Bring Me The Horizon - Suicide Season
Chronique
Bring Me The Horizon Suicide Season
Ce n'est pas pour paraphraser Ikea qui semble avoir lui aussi fait dans la chronique nostalgique avec un papier sur le dernier Electric Wizard mais finalement, je me sens plutôt proche de cet état d'esprit aujourd'hui. Surtout que là, je m'attaque à quelque chose de polémique. Et quand je dis polémique, on est presque au niveau du « Suicide Français » dans sa version métallisée. Le « Suicide Anglais » donc, le Zemmourien par excellence « Suicide Season » de Sheffield, porté à bout de bras par le tatoué Oliver Sykes. Et là, on commence à cerner où je veux en venir, c'est à dire à Bring Me The Horizon, groupe aussi conchié qu'adulé selon les cas. Généralement, le fan de Metal aimant ses classiques déteste le quintet anglo-saxon. Ce que je peux comprendre puisque ça n'a rien à voir. On passera rapidement sur le procès visuel impliquant régulièrement le groupe, leur look n'étant pas forcément du meilleur goût mais toutefois pas plus ridicule qu'un corpse-paint ou qu'une coupe-mulet-moustache-veste-à-patch-thrash-quatre-vingt. Pour ce qui est l'évolution musicale, je découperais la carrière des anglais en trois segments : leur premier E.P. « This Is What The Edge Of Your Seat Was Made For », sorte de mixage bâtard entre crypto-screamo et proto-deathcore, leur dernier disque « Sempiternal », dont je/nous reparlerais/ons ici et donc ce « Suicide Season ». Les deux autres disques me paraissent moins intéressants même si toutefois corrects en terme de qualité.
« Suicide Season » se replace déjà dans un contexte personnel. « Suicide Season », c'est 2008. 2008, c'est la migration lycée-fac pour ma part. Non, il n'y a pas que les pré-pubères qui écoutent Bring Me The Horizon et non, écouter Bring Me The Horizon n'empêche pas d'écouter Darkthrone pendant la même période. Seulement, on a l'envie parfois d'écouter un truc plus catchy, plus dans l'ère du temps et donc représentatif de ce que nous vivons. Je vous la fait courte : imaginez simplement quelque points de repères. Vous arrivez d'un village, vous avez une chambre en ville, vous avez l'indépendance. Vous faites la fête et ce n'est définitivement pas plus compliqué que ça. Qu'est-ce que la fête ? La fête, c'est l'euphorie, évidemment mais c'est aussi les rêveries, l’égarement, les émois amoureux, la décrépitude de fin de soirée.
Un bon disque de Metal de fête se doit d'être violent, énergique mais aussi un tantinet tristounet, rêveur, doucereux. « Suicide Season » est cet album. Là où « Sempiternal » regarde son passé avec des larmes aux yeux, « Suicide Season » est ce passé au moment où il fut vécu. « Suicide Season » est ce 22h32 où votre tête tourne déjà, où vos yeux se floutent, ce 0h12 où vous êtes perdu dans la rue, ce 2h27 la tête dans les toilettes et ce 11h28 la cafetière dans une main, un paquet de Pitch dans l'autre et la tête fracturée en deux entités distinctes. Et ne croyez pas que j'affabule ou que je me fais des films, lisez les textes. Seuls les naïfs penseront que les « living dead » de «The Comedown » sont vraiment des mors-vivants, que cette aversion du sommeil est due uniquement à un quelconque problème de santé ou encore qu'ils sont réellement des vampires façon Twilight (« Death Breath ») sans penser à la métaphore de fêtards / couche-tard que cette comparaison inclus. Relisez maintenant le paragraphe du dessus et vous verrez que ça colle à merveille avec l'ambiance #YOLO décrite au dessus. L'évidence se révèle : un album de noctambules, piégés dans une soirée sans fin, qui se termine à cinq heure du matin et recommence quelques heures plus tard. C'est subir les sorties, les déambulations et tenter d'en jouir.
Et qu'on ne me dise pas non plus que Bring Me The Horizon est binaire, qu'il n'est là que pour frapper des mosh-parts comme un décérébré. Non, écoutez le break électronique de « Chelsea Smile » saupoudré de ces guitares Post-Rock et vous sentirez ce désespoir, cette micro-dépression, ce blackout inébranlable et cette vanité de refaire les mêmes soirées identiques chaque jour. Oliver Sykes peut paraître cucul-la-praloche, j'en suis conscient mais je dirais plutôt qu'il est à fleur de peau, tant dans sa sensibilité adolescente (« It Was Written In Blood ») que dans sa colère pas si méchante que ça (« Football Season Is Over »). L'opus est définitivement coincé entre une aspiration céleste célébrée par les breaks mélodiques aux accents Post et la rugosité industrielle du quotidien dont on ne peut s'extraire. Fatalement, « Suicide Season » est certes festif et observateur de la jeunesse de son temps avec un regard parfois amusant mais aussi blasé, profondément pessimiste et dégoûté par le consumérisme et l'urgence forcée des rencontres humaines et autres histoires d'un soir.
Pour vous convaincre de cette dernière phrase, il suffit de poser vos esgourdes sur le titre éponyme à la progression quasiment post-hardcore, offrant une montée synthétisant parfaitement mon propos et axant sa mélodie sur le sampling en reverse, les guitares cristallines et les quelques apports électroniques. Nous sommes ici dans un des meilleurs titres du groupe, qui fait preuve d'une maturité tout simplement remarquable et qui a la mérite de sortir le groupe de sa qualité de formation simplement Deathcore. Bring Me The Horizon sur ce disque n'est pas que du Deathcore, apportant toujours une touche de nuance et d'influences bienvenue visant à faire passer l'émotion.
Ce n'est pas pour paraphraser Ikea qui dit que certains on tendance à enterrer grand-père quand il décline mais d'autres ont tendance à renier le cadet parce qu'il a arrêté l'école au lieu de faire médecine comme son papa, qu'il a une forte tendance à emprunter le monospace familial pour aller en ville le week-end et qu'il rentre parfois bourré. Je ne cherche à convaincre personne, je me doute bien que des mots, aussi agencés soient-ils ne sont que des mots et que jamais ils ne passeront au dessus de l'attitude lookée et résolument populaire des habitants de Sheffield. Mais j'ai dit ce que j'avais à dire et c'est ça qui est important. Les plus curieux et les moins réfractaires d'entre vous devraient cependant s'empresser d'aller faire un tour du côté de cette année 2008 et de ce disque.
« Party til you pass out, drink til' you're dead.
Dance all night til you can't feel your legs »
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