Demonica - Demonstrous
Chronique
Demonica Demonstrous
Octobre 1995. Quatre jeunes chevelus réunis dans une cave obscure de six mètres carrés (dont quatre évolus au seul kit de batterie) sont à l'orée d'une grande carrière mais s'écharpent déjà sur le choix du meilleur nom pour percer dans le monde merveilleux du metal, avant même d'avoir appris à aligner deux accords et torché une compo digne de ce nom. Le plus doué de la bande, l'âme artistique du groupe – qui savait à peu près jouer « One », au ralenti, sans faire de pains pendant près d'une minute – finit par proposer DEMON EYES qui, vérifications faîtes, s'avère déjà pris. Comme nous sommes tous mordus des Four Horsemen, ni une ni deux, je propose de nous appeler DEMONICA. Le batteur, qui voulait jouer du rock high voltage australien, refuse d'assumer un nom aussi ridicule et s'en va reprendre du U2 avec les tapins de service du bahut, lesquels échoueront trois fois aux qualifs du class' rock local. Pas emballé, le leader s'accroche à son DEMON EYES tout pourri, prétextant que l'immense succès à venir suffira à payer un bataillon d'avocats pour ramener à la raison un « pauvre groupe de heavy metal d'île-de-France » (je cite). Le bassiste - qui était son petit frère et guettait avec angoisse son premier bouton d'acnée - ne mouftant pas, le split s'impose d'autant que malgré mes trois semaines de pratique de la guitare, je voulais déjà rejouer tout « Symbolic » de DEATH, et en mieux. C'en est donc fini de DEMONICA, tout du moins jusqu'à ce funeste mois de janvier 2010.
Un jour grisâtre au sein de la rédaction, à noyer son amertume dans un café (et grand-mère avec tant qu'à y être) sous une tonne de sucre récupéré au Quick d'en face, voilà-t-y pas que Mitch, monsieur promo et nouveautés de la rédac, me balance innocemment : « Dis voir Toto ! J'ai une aimable thrasherie en rayon, bien old school comme tu aimes ! DEMONICA que ça s'appelle. Avec des petits gars de FORBIDDEN et MERCYFUL FATE. Un bon geste ? ». Mon sang ne fait qu'un tour. Non content d'avoir ruminé 15 ans durant l'anéantissement d'une brillante carrière de guitar zero et perdu tous mes tifs, voilà qu'en plus on me vole ma trouvaille, mon bébé, la chair de ma chair, mon fils ma bataille et deux sets à rien contre Julien Benneteau (copyright « L'équipe », fournisseur officiel de vannes pourries depuis 1946) ! A deux doigts de mettre mon pote Gilbert Collard sur le coup, je me calme aussi sec une fois étudié le pedigree des participants. Jugez plutôt : avec Hank Shermann (MERCYFUL FATE, WITCHERY), Craig Locicero (FORBIDDEN et guitariste live dans DEATH en 1993), Klaus Hyr (BATALLION, TRAUMA CENTER), Marc Grabowski (CORRUPTION) et Mark Hernandez (FORBIDDEN, HEATHEN, VIO-LENCE), les thrashers de DEMONICA méritent, au minimum, qu'on leur accorde le bénéfice du doute. Une seule écoute de « Demonstrous » suffira d'ailleurs à balayer ces réserves toutes personnelles pour placer illico ce premier full length aux rayon surprises de l'année. Du thrash à l'américaine orienté eighties, forcément mais pas seulement, DEMONICA tirant une partie de sa puissance rythmique dans le power thrash de la décennie suivante. En matière de puissance de feu, l'opening track « Demon Class » a d'ailleurs tôt fait de rassurer sur les intentions belliqueuses du combo, toutes leads dehors dès les premières secondes avant une déferlante de double pédale qui réchauffe les cœurs et martyrise les cervicales, le bon vieux toupa toupa de rigueur achevant de convaincre que le thrash à papa n'est pas prêt de rendre l'âme. Car là où FORBIDDEN avait foiré sa reconversion moderne avec « Green » en 1996, DEMONICA trouve au contraire la bonne carburation entre éléments old school (passages rapides typiquement slayeriens, blastouille à l'appui sur « Ghost Hunt » et profusion salvatrice de solis première classe) et mid tempo dévastateur plus contemporain, quitte à lorgner avec succès du côté des défunts GRIP INC. sur « Palace Of Glass » et « Summoned ». Deux titres plus sombres et ambiancés sur lesquels le bassiste peut enfin respirer, entre deux attaques délicieusement plombées et autres numéros de haute voltige métallique. Entre autres références plus récentes, « Luscious Damned » et « Below Zero » restent assez proches de ce que NEVERMORE proposait sur « This Godless Endeavor », dans cette alternance typiquement power thrash mélodique de riffs de brutes épaisses et de passages mélodiques accrocheurs en diable, même si j'ai tendance à préférer quand DEMONICA joue la carte de l'accélération façon « Captor Of Sin » sur une « Alien Six » propice au headbang sous toutes ses formes.
Le charme opère donc à plein dès la première confrontation et si l'on regrettera le caractère un peu convenu de certains plans, l'énergie déployée par ces cinq vétérans de la scène fait plaisir à entendre d'autant que l'habituel talon d'achille de ce genre de groupes, le chanteur, émarge ici au rang des grosses satisfactions de l'album avec un Klaus Hyr absolument irréprochable. Parfait dosage de hargne thrash et de mélodie heavy contenue (avec tout de même un bon vieux scream façon Schmier dans le final de « Fast And Furious »), la voix de ce sosie XXL d'Andi Deris est de celles qu'on aimerait trouver plus souvent dans bon nombre de groupes méritants plombés par des braillards sans une once de talent. Rarement pris en défaut sur le plan de la dynamique – tout juste regrettera-t-on quelques légères baisses de rythme sur les passages les plus power de l'album – l'alliance américano-danoise se paye le luxe de boucler l'affaire « Demonstrous » par « Astronomica », un instrumental couillu de plus de huit minutes qui a plus de chances de contenter les amateurs d'un METALLICA progressif et ambitieux qu'une poussive « Suicide & Redemption » déjà reléguée au fin fond du back catalogue des Mets. Sans conteste l'album thrash de ce début d'année, avec le retour en force inespéré d'OVERKILL sur un "Ironbound" encore plus redoutable.
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3 COMMENTAIRE(S)
citer | Hmmm alléchant, va falloir que je m'écoute ça! Sinon en thrash en ce début d'année, avec le Overkill qui a l'air en effet bien bon (et en live les nouveaux titres envoient sévère, report à venir d'ailleurs), j'attends de voir ce que donnent le nouveau Hellish Crossfire et le Cruel Force. La démo de Violentada est pas mal aussi, chronique bientôt! |
citer | La barre des 200 chros est franchie pour TJ: congratulations !! |
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3 COMMENTAIRE(S)
24/02/2010 21:28
24/02/2010 20:22
Merci bien lapin! J'ai fait autant de frags en trois heures de Borderlands que de chros sur thrasho en trois ans. Quelque part, c'est désespérant
24/02/2010 20:11