Matez-moi ce CV: une signature chez Willotip Records, une distribution par chez nous via Candlelight, et un discours promotionnel parlant de techno-death réactualisé à la mode 2008. Pas besoin d'en rajouter plus pour que mon radar à
Goroderies se réveille et que des tressautements d'impatience m'animent la région pelvienne. Terminal Function se présentait donc d'emblée sous un jour idéal, les références mises en avant pour situer le groupe étant
Cynic,
Death,
Meshuggah,
Theory in Practice et Frank Zappa. Avec une bande-annonce aussi aguicheuse, la suite des évènements s'annonçait riche en douceurs … Foi de lapin jaune, il y avait clairement moyen de souiller du kleenex sur ce skeud !
Une fois le CD en main et la galette calée dans le lecteur, « Spawn » a déboulé violemment dans l'intérieur douillet de ma douce chaumière avec les saccades vindicatives d'un
Hacride ayant bouffé du mammouth. La suite s'avère néanmoins rapidement plus contrastée avec l'arrivée d'un clavier spatial - dont le placement dans le mix est tout de même un peu bancal. S'ensuit l'apparition d'une voix rappelant le
Pestilence époque « Spheres », mi-éraillée mi-étranglée, qui évolue sur fond de tourbillon techno-death modernisant. A la queue leu leu arrivent ensuite une courte démonstration de déstructuration musicale, puis une interlude apaisante, ambiance « salon business class du spatio-port de Proxima du Centaure », voix douce vocodée à la
Cynic en prime. Puis une éruption de bonne gratte précède de peu un chaos syncopé, qui lui-même aboutit sur un riff typé
Death, suivi rapidement par une attaque transverse vicieuse qui blablablah, etc … Vous voyez le tableau. A vrai dire, en guise d'introduction, à la première écoute, ça ne commençait pas trop mal.
Sauf que petit à petit, au fur et à mesure que se déroulait la track list de ce « Measuring the Abstract », la part des morceaux consacrée au revival « techno-death spatial et proggy » des anciens s'est amenuisé jusqu'à devenir peau de chagrin, le peu d'espace restant étant consacré à des mollassonneries jazzy-lounge, ainsi qu'à quelques interventions d'un clavier plutôt cheap et à des effets de voix navigant entre
Patrick Mameli (
surtout) et
Paul Masvidal (
pour les quelques vocoderies de service). Par contre l'aspect modern death s'est fait de plus en plus omniprésent, les fatigantes polyrythmies
Meshuggesques alternant avec de l'ultra saccade en pack de 50, du chaos syncopé abrutissant, quelques plages plus légères et plus aérées revisitant
Textures sans rien inventer de bien folichon et de loooooongs passages déstructurés, vilains et retors qui vous prennent à rebrousse-poil et vous font attendre avec impatience la suite des évènements en mode « vite, de l'air, on étouffe là-d'dans!! ». Sauf que si Terminal Function a la pernicieuse habitude de venir nous démanger là où ça agace, il ne vient quasiment jamais nous grattouiller là où ça soulage et c'est en vain que l'on attend une libératrice délivrance. Or ce type de passages chaotiques et lancinants, d'après bibi, ça passe uniquement quand il s'agit de renforcer l'impact de la grosse claque metal bien franche à venir. Mais le masochisme pour le masochisme, qui plus est quand il est intercalé avec de la branlette proggy, peu de nouveauté et encore moins de feeling, non merci.
Alors faut-il balancer à la face du groupe un T'es r'minable Fucktion ? Si « minable » est sensé décrire le niveau technique de ces zicos suédois, non: les gars sont bons – avec une mention spéciale pour le batteur qui sait titiller son kit avec intelligence. Mais malheureusement nos lascars perdent leur temps à ressasser des plans déjà entendus chez d'autres et à les enchaîner sans aboutir à quelque chose de très cohérent, le tout s'avèrant au final moins grand que la somme de ses parties. Et à se vautrer ainsi dans moult passages chaotiques irritants, ils perdent toute fluidité en même temps que l'adhésion d'auditeurs salement malmenés. OK, certains leads posés sur des rythmiques fortement saccadées créent un contraste intéressant et parfois réussi (
par exemple à 3:25 sur « Cloning Assembly », à 3:33 sur « The Brain-Shaped Mind » ou encore – un poil plus classique - à 2:22 sur « Remote Views »). Et puis il faut reconnaître que certains morceaux réservent de bons moments, comme cette attente lancinante à 1:33 sur « Room 101 » qui fait monter la sauce et aboutit sur un chant clair et serein s'épanouissant sur de grosses grattes modernes mais néanmoins mélodiques. Ou encore ce passage en mode «
Pestilence aérien » à 2:04 sur « The Brain-Shaped Mind ». Ou ce mariage réussi des grattes et du clavier à 0:17 sur « Remote Views ». Mais si on ajoute aux accusations précédentes le fait que le mix final n'est pas toujours heureux (
cf. les interventions du clavier et certains passages en voix claire) et que peu de morceau ressortent vraiment du lot (
allez, citons quand même « Cloning Assembly »), on aura vraiment du mal à s'enthousiasmer à l'écoute de « Measuring the Abstract ».
En conclusion, on retiendra que cet album est le fruit d'une bonne idée sur le papier – marier un techno-death à tendance progressive aux tortillons plus modernes de l'école
Messhuggah -, mais que la synthèse visée fait malheureusement flop, étant un poil trop prétentieuse et au final carrément irritante. Les aficionados du « metal mal de crâne déstructuré » y trouveront peut-être leur compte. Pour les autres, il faudra gratter, ramer, et bien souvent rentrer bredouille. Sans moi, donc.
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