Nesseria - Nesseria
Chronique
Nesseria Nesseria
Je ne sais pas si c'est la même chose pour mes collègues, mais depuis que je chronique de la musique, mon regard a changé par rapport à celle-ci : il est plus analytique, moins naïf. On en parlera plus en détail au prochain consortium inter-webzine à Abu-Dhabi (en espérant que cette fois, les gars de VS ne mangent pas tout le buffet) mais, si la dissection est agréable, le plaisir irréfléchi me manque un peu… Et puis, parfois, on tombe sur un pavé qui empêche toute réflexion et nous laisse le souffle coupé. Bam, le bruit de mon cerveau sur le parquet après l'écoute de ce premier album des français de Nesseria. La cervelle mise à terre finit par chuchoter puis crier : « Prends ça dans ta gueule Kickback ! ».
En effet, ce groupe, qu'on pourrait croire sorti de nulle part sans ces split sortis ça et là, joue un hardcore mêlé à du metal extrême comme nos haïsseurs préférés. Mais là où No Surrender perd en rapidité ce qu'il gagne en malsain, Nesseria emprunte sans faire de concession à cette exécution montre-en-main. Des morceaux comme « A ceux qui nous ont lâchés » ou « Par pertes et profits » laissent planer le doute, tant la fusion est réussie : est-ce du black/death avec chant de coreux ou du hardcore sulfureux ? On a même envie de pencher pour la première réponse à l'écoute de « Les alternatives » dont les distorsions cramées font penser à un Deathspell Omega période « Kénose » ou « Havixbecker Straβe » et sa lourdeur enflammée rappelant furieusement Immolation.
Pourtant, Nesseria est hardcore jusqu'au bout des ongles. Que ce soit les textes (qui crachent sur l'éducation, la politique ou encore la religion), le tempo surboosté ou la voix à la Jacob Bannon (d'ailleurs accrochez-vous pour comprendre les paroles !), ça suinte la frustration du prolétaire, la hargne accumulée qui explose dans les amplis. Brut de brut, « Pyramide » et « Ministère de la concurrence culturelle » passent tout au karcher en moins de trois minutes trente mises ensemble et il y a même du breakdown plombant sur « Havixbecker Straβe ». Finalement, Nesseria se sert du metal extrême pour insuffler à sa rage une puissance de feu décuplée, à l'image de cette batterie qui ne blast à aucun moment mais pilonne de manière tantôt syncopée, tantôt « armée en marche sous coke ». Par ailleurs, si les structures sont plutôt complexes pour un groupe de hardcore, elles restent intelligentes et ne dérivent jamais dans l'alambiqué inutile synonyme de perte en efficacité.
Nesseria est donc cohérent et original mais en plus, il poutre. Le tapping beau comme un glaviot de « Par pertes et profits », le final épique de « A ceux qui nous ont lâchés » (sors ton glaive camarade !) ou encore la prédication enfiévrée de « Les filles de Dieu » (une chanson que n'aurait pas renié Arkhon Infaustus !) ne donnent qu'une envie : sortir dans la rue, l'arme au poing, et tirer au hasard et ce malgré le côté casse-gueule que peut avoir ce mélange des genres. Car, du coup, les passages classiquement hardcore ressortent avec plus de force et certains riffs, sans être mauvais, font pâles figures à côté de ce maelström au service du chaos social, chose particulièrement pénalisante sur « 53% » notamment. Quelques légères baisses en intensité entament un peu le plaisir mais vu la production que le groupe se paye même « 53% » et ses trois notes introductives sonnent comme un immeuble qui te tombe sur le coin de la gueule.
Comme sa pochette l'indique, ce premier album de Nesseria, c'est trente-trois minutes de révolte noire dans un décor de feu et de cendre d'une qualité à te faire lâcher la guitare. Car si tu essayes de faire du hardcore ou que tu en as l'intention, après Nesseria, tu n'essayeras pas.
Alors, Nesseria ou n'essayeras pas ?
Oui, je vais finir ma chronique sur cette blague.
Je sais.
Merde.
| lkea 30 Avril 2010 - 2590 lectures |
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