The Old Wind - Feast on your Gone
Chronique
The Old Wind Feast on your Gone
Les pédagogues scolaires et les psychologues les plus éminents vous diraient qu'il faut arrêter de comparer sans arrêt The Old Wind à Breach. En comparant systématiquement un enfant à un autre, plus doué que lui, on étouffe et fait mourir dans l'oeuf ses particularités cachées qu'il aurait pu un jour développer. De même, collègues chroniqueurs de tous horizons, je sais que vous êtes, comme moi, inconsolables de la perte d'un tel monument de la scène Post-Hardcore, mais ça fait plus de dix ans, maintenant. Il faut savoir faire son deuil et ne pas attendre une résurgence de "Kollapse" à la moindre mention d'un ancien membre dans une formation. Quelques points communs sont présents, c'est clair et net, mais il est à mon sens injuste de résumer l'oeuvre d'un groupe en tant que pâle copie d'un monstre sacré.
Ceci étant dit, concentrons nous sur "Feast on your Gone", premier album de The Old Wind. Tout droit du cerveau de Tomas Hallbom (ou Liljedahl, son pseudonyme) ou il y a tout composé et joué (confiant le mastering à Karl Daniel Lidén, batteur de Vaka), ce premier essai se pose plus comme une thérapie personnelle que comme album joué pour le plaisir de jouer. Le frontman s'est entouré de Niklas Quintana (Breach), Robin Staps (The Ocean) pour leur tournée européenne cette année, ou ils ont défendu (fort bien, d'ailleurs) ce "Feast on your Gone" qui, sans être révolutionnaire ou même très personnel (au niveau musical, s'entend), réussit quand même à être prenant.
Ici, point de fioritures ni d'instrumentations extravagantes. L'objectif étant pour Thomas Hallbom de nous faire partager son mal-être, de nous enfermer dans cet univers sombre qui l'a accompagné (et l'accompagne toujours ?), le ton de ce "Feast on your Gone" est volontairement sobre, minimaliste, et répétitif. On subit l'album comme l'on subit la dépression, répétition ad-vitam aeternam d'une routine abrutissante, jusqu'à l'implosion. Excusez la comparaison qui pourrait paraître peu flatteuse, mais c'est la première chose qui me vient à l'esprit pour tenter de mettre en mots l'impression que produit sur moi ce premier opus.
Tout au long des six titres, le rythme est lent et écrasant, le riffing massif, même si The Old Wind s'autorise quelques petites incursions dans des terres un peu plus bruitistes, comme en témoigne l'ouverture de "In Fields" ou la partie Noise de "Raveneye". Le frontman s'étant chargé de tous les instruments présents sur "Feast on your Gone", ne vous attendez pas à un niveau technique hallucinant : le jeu de batterie reste assez simple, les riffs sont tout sauf ahurissants et la basse se contente du strict minimum. Mais depuis quand faut-il enchaîner les solis indigestes et les blast-beats à outrance pour prétendre transmettre une émotion à l'auditeur ? Non, "Feast on your Gone" n'est pas un monstre de musicalité. Mais une manifestation macabre des démons de son maître à penser. Et merde, tout de même, quel plaisir de retrouver cette voix qui nous avait manqué ! Une voix éraillée, forcée, qui à aucun moment ne change de ton, récitant dans une psalmodie pleine de souffrance des images d'une (sur)vie aussi pénible qu'interminable.
Le son est excellent, le tout très bien mixé, et l'album est très court, à peine trente-cinq minutes au compteur. Une courte durée réellement salutaire qui permet à l'auditeur de ne pas (trop) s'ennuyer tout au long de l'écoute. Même si, je dois l'admettre, les dissections successives des compositions ne m'ont pas laissé un souvenir inoubliable. Même si la galette possède un côté "brouillon" qui lui apporte une spontanéité bienvenue. Malgré une ambiance véhiculée très prenante (l'ouverture écrasante de "Spears of a Thousand" n'est qu'un exemple parmi tant d'autres) et un univers d'une noirceur absolue porté à bout de bras, The Old Wind finit par tourner en rond. "Feast on your Gone", c'est un peu l'album que l'on ressortira lorsque nous n'aurons plus rien à écouter, et dont les écoutes épisodiques laisseront une bonne impression à l'auditeur. Mais ce n'est certainement pas le type de galette qui s'écoute en boucle, au risque de péter un plomb et de le mettre rapidement en trade.
Soyons indulgents, "Feast on your Gone" n'est qu'une première sortie, jouée par un seul homme, nul doute que l'avenir proposera à l'auditeur quelque chose de meilleur et de plus consistant à se mettre sous la dent. Meilleur sur scène que sur disque, The Old Wind propose un premier disque qui s'apprécie pour ce qu'il est, dès lors que l'on n'y place pas des espérances démesurées, comme celle de retrouver, au détour des compositions, le génie de Breach.
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