Void Of Silence, pour ceux et celles qui ne connaissent pas, est un groupe italien monté en 1999 par Riccardo Conforti (batterie, samples et clavier) et Ivan Zara (vêtements classy mais bon marché… hum excusez : basse et guitares). Forts de leurs influences dark/ambient/doom/industrial et de leurs faits d'arme dans l'underground italien (Syrion, Oblivion, Mystical Realms) ils se proposent d'en rechercher la synthèse et le dépassement. Ne connaissant pas leurs deux premiers méfaits
Toward the dusk et
Criteria ov 666 (avec lequel ils signent chez Code666) je ne peux qu'évoquer la présence du premier chanteur Malfeitor Fabban (Aborym), puis son départ au profit sur ce Human Antithesis du plus connu A.A. Nemtheanga (Primordial), qui depuis a quitté le groupe également.
Donc, pour entrer dans le vif du sujet :
Le suicidal black metal vous fait toucher le fond ?
N'allez pas plus loin.
En effet ce
Human Antithesis compte six titres pour près d'une heure d'un doux calvaire auditif. Six titres fleuves (dont le premier de près de 20 minutes), comme le doom sait si bien y faire, histoire de prendre tout son temps pour amener l'auditeur là ou il fait noir et froid. Car oui, Void Of Silence a plus d'une corde à sa potence pour vous mettre le nez dans le caca, et ce sans passer par un éventuel échappatoire du type autosuppression post traumatique. À commencer par notre irlandais préféré A.A. Nemtheanga, qui met au service des italiens ses talents de désabusé en chef déjà éprouvés chez Primordial. Sa prestation ici évolue dans un registre plus clair, plus maîtrisé, mais aussi plus lointain que chez ses compères d'outre Manche. Lorsqu'il ne propose pas son penchant black on retrouve toute l'approximative justesse de son chant clair qui charge la musique, pèse dessus et l'entraîne dans des profondeurs telles qu'il devient vraiment difficile de conserver ne serait-ce qu'une once d'optimisme (la complainte de « Dark Static Moments » devrait faire pleurer les moins humains d'entre vous, sinon vous êtes d'une autre planète).
Et si cela prend autant à la gorge ici, c'est que l'atmosphère et les thématiques qu'aborde le groupe s'y prêtent particulièrement. En effet, le paysage sonore de ce Human Antithesis est celui d'un univers dévasté par la guerre, le fanatisme et tout ce qui, conséquence d'une stupidité et d'un aveuglement bien humains, n'a pour résultat que le gâchis, la souffrance et la misère des êtres. La mécanique prend son temps pour convertir lentement l'auditeur au désespoir. Elle le conditionne par des samples, et si certains ont un caractère historique (Primordial là encore n'est pas loin) reprenant par exemple des messages radiophoniques codés de la résistance italienne, tous participent au climat urbain et industriel, toujours placé sous le signe de l'apocalypse. L'apocalypse, non pas celle des grands jours pleine de faste et de trompettes, mais celle qui pue, qui rampe et qui, forte de son succès, voit mendier les survivants anémiques pour mieux les réduire au vide du silence.
Nous voici plongés entre des clavier aériens, une batterie mécanique, et des guitares qui de loin, faiblement, tentent d'arriver jusqu'à nous (quel mixage…). Mais le mal est fait de toute façon.
You can pray to god
You can pray to Allah
You can pray to Whomever
He will not hear you
Difficile maintenant d'en dire plus, tant tout cet univers repose sur l'agencement ô combien savent, progressif et inéluctable des éléments simples que je viens de citer. Mais les claviers, essayons tout de même d'en parler. Ils s'immiscent sobrement, ce faisant le liant qui, lorsqu'il à achevé de participer à la texture désespérément triste de l'ensemble, évolue lentement vers des nappes atmosphériques. Ces vagues d'abord doucement fédératrices, paraissent limpides lorsque l'on a compris leur rôle tout à fait central. Et quand Void Of Silence nous entraîne vers des contrées chargées d'un air religieusement sacré (les chœurs sur « Untitled »), alors là mes cocos… Bref et les guitares, me direz-vous ? Lourdes. Lourdes, lentes et massives, elles prennent un malin plaisir à s'éloigner dans les vastes contrées de la réverbération (« Grey Horizon ») pour mieux revenir à fleur de peau, comme un tank fouillant encore et encore la caillasse des ruines.
Là je vois venir la question fatidique : pourquoi pas 10/10 si c'est si génial? Et bien malgré son absence de défauts et sa constance (même l'outro qui reprend simplement un poème de Baudelaire en italien fait frissonner), je dois avouer qu'il faut vraiment être dans de bonnes dispositions pour apprécier pleinement cet album. Dans le cas contraire je conçois qu'il puisse bloquer l'auditeur. Il le trouvera peut-être « poussif », ou encore dérangeant, mais là je ne peux que m'en remettre aux goûts et à l'ouverture d'esprit des lecteurs de Thrasho.
Vous l'aurez compris, ce
Human Antithesis est un album éminemment triste et noir, taillé pour l'émotion et le ressenti. Si de tels termes ne vous rebutent pas trop (les bourrins passez votre chemin ce coup-ci), tentez l'expérience car elle ne manquera pas d'enrichir et de repousser vos horizons musicaux. Si en plus ces mots vous chatouillent doucement les parties, je ne pourrais que vous conseiller vivement de vous ruer sur ce joyau. Un diamant noir.
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