Phlebotomized - Devoted To God / Preach Eternal Gospels

Ça y va les rééditions en ce moment! Mais qui s'en plaindra? Si certains groupes inutiles se retrouvent exhumés sous prétexte de fanatisme underground, beaucoup de rééditions sont du pain béni pour les jeunes amateurs n'ayant pu suivre la scène à l'époque. Abhorrence, Timeghoul et Burial me viennent tout de suite en tête mais la liste est longue. Et sur ma liste personnelle de groupes que j'aimerais voir remis au goût du jour, il y avait Phlebotomized, formation néerlandaise de death metal originale et talentueuse qui aurait mérité davantage de reconnaissance. Ça tombe bien, Vic Records, déjà responsable du déterrage de Darkified, vient de s'en occuper!

La scène batave était très prolifique dans les années 1990. Surtout connus du grand public pour ses groupes de death metal, les Pays-Bas possédaient également une scène doom/death réputée. Phlebotomized se place en quelque sorte à la croisée des deux. Un groupe à part complètement oublié qui a le droit cette année à une deuxième chance. Outre une reformation (le combo avait splité en 1997 après son deuxième album Skycontact), voilà que la démo Devoted To God (1992) et l'EP Preach Eternal Gospels (1993) se voient compilés sur Devoted To God / Preach Eternal Gospels. Non, ils ne se sont pas fait chier pour le titre! Ni pour la pochette d'ailleurs, qui reprend celle du MCD dessinée par Necrolord. Mais ne faisons pas la fine bouche. Les deux sorties ont été remasterisées, les doublons retirés ("Tragic Entanglement" et "Ataraxia", déjà présents sur la démo) et trois morceaux live d'époque ont été rajoutés. Résultat: plus d'une heure de Phlebotomized!

Dur à s'enfiler, je vous l'accorde. À vrai dire, les morceaux live n'ont aucun intérêt. Le son est brouillon et les trois titres, "Tragic Entanglement", "Subtle Disbalanced Liquidity" et "Desecration Of Alleged Christian History", figurent déjà sur la partie studio. C'est pour moi le gros point faible de cette réédition du coup un peu longuette. Le seul vrai point faible d'ailleurs car sinon, Phlebotomized reste une vraie curiosité à écouter. Le quintette, qui deviendra même septuor sur Preach Eternal Gospels, réussit à créer son propre univers et à y emporter l'auditeur grâce à un mélange intelligent de styles. La base de la musique des Néerlandais, c'est du death metal. La formation mixe toutefois différents types de DM et y insuffle aussi pas mal de doom, le tout auréolé de claviers quasi omniprésents. Un instrument que je n'apprécie que modérément mais qui est ici très bien utilisé, soit en appui des guitares, soit carrément en lead, enveloppant ainsi le death doomy du combo de Rozenburg d'une aura envoûtante à la fois sombre, sinistre et aérienne, entre horreur et gothique. Certains passages aux claviers ont cependant mal vieilli et font un peu kitsch aujourd'hui (ceux de "Fate Of A Devotee" sonnent très vieux films d'horreur de Carpenter). Mais ça a son charme! D'autant que le groupe livre aussi beaucoup de solos et leads savamment composés, proposant des mélodies intéressantes, souvent aériennes voire spatiales pour aller de paire avec les keyboards. Et Phlebotomized travaille autant son ambiance que les émotions véhiculées par sa musique (tristesse, nostalgie, spiritualité, etc.) les rapprochant à ce niveau bien plus de la scène doom que de la scène death chez qui les émotions se limitent en général aux pulsions primaires. Les deux interludes acoustiques "Ataraxia" et "In Memory Of Our Departured Ones", magnifiques mais malheureusement trop brèves et placées l'une après l'autre, en sont de belles preuves.

Du death/doom avec des claviers, des solos et de l'acoustique? Rien de si extravagant après tout. Sauf que comme je le disais, Phlebotomized jongle avec plein de genres. Attendez-vous donc à des morceaux riches et longs allant jusqu'à 10 minutes et tout sauf linéaires. Car si le mid/down tempo reste majoritaire avec son lot de riffs plombés à faire trembler les murs, le groupe n'hésite pas à accélérer par le biais de tchouka-tchouka énervé voire de bons gros blast-beats dévastateurs ("Subtle Disbalanced Liquidity", "Desecration Of Alleged Christian History", "Mustardgas", "Preach Eternal Gospels"), rendant ces parties d'autant plus efficaces. Jouissif!. Les Bataves savent donc aussi envoyer le bois, et pas qu'un peu. Rien d'étonnant après tout puisque de 1989 à 1990, Phlebotomized s'appelait Bacterial Disease et faisait du death/grind! Des racines que n'ont pas oublié les musiciens, pour mon plus grand plaisir. Autre aspect qu'ils n'ont pas mis de côté, le groove. Phlebotomized n'est pas soit bourrin soit atmosphérique. On retrouve dès lors tout un tas de riffs headbangants ou grassouillets qui font remuer des hanches. "Desecration Of Alleged Christian History" à 1'27, c'est du old-Dying Fetus avant l'heure! En plus, les growls de Barry Schuyer sont parmi les plus gutturaux de l'époque. Comme quoi Phlebotomized, c'est aussi du brutal death à l'américaine! Le contraste entre la brutalité et l'aspect atmosphérique est vraiment l'une des grandes forces du combo, qui va pousser ses expérimentations plus loin sur deux moments étonnants, le chant féminin de "Subtle Disbalanced Liquidity" (6'34) et le break folklorique totalement inattendu à 7'50 sur "Preach Eternal Gospels", morceau le plus riche de la compilation nous offrant même du violon par Maarten Post, non pas en guest mais bien en tant que membre à part entière.

Je vous l'avait bien dit que Phlebotomized était un phénomène! Cela dit, il vous faudra avoir l'esprit un minimum ouvert pour apprécier la musique des Bataves, qui demande aussi un temps d'adaptation. N'étant pas un modèle d'ouverture d'esprit et appréciant quand même le groupe, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes. Je ne sais pas comment le combo avait été reçu à l'époque mais vu le peu de notoriété dont il fait l'objet aujourd'hui, je me doute que sa musique devait être trop brutale pour les doomsters et trop synthétisée pour les deatheux. Dommage car Phlebotomized a tant à offrir. Ambiance sombre et aérienne envoûtante, groove catchy, brutalité efficace et mélodies captivantes. Des bons riffs à la pelle (merci la paire Tom Palms / Jordy Middelbosch!). Doom/death par ci, brutal death par là, death finlandais et death floridien là-bas. Rares sont les groupes à avoir leur propre style. Phlebotomized est de ceux-là, à la fois complètement ancré dans les années 1990 tout en jouant les solitaires. Il ne ressemble à personne, tout juste peut-on le rapprocher dans l'esprit de combos comme Demilich, Timeghoul ou Blood Of Christ (en moins fourre-tout chaotique). Son premier full-length Immense, Intense, Suspense sorti en 1994 développera encore davantage l'originalité des Néerlandais. À redécouvrir avec plaisir pour les connaisseurs, à découvrir d'urgence pour les curieux.

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