Nirvana 2002 - Recordings 89-91
Chronique
Nirvana 2002 Recordings 89-91 (Compil.)
Si la mode est un éternel recommencement, il semble qu'il en soit de même avec la musique. Apparu à la fin des années 80, ce que l'on nomme aujourd'hui le death metal old school Suédois est rapidement devenu un genre majeur connaissant évidemment des hauts mais aussi pas mal de bas. Si aujourd'hui beaucoup connaissent l'essentiel des initiateurs de ce genre (Nihilist/Entombed, Dismember, Carnage, Grotesque, Unleashed...), certains groupes qui pourtant jouissent tout autant de ce statut de précurseur n'ont pas eu les mêmes chances. Ce regain d'intérêt pour le death metal old school, offre quelques opportunités intéressantes comme celles de voir rééditer des enregistrements oubliés, perdus ou encore limités à quelques chanceux en possession des cassettes originales.
Le disque qui nous intéresse ici est une compilation regroupant l'intégralité des enregistrements du groupe Suédois Nirvana 2002. Un groupe éphémère qui a vu le jour en 1988 à Edsbyn avant de splitter trois ans plus tard en 1991, non sans avoir laissé quelques traces. Le label Relapse à mis la main sur ces quelques témoignages d'époques et nous les ressert ici sous la forme d'un digipack agrémenté d'un livret dont l'introduction est signée Tomas Lindberg.
Formé en 1988 sous le patronyme de Prophet 2002, le groupe change rapidement de nom pour celui de Nirvana. Malheureusement à la même époque fait son apparition un groupe affublé du même nom et dont le premier 7" vient de sortir sur le label Sub Pop. Le groupe choisit alors de se rebaptiser Nirvana 2002. Evoluant sur la forme d'un trio, le groupe est composé de Lars Henriksson à la basse, d'Erik Qvick à la batterie (ex-Embalmed) et de Orvar Säfström au chant qui, pour la petite histoire, dépannera Entombed lors de l'éviction temporaire de L.G. Petrov pour l'enregistrement du EP trois titres Crawl.
Comme je le mentionnais un peu plus haut, on retrouve sur ce disque la quasi totalité de ce qu'a enregistré Nirvana 2002 durant sa courte carrière. Quasi totalité seulement car certains enregistrements semblent être totalement introuvables voir même complètement détruits. Ainsi, hormis deux titres live apparemment inaudibles, un délire vocal de quelques secondes apparaissant sur la démo Excursions In The 2002nd Dimension et deux versions alternatives de "Mourning" et "Snake", tout y est sans exception. Le découpage de cette compilation est ainsi fait qu'on retrouve les enregistrements non pas dans l'ordre chronologique mais plutôt dans un ordre qualitatif, du moins d'un point de vue auditif. Comprenez par là qu'ont été disposé en premier lieux les titres les mieux produits (ou remixés) pour laisser place ensuite aux différents morceaux issus d'enregistrements plus "laborieux" (live, démo, répétitions...).
On retrouve donc tout d'abord le titre "Mourning" initialement paru sur la compilation Projections Of A Stained Mind éditée en 1991 par le label Suédois CBR et sur laquelle on peut retrouver la crème du death metal de l'époque (Entombed, Grotesque, Therion, Unleashed, Dismember...) accompagnée de quelques outsiders (Mayhem, Chronic Decay...). Enregistré au Sunlight Studio par Tomas Skogsberg, le son de guitare est évidemment reconnaissable entre mille. D'ailleurs, Orvar Säfström raconte dans le livret qu'il a enregistré ce titre avec la guitare, l'ampli et la pédale HM2 de Uffe Cederlund profitant ainsi des mêmes réglages que ceux utilisés pour l'enregistrement de Left Hand Path. "Mourning" est typiquement ancré dans la tradition death metal Suédoise et s'avère d'une efficacité redoutable. Riff implacable et mélodie obscure en guise de courte introduction suivi par du tchouka tchouka appuyé par une mélodie entêtante qui servira de fil conducteur durant les trois minutes que dure le morceau. Ca groove et ça riff avec quelques soli bien sinistres. Impeccable. La voix est irréprochable: un growl à la Entombed, c'est à dire compréhensible et morbide mais plus crié et moins profond.
On enchaine ensuite avec les trois titres de la démo Dismembodied Spirits enregistrés en 1990 à Esbyn et remixés pour l'occasion. Et effectivement, le son est là aussi particulièrement convaincant. "Slumber" ne s'encombre d'aucune fioriture et va ainsi droit au but grâce à une rythmique thrash hyper plaisante, un son gras comme du Saint Doux et un riffing simple mais toujours aussi efficace. La pression redescend d'un cran avec ce long break avant de redonner un petit coup de fouet pour terminer en beauté et ainsi enchaîner sur "Zombiefication". Rythmiquement très simple, ce morceau donne envie de cogner tellement il est entêtant. Ponctué par quelques breaks et accélérations ainsi qu'un solo assez bordélique, il représente vraiment tout ce qu'à pu être le death metal à une certaine époque. Même constat avec "The Awakening Of..." qui est un poil moins rapide et plus alambiqué mais qui développe une ambiance rock'n'roll particulièrement redoutable. On remarquera aussi à l'écoute de ces trois titres que la voix se fait un peu plus profonde que sur le titre "Mourning" enregistré quelques mois plus tôt. Probablement afin de sonner plus violent encore.
Enfin, pour en terminer avec les enregistrements studios, on retrouve les deux titres de la démo Promo 91 enregistrés une fois encore au Sunlight Studio par Tomas Skogsberg. Cependant, le son est ici bien moins gras et la production finalement bien plus précise. Cela ne gâche en rien la qualité des morceaux qui montrent que Nirvana 2002 avait décidemment un réel potentiel qu'ils n'ont pas su concrétiser. Pas de grosses différences en terme de compositions entre ces deux titres et les précédents. On reste sur un schéma classique fait de rythmiques thrash, d'accélérations, de passages plus mid tempo et de soli foutraques et rock'n'roll.
Ensuite, la qualité sonore tend à baisser très nettement avec des titres enregistrés entre 1989 et 1991 sur différents appareils portatifs. Chambre, garage, cave, toutes les pièces de la maison y sont passées. "Physical Excursion/Truth & Beauty" ainsi que "Brutality" sont deux titres extrêmement primaires sur lesquels on distingue assez difficilement la guitare. La basse est à chaque fois trop présente, parasistant malheureusement l'écoute même si cela se fait moins ressentir sur "Brutality". La voix hyper gutturale pour l'époque donne une sacrée putain ambiance marécageuse, dommage que derrière les riffs ne suivent pas et que la production soient si peu avantageuse.
Avec "In The Awakening Of...", on retrouve une guitare et une basse déjà mieux agencées. Dommage par contre que la caisse claire soit si sèche et claquante. On a presque le sentiment d'être face à un batteur de dub... Quelle horreur! Le morceau en lui-même n'est pas déplaisant et à y regarder de plus près, l'essentiel est là. Preuve en est, la version présente sur la démo Disembodied Spirit.
"Watch The River Flow" est un titre instrumental enregistré dans la chambre d'Orvar Säfström au sein de la maison familiale. Bonne ambiance, riffs intéressants et batterie dynamique. Le tout servit avec un son de démo bien meilleur que les trois titres précédents. Pas de quoi se taper le cul par terre mais un titre qui aurait pu être efficace avec de meilleurs atouts.
On termine la série des "rehearsals tapes" avec "In Fell Tongues" qui n'est autre que le dernier morceau enregistré par Nirvana 2002. Issu du coupage/collage de deux enregistrements différents (non, non, ce n'est pas une blague), il s'agit là encore d'un titre instrumental sur lequel on peut très facilement déterminer l'endroit où a eu lieu le collage des bandes. Remixé pour la sortie de cette compilation, le titre y gagne en lisibilité et s'écoute donc plutôt bien malgré ce caractère "demo tape".
Nous avons aussi le droit à une version live de "Mourning" enregistré en 2007 lors de la release party du livre de Daniel Ekeroth intitulé "Swedish Death Metal". Jamais le groupe n'avait joué live, même durant sa courte carrière. Réunit quinze ans plus tard pour l'occasion, on sent que Nirvana 2002 a été mis de côté un long moment. C'est bancal, ça larsens et c'est loin d'être parfait mais au moins on sent que les gars prennent du plaisir sur scène et sont contents d'être là. C'est bien le principal car cet enregistrement n'a en soit rien de mémorable.
Enfin en guise de bonus, on retrouve les trois titres de la démo Disembodied Spirits proposés avec le mix d'origine. Les titres restent donc les mêmes mais la production est moins équilibrée et précise et surtout la voix est moins en avant. Ceci étant, cette version d'origine possède un feeling incroyable et une ambiance poussiéreuse absolument parfaite. La voix possédée et bestiale d'Orvar Säfström est irréprochable, un peu en retrait dans le mix, comme il était souvent de coutume dans le genre.
Recordings 89-91 constitue donc le témoignage d'un groupe éphémère et pourtant novateur qui a beaucoup apporté à la scène death metal suédoise et mondiale. L'influence de Nirvana 2002 sur ce genre qui nous est cher n'est pas à considérer comme quelque chose d'anecdotique malgré le peu d'enregistrements encore existants. A l'instar de Nihilist, Grotesque ou Carnage, Nirvana 2002 est un groupe majeur qui n'a malheureusement pas eu le temps de capitaliser sur son talent évident. Et si l'intérêt de ce disque peut être contesté par la qualité sonore qui n'est pas toujours au rendez-vous, voyez-le plutôt comme le témoignage d'une époque incroyablement riche et stimulante (émergence d'un nouveau genre avec ses codes, fanzines, tapes trading, concerts...) qui continue encore de faire sensation vingt ans plus tard.
| AxGxB 10 Janvier 2012 - 1885 lectures |
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