Pendulum - Les Fragments du Chaos
Chronique
Pendulum Les Fragments du Chaos
Il y avait fort longtemps que je n'avais pas posé les oreilles sur un disque de Black Metal dit « dépressif », a fortiori moderne. Lassé par cette scène et son nombre extensible de groupes tous aussi pourraves les uns que les autres et préférant me repasser les classiques que sont NYKTALGIA, SILENCER ou les premiers SHINING, c'est donc avec une certaines appréhension que j'abordais PENDULUM, présenté par leur label Hass Weg Productions comme un groupe donnant dans ce registre. Ce groupe est formé par 4 musiciens qui ont roulé leur bosse dans le Black Metal Underground, avec Death, connu pour son projet APOPTOSIS, de même que Winter à la basse et à la plume, Errance de MIND ASYLUM au chant et Naja Atra (APOPTOSIS également) à la batterie. Formé en 2009, c'est après deux ans de travail que paraît leur premier disque Les Fragments du Chaos le 11 janvier 2012, une date qui marque la concrétisation de leur labeur.
Ce travail se ressent à plusieurs échelles, en premier lieu au niveau des textes, très travaillés, qui font en permanence référence au Temps, concept on ne peut plus cohérent au travers de tout l'album. Traduit bien sûr en premier lieu par le nom du groupe, ce temps qui déchire, qui ruine et qui fane l'âme des hommes s'exprime à travers ces références assez subtiles telles que « le pendule suspendu (qui) se balance lentement », altérant « une image, trahie et brisée / une lueur de celui que j'étais »... de même, l'importance des aiguilles (« oublié au son de l'aiguille d'une horloge »), du « tic-tac » quotidien renforce cette présence oppressante de la durée sur l'individu, « sphère assourdissante qui rythme (s)es gestes »... Les Français développent, dans leur langue maternelle, un personnage faible, complexé, en permanence en proie à la rupture, perdu dans un monde moderne dans lequel il ne parvient pas à s'intégrer, une sorte de Dorian Gray qui n'aurait pas encore réussi à poignarder ce portrait de lui qui lui confère son immortalité. « Le canon du revolver collé sur (s)a tempe », l'homme ne parvient pas à passer à l'acte : c'est ce complexe rapport entre la décrépitude mentale et le suicide que développe PENDULUM avec brio durant quarante minutes de noirceur.
Si certains ne seront pas forcément touchés à la lecture de certaines paroles, la majorité sera beaucoup plus atteinte par la manière avec laquelle ces dernières sont hurlées. C'est bien le vocaliste Errance qui plane en tyran sur ce disque avec sa voix puissamment déchirante, ses cris « autistes » de douleur pesant de tous leurs poids sur le disque habité par sa présence qui s'avère déterminante pour faire sortir celui-ci du lot, car aux premières écoutes, on pourrait être tenté le mettre directement dans la case du disque de Black Metal générique qu'on ressort une fois tous les 36 du mois. Pourtant, il suffit de gratter un peu le vernis noir ébène de nos Français pour se rendre compte qu'il y a quelque-chose de plus prenant derrière leur musique, qui délivre un Black Metal mélancolique finalement assez racé, avec ses apogées comme ses traversées du désert.
Car certains passages du disque font clairement défaut, notamment l'enchaînement « La Corde » / « La Poudre » / « Le Vide »... certains bons riffs plus lents sont gâchés par des accélérations regrettables, comme c'est le cas pour « La Poudre » qui voit l'un de ses bons riffs centraux étiolé par une accélération à la double pédale bien trop basique et « facile » pour un morceau qui aurait pu être bien mieux agencé. « Le Vide » souffre également de quelques longueurs toutefois bien rattrapées par les soli de Death. La production souffre également de quelques carences... un gros manque de basses dans ces riffs parfois trop mélodiques et formatés, mais aussi aussi cette batterie, parfois trop monotone et fade, notamment sur les passages en mid-tempo classique où elle ne brille vraiment pas par l'originalité de ses breaks et plafonne à cause de son manque d'inventivité. J'ai aussi un peu de mal avec le son de sa caisse claire, un peu trop redondant à force d'écoutes.
Pourtant, elle sait aussi souvent être très efficace durant Les Fragments du Chaos, et ce dès son morceau d'ouverture « L'Acier » qui plante directement l'étendard noir de ce Black Metal désabusé et douloureux dans les crânes disposés à cette offrande. Emmené par ses nombreux bons riffs sortis des entrailles, distillés tels un poison dans la gorge de l'auditeur attentif, PENDULUM sait également briller. « Le Poison », leur poison, est clairement jouissif, à l'image de ce morceau ultra mélodique (et fort bien nommé), vomissant ses riffs touchants au possible, armé de son arpège introductif hypnotique annonçant un riff contemplatif totalement poignant et possédé ! Quelques morceaux frisent la perfection, comme « La Nature » et ses deux dernières minutes absolument grandioses, clairement l'apogée d'un opus à la qualité certaine... lui succède l'excellent « La Folie », morceau au blast beat rageur, qui conclut ce disque avec une phrase très représentative de celui-ci, jetée à la gueule du monde qui regarde cet être qui déclare calmement : « je suis devenu fou ». On laisse un PENDULUM instable, en proie au trouble, un groupe qui a mis toutes ses forces négatives dans sa bataille contre la vie. Oui, malgré une pochette pas forcément très attirante et quelques défauts qui seront à coup sûr gommés dans une prochaine sortie que nous sommes en droit d'attendre après ce premier disque à fort potentiel, on tient là un disque tout à fait honnête. Certes, il demande un réel effort d’appesantissement pour en capter toute la saveur charbonnée et l'atmosphère mazoutée, mais il saura séduire les amateurs de cette frange de Black Metal, les mêmes qui découvraient tous les vendredis soirs ce genre de bons groupes diffusés par l'homme auquel le meilleur morceau du disque est dédicacé. Aventure à suivre !
| Voay 31 Mai 2012 - 3506 lectures |
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