Il aura quand même fallu attendre 8 ans avant de voir débarquer ce très attendu 4e album des fins bretteurs de Carcariass! Et heureusement que ceux-ci nous avaient assuré par interview interposée que « E-xtinction » finirait pas voir le jour, sinon on aurait été tenté de croire le groupe mort et enterré au cimetière de nos meilleurs souvenirs métalliques. Parce qu'avec leurs 3 précédentes sorties, les squales bisontins avaient discrètement mais sûrement inscrit leur nom au panthéon des groupes de metal technique adulés d'une poignée d'initiés et ignorés du plus grand nombre, au même titre que – allez, lâchons des noms un peu juteux –
Coroner ou
Theory in Practice.
La période actuelle étant généreuse en retours de vieux briscards roublards, le fan angoissé est en droit de se demander à quelle sauce Carcariass va avoir assaisonné son come-back: à la mode Hibernatus,
« Brain Drill? Odious Mortem? Connais pas! Moi, mon techno-death est moulé à la louche gamin. Tu crois pas qu'on va abandonner une AOC comme ça non … »? Ou à la mode Jack Lang,
« Un peu de gel sur la mèche, beaucoup de trig', deathcore, tektonik et sarkozite: je m'adapte à l'air du temps et suis encore plus dans le coup que toi, le jeune. Formidâââââb'! »? Eh bien c'est heureusement la voie de l'esquimau (
et non celle du lèche-Nico) qu'empruntent Raphaël et sa bande. Carcariass nous revient ainsi tel qu'il nous avait quitté: même compos aérées, même approche décontractée et sobre de la technique, même tempos contrôlés, même penchant pour une musique essentiellement instrumentale (
à noter qu'un titre sur deux ne contient pas un pet de chant, et que les 4 autres sont offerts en version instrumentale en fin d'album). Et même impression de déjà vu pour les grunteries de Raph' qui sont toujours aussi rugueuses et monocordes qu'elles sont peu envahissantes.
Les caractéristiques restent donc peu ou proue inchangées. Bien. Et la qualité alors? Pas de catastrophe à l'horizon, n'ayez crainte! C'est toujours à de l'orfèvrerie fine que l'on assiste sur « E-xtinction », chacun des nouveaux morceaux pouvant d'ailleurs sans peine être interchangé avec des titres de
« Killing Process » sans qu'aucun des 2 albums ne souffre de crise d'hétérogénéité track-listesque (
d'ailleurs pour enfoncer le clou, l'intro de « Domination » rappelle étrangement celle de « Watery Grave », en plus cool). On retrouve donc ces grattes lead et rythmiques qui tricotent comme si leur vie dépendait de la confection d'un chandail d'arpèges à mailles serrées, forçant l'admiration sans être démonstratives, limpides et magistrales, presque tranquilles dans leur évidente maîtrise du sujet. Le niveau de composition est au coude à coude avec celui d'interprétation, l'accroche est constante, et ceci avec une telle homogénéité dans la qualité qu'on peine à trouver des titres à donner en pâture pour allécher le badaud (
Peut-être le phoenix renaissant de ses cendres à 4:55 sur « Exulting Pain »? Ou le crescendo émotionnel de « Threshold To Madness » qui s'épanouit à 0:45 en une magnifique fontaine guitaristique?). En fait, s'il fallait critiquer le groupe, ce pourrait être sur ce point: si « E-xtinction » est sensiblement aussi bon que
« Killing Process », l'effet « album de plus sans changement notable » agit, et cette fois le groupe réussit plus difficilement à nous surprendre. Il faudra d'ailleurs ne pas céder à une première – et fausse – impression de « un peu moins bien » à la découverte de « E-xtinction », et persévérer. En effet pas de tube évident à l'horizon (
« Domination »? « Revenger »? « Threshold To Madness »?), et surtout cette formule bien rodée si régulièrement resservie, à base d'une section rythmique structurante, variant le propos de cavalcades thrashisantes énergiques en tempos plus apaisés, et d'une lead relativement indépendante qui bricole sans discontinuer, souvent au 1er plan, mais aussi assez régulièrement planquée dans le fond (
toujours ce petit défaut – voulu ? – du mixage), légèrement en retrait, créant des tourbillons de notes en mode tapping, ou au contraire sachant se faire contemplative, sereine, voire mélancolique.
Continuant sur la lancée de
« Killing Process », le groupe s'éloigne progressivement de la pure étiquette death pour donner dans un metal mélodique évoluant entre thrash et heavy sophistiqué & couillu, voire dans des domaines plus BO épique (
cf. le début SF mélancolique de « Revenger », ou la grandiose ouverture de « Threshold To Madness »). D'ailleurs – et pour continuer de m'enfoncer un peu plus dans ce parallèle osé que j'avais déjà esquissé dans la chronique de l'opus précédent –, le groupe persévère dans la Satrianisation de son approche, à savoir le développement d'une musique instrumentale autosuffisante où une guitare lead virtuose et à forte valeur émotionnelle ajoutée s'épanouit sur une section mélodico-rythmique qui n'est clairement pas là pour tenir la chandelle, mais pour injecter régulièrement du carburant dans la machine, quand ce n'est pas carrément pour recentrer le propos mélodiquement parlant. J'avoue avoir pensé à Satch un nombre impressionnant de fois à l'écoute de l'album, par exemple sur la section qui suit immédiatement l'intro à la basse sur « Domination », ou peu après à 4:01. Pareil à 2:44 sur « Threshold To Madness », ou encore sur « Chaos And Decay » et « Exulting Pain ». Oui, eh bien jetez moi des pierres si pour vous cette comparaison est infamante. Pour moi elle ne l'est pas. Néanmoins il est vrai qu'elle est à double tranchant, ce parallèle reflétant également le côté « happy », léger, sans danger – « lisse » diraient les langues de vipère – qui caractérise la musique de chacun de ces artistes.
Bref, malgré ce que ma maladresse aura pu suggérer de petits bémols, Carcariass nous revient en grande forme. Pas de déception, ni de coup d'éclat réduisant à l'état d'aimable coup d'essai son back catalogue: juste un très bon nouvel album, que nombre de jeunes groupes rêveraient de pouvoir sortir. A présent que le (
death) metal technique est enfin reconnu à sa juste valeur (
même si le public reste finalement encore relativement restreint comparé aux hordes de fan de Gojira et de Slipknot ), espérons qu'ils bénéficieront enfin de la reconnaissance qu'Adipocere et les métalleux d'alors n'avaient su leur donner. A ce titre Great Dane Records porte une grosse responsabilité sur ses épaules, et j'espère que le label saura développer ses réseaux à l'étranger pour faire enfin parler du groupe à l'international. Welcome back guys!
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