En général, les envois de promo émanant de groupes de modern hardcore tourmenté provoquent un silence assourdissant à leur arrivée sur le bureau de la rédac' de Thrasho, le nombre de poilus se disputant l'honneur d'en faire la chronique égalant le nombre de membres dressés sous les couvertures au passage de Mme de Fontenay dans les couloirs de l'hospice de Bailleau le Pin. Néanmoins, de temps en temps, certains groupes réussissent à court-circuiter la procédure standard et faire atterrir leur galette directement dans nos boites aux lettres. En général, dans ce cas de figure, au bout de la piste d'atterrissage, le CD trouve une grande corbeille poussiéreuse remplie de rondelles de gothic rock, de heavy prog et de screamo-neo-core. Mais en bourreaux humanistes que nous sommes, on propose à ces futurs condamnés une dernière cigarette en forme de passage ultime sur la platine avoisinante. Et parfois, tel le téléphone rouge sonnant au bout du couloir de la mort, un deux ex-machina musical, une lueur d'espoir, un putain de bon plan de derrière les fagots surgit, sauvant in extremis l'album d'une fin affreuse (
vous verriez les promos moisis avec lesquels il aurait fini …).
Pas besoin d'être prix Nobel de sudoku pour deviner que « My Own Haze », premier album des mieux vêtus que bien nommés Anorak, en est passé par toutes les péripéties contées ci-dessus. Et bien que je sois de moins en moins alléché par les tournicotons du metal moderne torturé et que je n'ai jamais été un gros client de la scène hardcore, mon oreille a été agréablement titillée par cet album. Pas ze gros panard extatique non plus hein, Anorak est assez loin de détrôner
Gorod,
Whourkr ou les
Stolen Babies dans mon petit cœur de rocker (
… j'ai jamais su, te dire je t'aiiiiiiime), mais je n'en attendais pas tant d'un album évoluant dans ce genre.
Evacuons tout de suite les points qui pêchent et qui m'empêcheront à tout jamais de devenir un die hard fan du style. Les vocaux tout d'abord, fidèles au registre hardcore introspectif from the XXIth century, sont écorchés au possible: le gars se fait retourner les ongles à longueur de titre, et il en crache ses molaires de rage et de douleur. Ensuite l'atmosphère – majoritairement tendue, sombre et dérangeante – est du genre à te faire retenir ta respiration sans que tu t'en rendes compte, ce qui finit par mettre mal à l'aise, vous en conviendrez. C'est d'ailleurs un peu pénible cet aspect « je vais te le faire partager mon malaise coco » qui fait que ce genre de groupe se laisse rarement aller à des plans francs du collier, directs et sans détours pour lâcher les chiens à l'ancienne. M'enfin la complainte s'arrête là.
Parce que – quand on prend en compte le contexte, autrement dit le style pratiqué et les « inconvénients » corollaires précédemment listés –, la galette est quand même impressionnante. Côté fiche technique, les guitaristes assurent vraiment, variant assez souvent le propos entre sludge, hardcore, rock 70s et mathcore, et la batterie fait preuve d'une hyperactivité fine et pleine d'à propos. Côté influences, si j'en crois mes confrères plus versés dans la partie, il faut chercher du côté de Coalesce,
Converge (
en un seul mot) ou encore Botch. Et tout cela est mis au service d'un sens impressionnant de la composition. En effet les 10 morceaux de « My Haze » sont une véritable succession effrénée de plans empruntant à tous les râteliers, y compris au grind. Malgré cela ils réussissent à ménager on ne sait comment suffisamment d'espace à l'auditeur pour que celui-ci puisse comprendre les structures, saisir les mélodies, s'en imprégner et ainsi en profiter à plein. Ce n'est que par instant que le groupe se drape du manteau chaotique dans lequel nombre de ses collègues se vautrent. Anorak réussit donc à éviter l'écueil du chaotico-intello-mal dans sa peau qui personnellement me fait de plus en plus ch… suer! Quel bonheur que ces interruptions oxygénantes, limite hors sujet, telle cette parenthèse à 0:40 sur « A Kind of Oversized Empathy », ou ces mélodies entêtantes, telle celle de « Last Breeze », qui apportent une fraîcheur inhabituelle et bienvenue au genre.
Personnellement, je prends du plaisir à écouter un « Leg Feel Heavy », morceau énergique, mélodique et aéré. De même avec un « Human Sponge Story » (
Bob?) mouvant, fin, varié et juste. Evidemment, pas de quoi faire rugir le moteur de la Mustang les cheveux au vent sur la route de la plage, et pas de quoi non plus peser sur le tranchant de l'épée au moment d'attaquer les troupes ennemies (
quoique les décharges saccadées à 1:02 sur « On a Plate » …). Pas de trip « ascenseur pour les étoiles »
townsendien, ni d'ambiance « Apocalypse et déchainement des forces démoniaques ». Mais de l'intelligence, de la finesse et de la rage. Cet album saura trouver son public, j'ai confiance.
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