Omnihierophantom - Beyond Eternity
Chronique
Omnihierophantom Beyond Eternity
[ A propos de cette chronique ] « Lost in Translation ».
Omnihierophantom est perdu. Comme Bill Murray et Scarlett Johansson, Omnihierophantom erre on ne sait trop où dans la sphère riche et complexe du Black Metal. Ce combo formé de trois néerlandais ne sait pas trop où il va et donne l’impression de faire partie du style sans vraiment y entrer. Visiblement égaré en 1995, année où S.O.L. Necrosadist (chant) compose les titres accompagné de Guido van de Schoor (guitares et basse). Oui, les deux hommes sont noyés entre le Thrash proto-Black des anciens et l’explosion de la vague norvégienne. Ils errent entre le symphonique d’Emperor et le médiéval de Satyricon. On pourrait d’ailleurs dire pareil pour les thématiques de l’album. Une traduction de leurs idée les plus profondes à grand coups de sciences occultes, de références Lovecraftiennes et d’occultisme plus ou moins proche de l’affreuse mythologie du troisième Reich. Et que dire de cet artwork complètement fou, mixant les formes triangulaires, le soleil noir, les symboles bibliques et le cosmos ? Omnihierophantom donne l’impression d’être entièrement en décalage avec tout ou de n’être cohérent qu’avec le « rien ». Peut-être simplement parce que « rien » ne lui ressemble.
Vous pouvez me croire, j’en ai écouté des groupes de Black, mais quand j’ai inséré ce « Beyond Eternity » dans ma platine, j’ai eu une des plus grosse surprise de ma vie, celle qui vous fait dire : « Mais bon sang, c’est quoi ce truc ? ». Ce trio de hollandais pourrait se résumer en un mélange très étrange d’orchestrations à la Sigh, de riffs tordus à la Deathspell Omega et d’un penchant primitif à la Countess. Voici un mélange qu’il n’est pas évident de se représenter mais c’est clairement ce qui fait l’originalité de ce groupe si inconnu.
« Beyond Eternity » -qui est au passage la seule production du groupe- se veut comme un voyage initiatique bancal et halluciné dans un cosmos nationaliste et omniscient. La musique est d’ailleurs axée pour coller aux paroles, pour que chaque phrase écrite bénéficie d’une phrase musicale quasi-spécifique. Le disque se construit sur des titres longs, très progressifs et véritablement bordéliques au premier abord, mais révélant par la suite une richesse incroyable dans la mélodie et les arrangements. Les vocaux du chanteur peuvent par moment rappeler un Inquisition ou un Mütiilation, ce qui est encore une preuve du cocktail frappé que nous sert le groupe (surtout si on couple ce chant aux claviers imitant parfois le son d’un Xylophone rappelant le Jazz-Rock de Gong…). D’ailleurs lors de l’écoute, le chanteur m’apparaît un peu comme un « fou du village », politiquement bien instable, mais gentiment toxicomane et vivant dans son monde mystique. Mais le truc qui me fait véritablement adorer cet opus, ce sont ces crescendos dantesques comme sur le refrain de « From Chaos ». On y retrouve une intensité infinie comme l’univers et malgré leur aspect « hard-discount » ces passages sont tout bonnement incroyables. Que dire par exemple de la montée pleine de joie et d’aspiration céleste au début de « A journey to the Necropolis » et sa rythmique binaire presque New-Wave ? Rien ! Et le pire c’est qu’elle s’enchaîne sur un passage gras des plus lourd et mélancolique… Incroyable je vous dis !
Mais d’où sortent ces mecs ? Comment peut-on poser des chants clairs dignes des plus grandes heures du Jazz-Rock le plus psychédélique et les coupler avec des riffs Thrash/Black et une batterie faisant dans la polyrythmie (parfois) incompréhensible ? Pour autant Omnihierophantom n’hésite pas et nous sort un constat du genre sur « Drowning in negative colours of darkness ». Tout est intimement lié dans cet album : chaque phrase est suivie par une armée de claviers, de guitares et de percussions. À chaque syllabe sa note de musique, voilà comment raisonnent les trois musiciens qui ne sont clairement pas des manches. Alors certes, de temps en temps, on remarque quelques longueurs et cette exubérance de notes et d’arrangements farfelus peut parfois s’avérer un poil indigeste, mais l’effort fait ici mérite vraiment d’être salué.
Voilà bien un disque qu’on pourrait voir comme du Black de cinquantième zone, mais qui mérite clairement qu’on s’y intéresse. Incroyablement riche et malheureusement bien trop inconnu… Je ne me serais d’ailleurs sûrement jamais penché sur cet opus si un ami n’avait pas insisté pour que je le fasse. J’espère qu’avec cette chronique, je vais permettre à Omnihierophantom de se faire quelques nouveaux adeptes, c’est bien le moins que je puisse leur apporter.
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