Toute la hargne teigneuse et la violence punk d'un
The Exploited sous amphet' placées aux commandes d'un bolide crust qui trace sa route poignée en coin, le réservoir bourré ras la gueule d'un mélange hasardeux de nitro et de kérosène: voilà ce que m'évoque « The Downhill Blues », bombe à fragmentation lancée en 1997 par Osmose records depuis le B52 Loud Pipes. Cet album s'inscrit dans cette brève autant qu'intense parenthèse crust & old thrash'n'roll ouverte par le label français pendant la deuxième moitié des 90's, dont la compilation World Domination II se voulait la bruyante vitrine et dont je vous avais déjà parlé, dans la chronique de
« Fuck the World ». Si les
Driller Killer offraient dans ce cadre un metal crust'n'roll sentant le cambouis et la vieille bière, les Loud Pipes tapaient quant à eux plus directement dans les origines punk du genre. Il est d'ailleurs assez dur, à l'écoute de la voix apoplectique de Nandor Condor (
… Esteban - Zia, Tao - les Cités d'Oooooor !!! Hum, excusez le dérapage) toute à la fois gouailleuse, haineuse, goguenarde et au bord de la rupture, de ne pas imaginer derrière le micro un keupon à crête, épingle à nourrice à l'oreille et grosse veine foncée pulsant à un rythme déraisonnable au niveau de la tempe …
Mais le chant – régulièrement épaulé par des chœurs éructophiles semblant émaner de saoulards aussi mal lunés que mal embouchés - n'est pas le seul à être très typé « destroy ». Les gros riffs binaires fortement métallisés qui propulsent dans le décor les morceaux de cette galette me rappellent eux aussi le
« Beat the Bastards » de
The Exploited auquel on aurait fait subir une cure d'hyper rottweilerisation. Côté rythmique, la batterie est comme il se doit aussi déchaînée que pas franchement hyper carrée. Côté basse, on se fait en général discret et on reste en fond de distorsion, sauf en quelques occasions ciblées – notamment en ouverture de morceau (
dès le démarrage de « Crime In Progress », de « Charge With Murder », de « Stressed To Death » … ) – où l'instrument rajoute lui aussi quelques pelletées supplémentaires de charbon dans le foyer afin que la locomotive punk continue sa course à fond de train. A noter que la touche la plus inattendue nous vient de la guitare, la quasi-intégralité des titres étant gratifiée de … soli !
« Hein ? » fait le lecteur qui va vérifier que « The Downhill Blues » est bien un album de crust, style plus réputé pour sa rugosité anarcho-décibellique que pour la sophistication de ses démonstrations guitaristiques.
Eh oui. Oh évidemment, ces interventions n'ont rien de
Malmsteeniennes, mais Freddie Eugène nous assène néanmoins de sympathiques petits chapelets de notes en fusion bien dans la tradition métallique. Et incroyable mais vrai, ces poussées de metal racé s'intègrent au poil dans les compos. Quasi bluesy sur un « Downhill Blues » aux relents Rock'n'Roll, graisseux à souhait sur le très
Motörheadien « Evil Juice », ces soli atteignent carrément un niveau très respectable à 1:22 sur « Kill'em » ou à 1:52 sur « Stupid Stupid ». Même la radicale déclaration d'intention qu'est l'introductif « You Got That Right Punk » se voit ornée d'un mini solo à 0:33 … exploit s'il en est sur un morceau de 55 secondes, d'autant plus que le brûlot n'en perd pour autant pas une seule once de coup-de-boulitude !
Avec 15 morceaux pour 35 minutes, sur « The Downhill Blues » les Loud Pipes vont direct à l'essentiel, les mots d'ordre étant sauvagerie, insoumission et No Future (
No Past, Nothing At All en fait …) attitude. Le groupe baisse rarement la pression, enfilant (
et mêlant) les torgnoles crusty avec les coups de sang punky tout en ménageant un peu d'espace pour plus de groove (
« Morphine Trip », « Crime In Process »), voire pour un peu plus de « mélancolie épique » (
sur « Take Me Back », le résultat étant néanmoins en demi-teinte). Les plus jouissives taloches de cet album – tout au moins selon mes canons de beauté crust – sont l'éponyme « Downhill Blues », aux accents rock, et l'hymnesque « Stressed To Death » - qui avait d'ailleurs eu les honneurs de la compilation WDII précédemment mentionnée.
Pour faire bref, il me semble inconcevable d'apprécier le punk ou le crust et de ne pas faire de « The Downhill Blues » son CD de chevet… Allez donc vous faire tailler
en pièces par une bonne
dose de Loud Pipe
s , vous m'en direz des nouvelles!
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