Minor Threat - Complete Discography
Chronique
Minor Threat Complete Discography (Compil.)
Il est toujours étonnant de constater, même après plus de trente ans, l'influence qu'a pu avoir un petit groupe de seulement quatre ou cinq personnes sur un environnement musical alors en plein essor et aux frontières artistiques encore relativement floues. De fait, il est totalement impossible aujourd'hui de parler de Hardcore sans évoquer le rôle et l'importance qu'à pu avoir Minor Threat sur son développement, à l'aube des années 80. Preuve de ce que j'avance, le groupe demeure aujourd'hui encore une influence majeure et surtout incontournable pour les mouvements que sont le Punk et le Hardcore, et cela malgré une carrière particulièrement courte puisque le groupe n'aura existé qu'entre 1980 et 1983.
Formé en 1980 à Washington D.C. par Ian MacKaye et Jeff Nelson, Minor Threat nait des cendres de Teen Idles. MacKaye, encore au lycée, en profite pour laisser tomber la basse et s'occuper uniquement du chant. Le duo est alors rapidement rejoint par Brian Baker (basse) et Lyle Preslar (guitare). Ensemble, ils peaufineront leurs compositions avant de se produire pour la première fois sur scène en compagnie d'un autre grand nom du Hardcore, les rastafariens de Bad Brains. L'année suivante, les choses s'accélèrent pour Minor Threat qui sortira deux EPs intitulés Minor Threat et In My Eyes. Malheureusement, le groupe devra ensuite faire face au départ de son guitariste parti étudier dans l'Ohio. S'en suivra une période de hiatus/split de courte durée puisque Lyle Preslar mettra fin à ses études en mars 1982 suite à l'insistance de Paul Hudson (Bad Brains) lui enjoignant de réintégrer les rangs de Minor Threat prestement. L'année suivante, en 1983, le groupe sortira son seul et unique album, l'excellent Out Of Step avant de finalement se séparer pour de bon, suite à l'enregistrement d'un dernier EP en décembre 1983.
Complete Discography regroupe donc les trois EPs de Minor Threat, soit Minor Threat et In My Eyes parus en 1981 ainsi que Salad days enregistré en 1983 mais sorti à titre posthume en 1985. On retrouve bien évidemment l'album Out Of Step de 1982 ainsi que les deux titres de la compilation Flex Your Head sorti la même année, toujours chez Dischord. A noter que cette discographie qui ne regroupe pas exactement tous les morceaux de Minor Threat (à l'exception d'un live, deux inédits et quelques titres en version démo) est parue initialement en 1989 avec une pochette rouge. Les pochettes bleue et jaune correspondent ainsi aux rééditions remasterisées de 2003.
Tout d'abord, intéressons-nous à l'aspect strictement musical de Minor Threat grâce à Complete Discography qui retrace trois ans de carrière par ordre plus ou moins chronologique. On retrouve donc dans un premier temps les huit titres du EP Minor Threat suivit des deux titres de la compilation Flex Your Head, les quatre du EP In My Eyes, l'album Out Of Step en enfin les trois titres du EP Salad Days. Soit vingt-six titres et cinquante minutes de Hardcore Old School rageur et pourtant mélodique. A l'époque, le Hardcore et le Punk sont encore étroitement liés, aussi bien d'un point de vue musical qu'idéologique. Les deux scènes partagent beaucoup de points communs et finalement le distinguo entre les deux n'est pas des plus évident. Même dynamisme, même énergie, même souffle contestataire, même souci de la mélodie, même construction rythmique... La différence entre le Punk et le Hardcore vient essentiellement du fait que pour le deuxième, chacun des points évoqués plus haut tend à se radicaliser sensiblement.
En 1980, nous n'en sommes alors qu'aux prémices. La scène Américaine se montre particulièrement active avec déjà des groupes comme The Germs, Hüsker Dü, Dead Kennedys etc... Black Flag, Bad Brains et Minor Threat seront alors parmi les groupes émergeant les plus importants, proposant une approche du Punk Rock bien plus radicale (pour l'époque). D'un point de vue strictement musical, la musique de Minor Threat n'a donc rien de révolutionnaire. Le groupe de Washington D.C. se nourrit clairement du Punk de la fin des années 70 pour nous offrir des brûlots aussi expéditifs que primaires ("Filler, "Seeing Red", "Straight Edge", "Out Of Step (With The World)"). Une section rythmique jouée à fond les ballons (caisse claire et charley se suffisent la plus part du temps) comme sur les excellents "I Don't Wanna Hear It" ou "Out Of Step (With The World)", des riffs de guitare à trois notes simples comme bonjour, une basse bien groovy et un chant crié et teigneux, parfois bancal, mais débordant d'énergie et de rage. Toutefois, certains titres ne sont pas exempts de mélodie à l'instar d'"I Don't Wanna Hear It", "Minor Threat" ou encore cette chouette reprise de The Standells, "Good Guys (Don't Wear White)". Il n'en faudra alors pas plus à la middle class Américaine pour se laisser séduire par cette musique contestatrice et fédératrice.
Malgré que ces vingt-six titres s'étalent sur trois ans et cinq enregistrements différents, il en émane une véritable cohérence qui permet presque à Complete Discography d'être appréhendé comme un album à part entière. Pas de temps mort, pas de blanc, une production crue, dans l'ensemble assez similaire, même si celle-ci tend à s'améliorer au fil de la discographie. Bref, du Punk/Hardcore cru, sincère et délivré dans l'urgence la plus totale.
Mais chroniquer Minor Threat en évoquant simplement l'aspect musical serait oublier tout le reste, l'essence même de ce groupe dont le fond avait probablement beaucoup plus d'importance que la forme. Car si c'est bien de musique dont il s'agit ici, il ne faut pas oublier qu'il y a derrière les paroles et les actes du groupe une réelle réflexion dans la façon d'appréhender la musique et la vie en générale. Ainsi, comme Black Flags et d'autres groupe issus de la scène Punk/Hardcore, Minor Threat va faire le choix de privilégier une attitude D.I.Y. leur permettant ainsi de s'affranchir presque totalement des diktats imposés par la grande distribution et les majors. D'ailleurs, c'est également dans cette optique que Ian MacKaye et Jeff Nelson créeront leur propre label, Dischord, qui oeuvrera énormément pour le développement de la scène Punk/Hardcore/Emo/Indie Rock. Au delà de cette conduite éthique encore très chère à certains groupes, Ian MacKaye et Minor Threat vont être à l'origine d'un mouvement qui va très rapidement les dépasser. C'est notamment avec les titres "Straight Edge", "Out Of Step (With The World)" ou encore "In My Eyes" que Minor Threat va réussir à susciter un certain intérêt du public qui va alors s'attacher aux paroles scandés par Ian MacKaye et notamment le fameux "Don't smoke/ Don't drink/ Don't fuck/ At least I can fucking think". Alors que ces paroles n'étaient qu'un reflet de la pensée du chanteur, elles ont rapidement été reprises par une jeunesse alors sensibles à ce type de discours allant totalement à contre courant d'une scène Punk gangréné par l'alcool et la drogue. De son côté, Ian Mackaye s'est toujours défendu d'avoir voulu initier quoi que ce soit. Pour lui, certaines personnes ont juste réinterprété ses propos pour les tourner à leur sauce: "I think that the idea of straight edge, the song that I wrote, and the way people have related it, there's some people who have abused it, they've allowed their fundamentalism to interfere with the real message, which in my mind, was that people should be allowed to live their lives the way they want to". Si tout ceci à finit par échappé à Minor Threat, toujours est-il que le mouvement semble véritablement parti de ces deux/trois titres.
Si cette chronique un peu particulière s'attache davantage à l'histoire, au contexte et à ce qui en a découlé plutôt qu'à la musique à proprement parler c'est parce qu'à mon sens, tous ces détails évoqués, toutes ces informations données, sont complémentaires et fondamentales pour saisir l'importance de ces enregistrements et de tout ce qui en a suivit notamment au sein de la scène Punk/Hardcore (mais aussi Emo/Indie Rock). La portée de ces enregistrements va bien au delà de leur aspect musical car l'influence de Minor Threat a été majeure sur bien des points, à une époque où le mouvement Hardcore en était encore à ses balbutiements. Il me semble donc judicieux d'appréhender cette Complete Discography d'une façon globale afin d'en saisir tous les tenants et les aboutissants. Complete Discography est donc un disque absolument incontournable pour comprendre et saisir l'origine même du Punk/Hardcore et la façon dont s'est construite la scène Américaine à partir des années 80. Cult, classique, iconique...
| AxGxB 2 Octobre 2012 - 4080 lectures |
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