Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à l’occasion de la chronique de leur avant-dernier album, Inquisition représente pour moi l’essence même de l’Art noir. Combien de groupes peuvent se targuer d’avoir engendré des albums aussi forts les uns que les autres, sans faute de goût aucune, chaque fois inspirés et parfaitement maîtrisés ? Bien peu à la vérité. Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith, le nouveau-né, s’inscrit définitivement dans cette veine. Il ne décevra pas les amateurs du groupe, pas plus que les férus de BM racé. L’inspiration et la science de la composition sont toujours présentes ; les traits caractéristiques du groupe également.
On retrouve en effet les mêmes structures que sur
Obscure Verses For The Multiverse ou
Ominous Doctrines Of The Perpetual Mystical Macrocosm, la même dynamique globale. Un virage a été pris à cette époque, en (petite) rupture avec les précédents (et magnifiques) albums du groupe (Invoking the majestic throne of Satan en tête, Magnificent glorification of Lucifer et Nefarious Dismal Orations) où la vitesse pure et une certaine forme de brutalité dominaient. Le mid-tempo est désormais la norme même si les accélérations restent meurtrières ; il l’est encore sur ce nouvel album dont la dimension nocturne est encore accentuée (l’intro ténébreuse et grondante : The Force before Darkness). From Chaos They Came, le premier véritable titre, tranche de suite dans le vif et donne le ton. Le son est organique et puissant et les lead sont reconnaissables entre mille. L’impression de maîtrise, qui se dégage depuis toujours de leurs albums, resurgit une nouvelle fois. Les cassures s’enchaînent sans briser la dynamique, la batterie jouant ici le rôle de fil conducteur, son blast alimentant la machine quand la guitare part constamment en digressions mélodiques / agressives. L’équilibre est parfait mais ça, on le savait déjà. Toutefois, pointe déjà une petite critique (car le niveau reste très élevé), qui sera le fil rouge de cette chronique. Les riffs sont excellents mais déjà entendus. Comme l’impression que le diable se mord la queue.
Cette impression se retrouve à l’écoute de Wings of Anu et Vortex from the Celestial Flying Throne of Storms, les titres suivants. Si ces titres sont très puissants, on sent le groupe un poil en roue libre, comme en pilotage automatique. La faute à des structures très efficaces mais finalement éprouvées depuis 7 albums. La surprise fait donc défaut. L’apport d’idées neuves également (la voix travaillée sur A black Aeon shall Cleanse ou sur The Flame of Infinite Blackness before Creation constitue une petite évolution). Wings of Anu ou From Chaos They Came, par exemple, sont des merveilles de puissance et de dissonance maîtrisée mais leurs petits frères habitent sur
Obscure Verses For The Multiverse ou
Ominous Doctrines Of The Perpetual Mystical Macrocosm (Force of the Floating Tomb ou Hymn for a dead star par exemple). Vortex from the Celestial Flying Throne of Storms est excellent mais évoque directement Invoking the majestic throne of Satan dans l’idée.
Sur ces titres, comme sur les trois suivants (A black Aeon Shall Cleanse ; The Flame of Infinite Blackness before Creation et Mystical Blood), c’est le même schéma qui se répète, un schéma qui a fait ses preuves depuis longtemps : soli d’intro puis accélération brutale et retour/alternance avec de jolis arpèges aériens (les beaux arpèges d’intro sur The Flame of Infinite Blackness before Creation ; même chose sur Through the Divine Spirit of Satan a Glorious Universe Is Known). Les accords hantés de Dagon confèrent comme toujours aux morceaux une aura totalement satanique/occulte (et sa voix grondante, qui change, sur A black Aeon shall Cleanse et sur The Flame of Infinite Blackness before Creation). Les soli occupent une place très importante sur ce nouvel album (comme sur les deux derniers…). Les arrangements sont légion, y compris sur la batterie où Incubus nous démontre une fois encore toute l’étendue de son talent. Les séances de tapping succèdent aux petits arrangements de cymbales, ce qui fait ressortir toute la richesse des titres et leur confèrent un aspect mystique propre à la personnalité du combo.
Comme sur les albums antérieurs, le choix du mid-tempo s’avère payant. Il souligne les contrastes et la richesse des compos. Les accélérations ne sont pas écartées (Mystical Blood) ; elles servent également le propos du groupe en créant autant de cassures et de relances. Et quelques nouveautés peuvent même être notées. La recette est ainsi d’autant plus savoureuse lorsque le groupe entreprend de mêler dans sa structure la recherche de vitesse et de mélodie (Through the Divine Spirit of Satan a Glorious Universe Is Known ou Bloodshed Across the Empyrean Altar Beyond the Celestial Zenith par exemple, où le mid-tempo prend tout son sens et confère de l’emphase au titre). Les lead mélodiques, aériens donnent une belle épaisseur aux morceaux, surtout lorsqu’ils s’accompagnent de cassures plus nocturnes, plus mystiques (Bloodshed Across the Empyrean Altar Beyond the Celestial Zenith et ses soli déjantés et hautement addictifs ; Power from the Center of the Cosmic Black Spiral et ses breaks punk sombres). La volonté de proposer des mélodies plus fortes est ainsi patente à compter de Through the Divine Spirit of Satan a Glorious Universe Is Known.
A Magnificent Crypt of Stars, Outro: The Invocation of the Absolute, the All, the Satan et Coda: Hymn to the Cosmic Zenith, qui clôturent l’album, apportent une dernière touche occulte à l’ensemble. On y retrouve, sur le premier nommé, les mêmes breaks dissonants, classiques, et les mêmes accélérations dévastatrices. Les deux derniers titres renforcent l’atmosphère de mort qui a ouvert le disque, par des sons issus d’incantations maladives.
Comme ses prédécesseurs, ce nouvel album est une merveille de richesse artistique dont le seul défaut est d’arriver après six autres productions hors normes. Car même si un sentiment de déjà entendu domine, le niveau est à ce point élevé que l’écoute n’en est pas gênée. Et, à la différence du dernier artwork qu’à titre personnel, je trouvais fort médiocre, la nouvelle pochette est du meilleur effet. Une nouvelle pierre à l’édifice noir.
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