Disillusion - Back to Times of Splendor
Chronique
Disillusion Back to Times of Splendor
Quand je prends du recul sur mon expérience dans le milieu du metal, je me rends souvent compte que je n’ai finalement pas eu énormément de révélations musicales. Attention, entendons nous bien quand je parle de révélations je ne parle pas de la découverte d’un excellent disque ou groupe. Non je parle de révélations, d’une expérience musicale qui a bouleversé ma vision de la musique, qui m’a réellement parlé et dans lequel je me suis entièrement retrouvé. Ne tombons pas dans le piège facile de mélancolie et de la philosophie faussement pompeuse, car ce n’est pas réellement le propos de cette chronique.
Une chose est sûre, c’est toujours là où on l’on ne les entends que surviennent les choses les plus marquantes. Ce précepte qui est autant applicable dans la vie que dans le petit monde de la musique se justifie totalement avec ce groupe.
Disillusion… Il y a encore quelques temps ce mot ne m’évoquait rien de plus qu’un sentiment permanent dans ma vie. Mais il ne m’évoquait sûrement pas un groupe de musique. Car il faut bien l’avouer ce groupe sort un peu de nulle part, bien que sa date de fondation remonte à bientôt dix ans. Une carrière qui n’est d’ailleurs composé que d’une seule, démo, un mini, un cd single et le présent album. Selon les dires du groupe, l’idée maîtresse lors de leurs débuts était de réaliser un thrash metal à la croisée de Pantera, Testament et Machine Head tout en y incluant une certaine dose de mélancolie et ce notamment grâce à des parties acoustiques. L’optique artistique s’est au fil du temps, muée pour devenir ce qu’ils décrivent aujourd’hui comme un death mélodique, quelque part en Opeth, Soilwork, Anathema et Emperor. On a vu pire comme influences vous me direz.
Mais force est de constater qu’il serait honteusement restrictif de limiter Disillusion à ces quatre seules influences. Pour ma part, Disillusion s’inscrit plus dans la volonté de réunir en son sein ce qui se fait de mieux actuellement dans le metal. Certes, c’est assez prétentieux que d’avancer ceci, mais on est en effet en présence d’un death mélodique à fortes consonances progressives. Les influences sont en effet bien plus divers que les quatre groupes cités plus haut, puisque l’on retrouve dans ce disque du Opeth donc (sûrement l’influence majeure), du Nevermore (pour le coté power-heavy mélodique), du Edge Of Sanity (sûrement l’un des pionniers en matières de death progressif), du Machine Head voire du Pantera (pour le coté très agressif et brut qui se dégage par moment), sans oublier ces ambiances mélancoliques et épiques qui peuvent autant rappelle le black que le doom. Sous cet un aspect de « fourre-tout » musical, Back To The Of Splendor se révèle être une œuvre musicale massive, magnifiquement structurée et totalement homogène, qui cueille le l’auditeur du début à la fin sans jamais le relâcher.
Mais au final toutes ces caractéristiques d’ordre technico-musical ne font évidemment pas un bon disque, ça serait trop simple. La grande force de ce disque, le point décisif qui fait toute la différence, c’est qu’il arrive à parler à son auditeur. Le groupe explique dans fiche de presse que leur volonté n’était pas particulièrement de narrer une histoire mais plutôt d’offrir à son auditorat une véritable expérience tant auditive que visuelle. Ils ont cherché à rendre la musique fluide est lisible, à multiplier les cassures musicales et les contrastes musicaux tout cela dans le but de nous faire voyager. Ce disque est tout simplement une main tendu vers nous pour une heure d’évasion.
C’est avec seulement six titres pour une durée de cinquante deux minutes que nos chers allemands nous invitent à cette délicieuse évasion. Une chronique titre à titre semble donc parfaitement justifiable ici :
And The Mirror Cracked : Le titre le plus agressif de l’album. Il est artistiquement risqué de l’avoir placé au début, mais cela finalement se justifie. Un titre agressif certes, mais qui ne renie pas pour autant l’aspect mélodique. On retrouve totalement cette alternance entre le chant agressif et le chant clair. On retrouve un break très « Opethien » en plein milieu du titre, break certes inspiré mais pas du tout plagié. D’ailleurs à ce propos, le chant de Vurtox est assez éloigné de Michael Akerfeldt. Le chant death de Vurtox est lui bien plus typé power-thrash américain, alors que son chant clair (magnifique au demeurant) s’autorise par fois des élucubrations vocales digne d’un Mike Patton ou d’un Serj Tarkan (vocaliste de System Of A Down, une influence pas du tout du tout handicapante d’ailleurs, comme on pourrait le croire…). Les riffs sont proprement géniaux, et le travail, là encore de Vurtox, et de Rajk Barthel est totalement stupéfiants. Des riffs accrocheurs, géniaux et assez techniques, des soli tout simplement géniaux… Rien à redire de coté là.
Fall : Là encore on a le droit à un titre qui commence sur les chapeau de roue. Roulement de double pédale énorme (d’ailleurs à ce propos le mixage de la batterie est tout simplement génial, cette dernière étant lourde chaleureuse mais toujours très précises), riffs power-thrash écrasant, et accrocheur. On retrouve dans cette chanson ici les petits délires vocaux auquel je fais précédemment allusion. Une chanson assez courte (moins de cinq minutes), mais avec un refrain tout simplement génial, et on retrouve là encore ces superbes parties acoustiques.
Alone I stand In Fires : Un titre dans la plus pure continuité du précédent qui reprends les mêmes ficelles, mais tout en incluant une ambiance plus sombre et plus torturée. Rien à ajouter de plus, si ce n’est que l’outro au piano qui va annoncer la chanson suivante.
Back To Times Of Splendor : Le titre éponyme, et accessoirement un monument musical… Débutant sur une intro au violon à pleurer, les grosses guitares viennent progressivement se greffer, pour finalement éclipser les violons. L’effet est proprement génial et à faire frissonner de plaisir le plus insensible des mélomanes. Cette douce intro va amener doucement une musique plus agressive toujours dans cette optique de pluralité musicale. On retrouvera par moment quelques incursions de violons. Le refrains, là encore de toute beauté, va nous amener progressivement à un break en plein milieu du morceaux ou les grosses guitares vont se taire un moment pour laisser place à un break ambiant sublime où résonne un orage et une douce pluie… On enchaîne sur un petit passage electro-accoustique, pour une performance vocale assez génial. Vurtox va déclamer ses paroles de manières très intimistes avec en fonds plusieurs parties de guitares psychédéliques et acoustiques. On assiste vraiment à la mise en place d’un climat mélancolique et épique. L’ambiance est pesante, chaleureuse mais surtout incroyablement touchante. Toujours accompagnés de merveilleux soli la chanson va progressivement redevenir plus sombre et plus agressif, et va accentuer le coté torturé.
C’est réellement une chanson où se mêle, sur plus de quatorze minutes, des sentiments diverses comme l’amour, l’extase, la peur, l’agressivité, la mélancolie et la désillusion. Une chanson qui vous prends par les tripes… Une expérience musicale énorme…
A Day By The Lake : Ce morceau c’est un peu le moment de calme avant la tempête ultime. Le morceau le plus calme et le plus posé de tout l’album. Débutant sur une intro assez éthéré et se poursuivant sur une partie plus electro-accoustique avec toujours cette impression d’onirisme désabusé et souillé. Un morceaux d’une grande beauté, particulièrement touchant… Il y a vraiment l’ombre d’Opeth qui plane sur ces 5 minutes, une sorte d’ombre bienveillante, comme si le groupe Allemand avait parfaitement assimilé les influences du groupe suédois, comme si il avait réussi à récupérer de manière intelligente ce feeling progressif si particulier.
The Sleep Of Restless Hours : Le morceau finale. La claque ultime. Le bonheur musical, la jouissance artistique sur plus de quinze minutes. J’ai même envie de vous dire d’arrêter ici cette chronique, d’aller acheter cette merveille sur le champ. Mais bon l’instinct du chronique me pousse à accomplir mon devoir jusqu’au bout.
Une intro à la guitare sèche où vient se greffer doucement une partie de batterie et une autre guitare acoustique, une ambiance intimiste voire baroque (oui baroque, ne me demandez pas pourquoi…). Et soudain les grosses guitares, écrasantes, massives, véritable mur sonore qui se tient fermement devant vous. Et soudain ce riff, qu’annonce cette basse au son moelleux. Ce riff génial… Ce riff qui semble couler avec un naturel évident. C’est presque impossible à retranscrire avec des mots tellement c’est beaux et grandiose. Et ce chant qui vient se rajouter, furieux et vengeur. Il y a vraiment une puissance qui se dégage de ce disque. Un sentiment de victoire, de domination. Comme une force tranquille, qui transpire la sagesse et l’intelligence.
On retrouve le presque habituel break acoustique, et on renchaîne de plus belle sur l’agressivité, et on remarque la présence d’un clavier aux nappes légères.
Ce morceau est un final grandiose et majestueux, comme si le groupe n’était pas sur de nous avoir complètement abasourdi, comme si leur talent explosait une dernière fois de manière magistrale.
Et le morceaux s’achèvent… de manière quelques peu sèche.
Mais non ce n’est pas fini… au loin cette guitare sèche, cet arpège qui se rapproche qui s’insinue doucement, tel la langue d’une douce amante qui vient vous lécher le bout de l’oreille et qui se glisse dans votre cou pour vous embrasser. Juste de le temps de réaliser où l’on est qu’arrive les grosses guitares, annoncés par le son moelleux de saxophones (oui oui !). Et ce riff sorti de nulle part… ce riff qui nous rappelle que le groupe nous tient toujours par la bride, que le voyage n’est pas encore fini… pas encore… presque. Et cette guitare qui nous annonce ce solo, le groupe tire sa révérence tout en majesté, le rideau se ferme… doucement… Les grosses guitares, les roulements de doubles grosses caisses, la puissance dominatrice nous assaillent.
C’est un peu l’orgasme final de cet album. Les yeux de votre belle qui semble perdu dans les méandres du plaisir, ses mains qui de manière maladroite parcourent votre corps…
Et enfin le silence. Après cinquante deux minutes de bonheur intense, d’extase musical, l’auditeur se réveille… Et ne souhaite qu’une chose, recommencer !
Alors vous me direz que ce disque n’a de défauts, et moi je vous répondrais vivement non ! Ce disque est presque parfait. C’est quasiment la mise en application de mon idéal musical. Et je ne vois rien à ajouter.
Magistral, énorme, fabuleux… Je suis conquis.
Faites un pas, pénétrez dans l’univers de Disillusion, et sûrement vous comprendrez…
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