Pour les habitants d’un État plutôt paumé d’un pays aussi large que le short d’un amateur de NYHC, le contact avec les grandes villes actives peut être difficile. Il faut ainsi tuer le temps et trouver un hobby qui permette de se soustraire à un quotidien des plus mornes. Heureusement pour nous, les cinq membres formant Bent Life ont eu la bonne idée de monter leur affaire musicale en 2010. Le Nebraska et la région du Midwest n’étant pas connus pour être des viviers abondants de groupes jouant du hardcore, on peut remercier Expire – dont la réputation n’est plus à faire – de les avoir emmenés en tournée pour faire croquer les petits frères, étant eux-mêmes originaires du Wisconsin, autre État du Midwest, et connaissant donc les galères associées à cette partie des USA.
Laissons la petite leçon de géographie de côté et intéressons-nous plutôt à ce que Bent Life veut nous raconter musicalement. Car ce n’est pas tout de jouer du hardcore, encore faut-il bien le faire. Sur ce point, on peut dire que le crew du Nebraska s’en sort de façon tout à fait honnête, sans cependant révolutionner le genre – phénomène se produisant de plus en plus rarement me direz-vous. Le succès fulgurant de leurs contemporains Expire ou Soul Search a certainement donné des idées à Bent Life, ces derniers jouant à mon sens un mélange efficace de ce qui fait la force des deux noms précités, qui sont très en vogue actuellement.
Aux Californiens, ils ont emprunté le groove XXL faisant hocher la tête comme à bord d’un Low Rider en plein Compton (les entames de « Unlearn » et « The Hard Way » étant montées sur ressors), ainsi que le son de guitare étouffant et saturé à l’excès de
Bury The Blame. J’avoue ne pas totalement partager l’enthousiasme général autour de Soul Search, mais Bent Life me console en apportant une touche supplémentaire bien présente chez Expire, en l’instance d’un riffing particulièrement véloce et vindicatif (« The Hard Way » fait définitivement le café sur tous les points). Malgré l’impression de lourdeur que trimballe cet EP éponyme, le tempo moyen des titres est assez prenant pour retenir l’attention, et rend par la même occasion les décélérations d’autant plus marquantes (attention, mosh part sur « Love To Lose »). Même si Bent Life n’atteint pas le parfait équilibre entre agression, nervosité et groove assassin d’un
Pendulum Swings, les riffs s'installent rapidement en tête, tout comme l’envie de violer le bouton replay (c’est que le bazar s’emballe follement à la fin de « Unlearn »). Seul point noir au tableau, un certain manque de variation entre et à l’intérieur des pistes, dont on s’aperçoit facilement sur « Tied To The Earth » qui fonctionne globalement sur un seul riff, mais pas moyen d’empêcher les genoux de jouer aux essuie-glace.
Tout simplement, à l’image de son imposant chanteur frôlant l’inflammation des cordes vocales avec ses beuglements, les cinq titres de
Bent Life sont une dédicace à ton copain qui abuse souvent du Macdo et traîne une bonne quinzaine de kilos en trop, celui qui a tendance à écarter les coudes et prendre toute la place à table. Mais bon, il n’est pas foncièrement méchant, au contraire c’est souvent lui qui met l’ambiance et fait rire les potes avec ses grands gestes démonstratifs et son visage joufflu. Il y a de quoi se moquer, entre sa démarche pataude et ses tentatives de two-step provoquant l’hilarité. Sauf que, depuis qu’il s’est rué sur un petit caïd un peu trop sûr de lui qui l’avait traité de "gros" – le syndrome du Menhir – et lui a infligé un
body slam digne de l’Undertaker avec une agilité dont tu ne le pensais pas capable, tu y réfléchis à deux fois avant de sortir une blague sur la surcharge pondérale.
Pour une première sortie,
Bent Life est plus que convaincant, malgré qu'il ne soit rien de plus qu’un EP proposant un hardcore classique et pourtant diablement efficace – toujours un problème récurrent, si l’on considère ça comme un problème, dans un style peu enclin au renouvellement. Je concède volontiers que les cinq morceaux sont assez – sûrement trop pour certaines personnes – similaires les uns par rapport aux autres, cela dit chacun d’eux possède sa/ses petite(s) partie(s) facilement identifiable(s) pour se défouler. Que voulez-vous, je suis faible, alors entre la quantité de two-steps et tous les "ough!" balancés par le chanteur, ce disque tombe parfaitement dans ma case "petit quart d’heure à la cool, on laisse le cerveau de côté". Dans ma campagne on m’a appris à savourer les choses simples : le pain, le saucisson, le fromage, le verre de rouge pour faire passer tout ça, et maintenant Bent Life.
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