « Killing Process », qu'on soit ou non ceinture noire 4e dan en musicologie. Eh oui, ce qui est bien avec la musique, c'est qu'elle est universelle et qu'elle parle au cœur et aux tripes: foin de froide analyse des techniques d'astiquage de manche, on est là pour se faire jouir le tubercule auditif (à ne pas confondre avec le javance gustatif …) crénom !
En introduction rapide (comment ça on ne fait pas l'introduction dans le 2e paragraphe ?), je rappellerai aux moins cultes d'entre vous – ou disons plutôt aux plus incultes – que Carcariass est LE groupe de techno-death français, sauf leur respect à Kalisia, Symbiosis et les autres. Et au passage, pas de confusion: le patronyme Carcariass vient de « Carcharodon Carcharias » (le requin blanc quoi, non mais vous faisiez quoi pendant les cours d'océanographie latine ?), et pas d'un hommage aux médecins légistes d'outre-manche qui seront au Wacken et au Hellfest cette année. Vous noterez enfin que « Killing Process » est le troisième et – pour le moment, croisons les doigts ! – dernier album du groupe.
Passons maintenant à ce qui est important: la musique. Autant vous le dire tout de suite, placer cet album dans mon lecteur est déjà un pur bonheur, l'anticipation des plaisirs à venir étant presque aussi jouissive que l'écoute même! Pour faire court, histoire de laisser partir ceux que les chros un peu longues gavent, sachez que Carcariass pratique un techno-death très mélodique, quasiment instrumental, regorgeant de feeling, et qui évolue plutôt sur des rythmes mid-tempo. Pour clore cette description lapidaire et laisser vaquer à leurs activités les impatients, je rajouterai que si Satriani jouait dans un groupe death, il gratterait (tapoterait, pincerait, caresserait …) ses cordes dans Carcariass. Oui, ricanez donc les ricaneurs, gaussez vous donc les gausseurs, froncez donc du sourcil les sourcilo-fronceurs: on trouve un certain nombre de parallèles entre Carcariass et « Satch ». C'est sûr qu'un album instrumental parsemé d'un chant rare et un peu faiblard - même s'il n'est pas franchement mauvais -, évidemment, ça peut faire penser de loin à « Flying in a blue Dream », mais il n'y a pas que ça:
* la tonalité sombre et mélancolique de beaucoup de morceaux rappelle certains des moments forts de la discographie de Joe
* la « guitare rythmique » se voit accorder une grande importance. Elle reste rarement en retrait par rapport aux leads, mais au contraire porterait plutôt les morceaux. Le terme de « guitare rythmique » est par ailleurs particulièrement mal choisi, celle-ci apportant le fil conducteur des mélodies et étant tout sauf binaire. Quoiqu'il en soit, cette modestie de la guitare lead face à la gratte « rythmique » me rappelle la sobriété Satrianienne
*Les soli ont parfois un arrière-goût hard rock bluesy (à 3:17 sur « Winds of Death », à 5:03 sur « Burn in Peace », à 3:10 sur « Mortal climb ») et sortent largement du cadre strictement death pour s'aventurer en des contrées plus sages
De nombreux passages renvoient de plus à « The Extremist » et autre « Surfing With The Alien » revus et corrigés à la sauce death: « Lost in Agony », son intro mélancolique et ses mélodies bien typées – à 1:22 par exemple, ou encore à partir de 2:17, quand la gratte « rythmique » calme le jeu pendant que la lead tricote en arrière plan -, et puis le lead à 2:36 sur « Killing Process », le feeling de « Under Concrete » … Bref vous aurez compris le message.
Mais loin de moi l'idée de critiquer quand j'évoque ces similitudes, au contraire: Carcariass comme Mr Satriani transcendent tous deux l'aspect technique de la musique pour construire une arche musicale qui fait voguer l'auditeur vers des horizons riches en expériences nouvelles. Ecoutez moi « Tragical End », et laissez vous porter par cette merveille épique, fortement évocatrice et sublime: ce morceau – où le « soliste » se déchire tout du long à faire je ne sais trop quelles galipettes (du tapping en non-stop si mes oreilles profanes ne sont pas trop à la rue) – est l'exemple parfait de la dissolution de la technique dans une parfaite harmonie mélodique. « Winds of Death » ou « Under Concrete » sont encore d'autres exemples concrets de cette capacité à mettre le cambouis technicien au service de la création artistique. Mais à ce compte, tout l'album pourrait être cité en exemple.
Restent quelques points à mentionner encore, du bien et du moins bon, le tout dans le désordre. La basse pour commencer, est – comme le reste – une merveille. Certains morceaux (« Earth in Sorrow », « Burn in Peace » - entre autre sur le passage à 2:44, ou encore « Under Concrete » sur le lead à 1:39) lui laissent la vedette par intermittence. Par contre, à d'autres moments, le mix de l'album efface cette même basse, voire carrément la guitare lead, pour imposer sur le devant la guitare mélodico-rythmique – certes excellente - mais exagérément phagocytaire dans ce cas: à 2:09 sur « Killing Process », la lead est derrière la gratte rythmique, et c'est la même chose pour le passage en tapping (??) à 1:49 sur « Burn in Peace ». Dommage … C'est d'ailleurs cette question du mix, ainsi que le chant – qui est en dessous du reste – qui fait que la note globale ne dépassera pas un 9 fadasse au vu de l'exceptionnel contenu de cet album.
Alors, pourquoi Carcariass a-t-il si peu bénéficié de l'engouement récent de la communauté métalleuse pour le death technique? Sont-ils arrivés trop tôt ? Seraient-ils trop mélodiques, trop peu portés sur la vitesse, et/ou trop peu démonstratifs? Sont-ils trop accessibles pour satisfaire le besoin d'élitisme restrictif des plus bornés? La distribution Adipocere a-t-elle pêché par manque de moyens? Toujours utile qu'avant d'aller chercher au Québec ou en Italie de quoi se rassasier, les amateurs du genre – ainsi que tous ceux à qui le metal extrême parle directement aux tripes – seraient bien inspirés de (re)-découvrir ce gang d'orfèvres de haut niveau.
| cglaume 16 Janvier 2008 - 4272 lectures |
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