« Quoi ? Tu dis aimer le métal barré et tu ne connais pas Sleepytile Gorilla Museum ? Tu rigoles ou tu plaisantes ? Hé, Jackie, viens voir le pignouf qu'ils se trimbalent sur Thrasho !»
Oh ça va les sarcasmes hein, bande de bachi-bouzouk des Carpathes (
copyright Cap'tain Haddock, all rights reserved). Non, c'est vrai, j'avoue: il y a encore peu, je ne connaissais la musique de Sleepytile Gorilla Museum que par chronique interposée. Et si vous voulez tout savoir, je ne maîtrise de même ni Zappa, ni Zorn. Là, voilà, c'est ça, moquez-vous bougres d'ectoplasmes de moule à gaufres!
Puisque vous semblez déjà bien les connaître, je pourrais me passer de présenter le groupe, sa vie, son œuvre. Mais il y en aura bien un ou deux, dans le fond là-bas, dont l'ignorance sera encore plus crasse que la mienne, d'où séance de rattrapage: Sleepytime Gorilla Museum n'est pas à strictement parler un groupe de metal. C'est plutôt un groupe de rock avant-gardiste frappadingue regroupant cinq
Geo Trouvetou ricains dont l'obsession est de proposer des expériences musicales inédites tout en restant dans le cadre de véritables morceaux cohérents, bien qu'a priori sans réels équivalents. Ces joyeux barjots se sont ainsi vite taillés une réputation de groupe culte, aidés en cela par une propension certaine à proposer des shows aussi extravagants que décalés. Afin d'être bien sûrs de sortir des sentiers battus, les membres du groupe jouent les hommes orchestre, occupant au moins 5 à 6 postes simultanés chacun, certains des instruments utilisés étant par ailleurs de pures créations originales, comme le Sledgehammer-dulcimer ou la Popping Turtle par exemple.
« In Glorious Times » est le 3e album du groupe, et sa description est bien évidemment – vu le profil des zigotos – assez difficile à coucher sur le papier. Il faut se figurer un univers Burtonien mélancolique et poussiéreux, où affleure à la surface de toute chose une folie aussi profonde qu'inquiétante, celle-ci se manifestant aussi bien à travers la fêlure d'un chant masculin déboussolé et déboussolant, via des dissonances quasi omniprésentes ou encore à travers la sensation récurrente que la musique que l'on écoute est jouée à une vitesse légèrement inférieure à ce qu'elle devrait être normalement. Dans l'univers de Sleepytime Gorilla Museum, le musée est plein de prothèses poussiéreuses et de camisoles souillées, les gorilles sont empaillés et leur fourrure mitée, et la somnolence qui guète est source de visions grotesques et brumeuses.
Comment le groupe arrive-t-il à créer un univers aussi visuellement évocateur à travers onze plages purement musicales? Eh bien en ouvrant l'album sur « The Companions », longue complainte semblant sortir tout droit d'une boite à musique déréglée, sur laquelle s'épanouissent un chant clair fragile au feeling très Peter Gabrielo-David Bowien, une trompette légèrement dissonante et des violons stridents. Cette complainte se mue en son milieu en une échappée Pink Floydienne (
période « The Wall ») pendant laquelle le chanteur, pourtant englué dans une lourde torpeur colorée des effets secondaires d'une prise massive de stupéfiants, semble avoir la moutarde qui lui monte au nez. Suit « Helpless Corpses Enactment », sorte de metal extrême blackisant visqueux tout en déstructurations et en cordes dissonantes, puis la B.O. horrifique « Puppet Show » où l'on a l'impression qu'une boite à musique agonisante (
encore !) accompagne d'une berceuse lancinante l'arrivée d'un croque-mitaine traînant la patte au sein d'une nuit déjà passablement tourmentée. Et ainsi de suite, le long de morceaux faits de bric et de broc, dans un concert de zboïïïngg ! et de clong !!, au détour d'arythmies et de dissonances où, tout compte fait, un
Meshuggah pourrait bien retrouver ses petits, le groupe construit un univers décalé, sombre, merveilleux et terrifiant, où l'on aurait envie de s'abandonner avec délice si l'on n'avait pas aussi peur que le spectre d'une petite fille montée sur un cheval à bascule couvert de suie ne nous plante sa sucette dans l'oeil.
Sur le précédemment cité « The Companions », mais aussi sur « Angle Of Repose » - qui commence doucement puis qui s'épanouit rapidement en un véritable festival de violons faussement enjoués et d'une grosse basse bien ronde sur lesquels règne une jolie voix féminine Bjorkesque -, le groupe se montre capable de petits miracles novateurs et envoûtants. De même sur « Ossuary » qui offre un superbe méli-mélo de bruitages, d'instrument à cordes, de dissonances et de trouvailles aussi indescriptibles qu'attachantes. Enfin le groupe atteint le summum de son génie sur « Formicary », merveille de comptine déglinguée où le couple Clara/Nils nous embarque à travers des paysages bucoliques de dessin animé débile au volant d'un tacot brinquebalant et baroque que n'aurait pas renié le
baron de Münchausen de Terry Gilliam. Dommage que la 2e moitié de l'album soit un peu moins exaltante, plus lente, plus dissonante, en apparence plus longue et donc forcément plus soporifique. Dommage en effet, car si tout l'album avait été du niveau des 6 premiers morceaux, vous m'auriez vu (
ou plutôt lu) chanter ici les louanges du groupe avec le manque de modération qui caractérise habituellement les lapins jaunes vivant des expériences musicales grisantes.
« In Glorious Times » est donc un album exigeant et ambitieux, qui saura transporter l'auditeur persévérant en des contrées intrigantes. Pas de blast ni de solo grandiose ici. Pas non plus de virtuosité ou de prise de tête déplacées. Non, le groupe s'est créé un univers bien à lui, sombre et suintant la folie, qui aura largement de quoi vous contenter pour peu que vous soyez assez ouverts d'esprit et d'oreille. Ca n'est pas tout à fait le chef d'œuvre définitif que j'avais espéré, un certain déséquilibre existant entre les deux moitiés de l'album, mais c'est néanmoins une expérience – et en ce qui me concerne, un achat – incontournable.
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