Sacrificia Mortuorum / Orthanc - Split
Chronique
Sacrificia Mortuorum / Orthanc Split (Split-CD)
Mais qu’entends-je tonner au loin ?
« Split ! Resplit ! Clash ! Boum ! Plouf ! Clap !»
Split ?
Oui, cet album est bien un split, entre deux formations françaises bien connues des amateurs d’underground : SACRIFICIA MORTUORUM et ORTHANC. Née avec quelques années d’écart, 1995 pour la deuxième, 2000 pour la première, elles ont commencé avec des motivations et des influences très proches, toutes deux délivrant un black metal rageur, crachant des glaires de haine infinie. Mais elles n’ont pas poursuivi sur le même chemin, se différenciant tout en allant vers la même direction, comme si chacune arpentait une route parallèle à celle de son confrère. Et voilà qu’après des années de sévices, elles se retrouvent aujourd’hui réunies sur une même galette, pour un ultime tour de piste ensemble, leurs chemins étant amenés à diverger encore plus par la suite...
Resplit ?
Car ORTHANC l’avait déjà annoncé, le groupe est arrivé au terme de son existence. Son split semblait inéluctable parce que les membres ne se retrouvent plus dans ce projet, sans renier leur passé, et estiment avoir dit tout ce qu’ils avaient à dire. Ils ont encore des idées, mais elles seront réservées à d’autres groupes, du moins en ce qui concernent certains membres, qui se retrouvent chez DUX par exemple. Pas de souci à avoir cependant pour SACRIFICIA MORTUORUM qui reste en vie, mais profite de l’occasion pour présenter son nouveau batteur : Vasariah, membre d’ALERION et CODEX INFERIS.
Clash ?
Je n’aime pas les clashes, mais alors là, cette sortie aurait pu donner envie à certaines excités de sortir les crocs et de choisir le clash qui leur plaît :
Le clash pur et dur ou « ORTHANC balance ! » :
ORTHANC pensait à sa fin depuis quelques temps, et il en avait d’ailleurs parlé de manière assez incendiaire, se plaignant de la mauvaise qualité, mais aussi de l’esprit pourri du monde du black actuel. Et paf, le livret de ce split enfonce le clou, avec des explications telles que « ORTHANC a pris ses distances avec les milieux politisés. La musique engagée étant assujettie à la conjoncture d’un lieu et d’une époque, elle ne peut tendre à l’universalité. ». Et la première piste est un « coup de gueule contre la superficialité, la vanité, l’hypocrisie et la bêtise de la scène actuelle, des idéologies, du système dans son ensemble ». Pan !
Le clash tiré par les cheveux :
On ne sait pas trop si SACRIFICIA MORTUORUM est mis dans le même panier mais Maréchal Glaurung, membre originel d’ORTHANC précise que « s’il vient à nouveau nous hanter, c’est pour s’acquitter d’une dette d’honneur » car il « s’était engagé à partager cet enregistrement avec SACRIFICIA MORTUORUM ». Je ne dois pas trop mal interpréter en comprenant que ce CD existe plus pour respecter une promesse que par réelle envie de partager l’affiche avec des camarades ! Pan (x2) !
Le clash bidon :
Avec les déclarations ci-dessus, au moins un des deux groupes était attendu au tournant, car quand on se plaint de la scène on est censé montrer l’exemple après. Je ne me faisais pas trop de souci, connaissant bien les deux formations et les appréciant, mais quelques jours avant de recevoir mon exemplaire et alors que je demandais à Sagamore si je pouvais le chroniquer, il dit :
« Je l'avais mis dans mes résas celui-ci, mais j'ai pas du tout le temps en ce moment et surtout je le trouve vraiment très chiant. Donc, tu peux le chroniquer, je te le laisse volontiers ! »
Heureusement le flibustier a des problèmes auditifs ! On va en parler tout de suite, mais je pense qu’avant, vous pourriez contacter qui de droit pour vous plaindre de Sagamore et réclamer qu’il soit débarqué du site le plus rapidement possible. Pan (x3) !
Boum ?
Boum, ça fait mal ! Ce split est très bon. D’accord, aucun changement du côté de SACRIFICIA MORTUORUM et sans effet de surprise on a toujours tendance à rester sur sa faim, mais quel talent au final ! Ce groupe français est l’un de mes préférés parce qu’il parvient à tirer le meilleur de lui-même, et à mêler avec génie la passion, la hargne, la mélodie mélancolique et la fureur. On se retrouve une nouvelle fois avec un black qui emprunte autant à KRISTALLNACHT et CELESTIA mais en gommant leurs défauts. Les trois nouvelles compositions sont dans la lignée de Damnation Ferrum et Railler l’hymen des siècles. Tout y est, tous les ingrédients attendus, jusque ces introductions et accalmies passagères aux ambiances tour à tour doom et atmosphérique. Le black metal est agressivité, mais toujours accompagné d’émotions, pas dans un sens larmoyant ou joyeux, mais touchant. Les titres sont assez longs, moyennant les 11 minutes, mais ils n’ont aucune longueur. Rien que pour leurs titres, qui totalisent 40 minutes en comptant la reprise d’INFERNUM, l’achat de ce split est obligatoire.
Quant à ORTHANC, c’est un peu plus compliqué. La formation a effectivement oeuvré à quelques changements et à la première écoute, ce sont les vocaux et certains riffs qui marquent, qui choquent presque tant ils sonnent punk. Mais en réécoutant bien, on se rend compte que la base est toujours black. Les ajouts sont plus nombreux, les compositions font sales, même si elles ont toujours eu un côté crasseux. Le charme se dévoile peu à peu, et l’on finit par vouloir remettre principalement « Le Bal des Inutiles » qui semble aussi bien influencé par le black cru que par la tendance actuelle de black rural. Un accordéon s’invite d’ailleurs sur la troisième minute et des paroles audibles en français se font entendre. Aussi improbable que cela puisse sembler, PESTE NOIRE et SALE FREUX rencontrent alors ANOREXIA NERVOSA. Et cela ne ressemble finalement à aucun d'eux. En tous cas, ORTHANC ne se pose plus de questions et balance tout ce qu’il lui restait à dire sur 27 minutes, n’hésitant pas à plaquer des riffs mélodiques, des claviers, des samples de chiens... Et les textes évoquent la condition féminine dans la religion, la manipulation des médias, mais aussi l’univers de Tolkien, afin d’exprimer une certaine nostalgie de ses débuts. Le nom de groupe vient rappelons-le du nom de la tour blanche de Saruman !
Plouf ?
Et la nostalgie se découvre aussi à travers les reprises proposées par chacun de nos acteurs du jour. SACRIFICIA MORTUORUM reprend INFERNUM avec « Cathari Sects » (1995), et ORTHANC s’attaque à IRON MAIDEN et « Murders in the Rue Morgue » (1981). Aucun de ces choix n’est innocent, ni surprenant. SACRIFICIA MORTUORUM montre ainsi qu’il reste attaché au black underground, à l’ancienne, et qu’il a l’intention de poursuivre dans cette voie. ORTHANC montre qu’il a tourné la page, et qu’il les a même toutes retournées pour revenir à ses débuts. L’album Killers aurait ainsi fait découvrir le metal à Maréchal Glaurung ! Si c’est intéressant de voir le message que chacune de ces reprises veut faire passer, le titre en lui-même fait plutôt plouf. INFERNUM est un groupe que j’aime beaucoup, mais SACRIFICIA MORTUORUM ne donne pas vraiment relief à ce titre, ses propres compositions semblent même meilleures. Et la reprise d’IRON MAIDEN n’est pas non plus bien desservie par ces vocaux dégueulasses, qui sont encore plus poussés que d’habitude. Enfin... prenons ces pistes pour des bonus.
Clap ?
Et voilà donc le clap de fin pour ORTHANC, le groupe français n’aura pas chamboulé le black français, et pourtant il aura su être honnête, intègre et combler quelques fans de musique à la fois crade et entrainante. C’est une belle fin, et surtout parfaitement accompagné par les frétillants SACRIFICIA MORTUORUM, desquels nous attendons vite un nouvel album.
« Split ! Resplit ! Clash ! Boum ! Plouf ! Clap !»
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