Irreversible Mechanism - Infinite Fields
Chronique
Irreversible Mechanism Infinite Fields
Je dois avouer que les groupes biélorusses ayant retenu mon attention ne sont pas légion, les seuls noms me venant automatiquement à l’esprit étant Posthumous Blasphemer, qui reste une valeur sure depuis des années, et les nouveaux venus de Eximperituserqethhzebibšiptugakkathšulweliarzaxułum (même si l’expression « son nom me vient à l’esprit » est très mal adapté à ce dernier). C’est donc avec d’autant plus de curiosité que je fis la découverte de Irreversible Mechanism et de leur premier album Infinite Fields. Le promo envoyé par Blood Music contenait de plus une petite anecdote sympathique et encourageante, stipulant que le groupe comptait initialement sortir cet album uniquement en format digital via Bandcamp. Cependant, l’album n’était même pas en ligne depuis 24 heures que les extraits furent retirés, Blood Music ayant d’ores et déjà repéré et contacté le jeune groupe en leur annonçant leur souhait de sortir cet album sous leur label et en format physique. C’est ce qu’on appelle se faire repérer rapidement ! De plus, le même texte promotionnel précisait également que le duo formé par Yaroslav Korotkin et Vladislav Nekrash officiait dans un Death Progressif et Technique dans la veine d’Obscura et de Beyond Creation. Cette comparaison eu vite fait d’achever de titiller ma curiosité et c’est donc plein d’espoir que je m’attelais à l’écoute de ce Infinite Fields. Malheureusement, malgré des premières écoutes enthousiasmantes et une qualité belle et bien au rendez-vous, l’album n’est pas aussi indispensable que l’on a voulu nous faire croire.
La musique du combo se situe bel et bien à cheval entre le Death Technique et le Death Progressif, faisant notamment penser à des formations comme Obscura, Element ou encore Fleshgod Apocalypse pour ce qui est de l’utilisation d’orchestrations. Néanmoins, si de tels noms peuvent venir à l’esprit, Irreversible Mechanism n’arrive que très rarement à égaler le niveau de ces illustres influences. Si la musique des Biélorusses peut donc très fortement faire penser à Obscura, notamment dans le traitement de la basse, jamais Infinite Fields ne parviendra à atteindre le niveau d’un album comme Cosmogenesis ou Omnivium. Les compositions, bien qu’impressionnantes techniquement, ne sont donc pas aussi bien pensées que l’on pourrait l’attendre d’un groupe de Death Technique. Les transitions entre les différentes parties au sein d’un morceau sont même souvent bancales, le groupe préférant stopper net la musique pour changer de rythme plutôt que de créer une transition progressive, qui serait plus adaptée à leur musique ("The Betrayer of Time" à 0’14’’ par exemple). On a ainsi souvent l’impression que certaines rythmiques tombent de nulle part, ce qui est d’autant plus vrai pour les leads mélodiques et les passages les plus techniques, nous donnant la fâcheuse impression que ces passages sont là uniquement pour impressionner la galerie.
Infinite Field présente en effet une des tares les plus récurrentes du genre : la technique à outrance, qui finit même par plomber l’ambiance de l’album. Les leads mélodiques et techniques s’invitent donc partout sur la galette, à tel point qu’ils viennent régulièrement s’incruster dans un passage ou un riff que l’on était réellement en train d’apprécier, ce qui rend leurs apparitions parfois frustrantes. Il en va de même pour les orchestrations. Je comparais cet aspect du groupe avec Fleshgod Apocalypse tout à l’heure, mais là où les Italiens arrivaient à incorporer intelligemment leurs parties orchestrales (au moins dans la première partie de leur carrière), dans le cas des Biélorusses ces dernières sont utilisées de façon abusives, voir même continuelle, que ce soit à l’arrière-plan ou en tant qu’élément principal. En découle donc une atmosphère trop plastique, trop superficielle et participe à la sensation d’écouter un album sans réelle substance, sans âme.
Néanmoins, et même si j’ai l’air de cracher dans la soupe sans la moindre retenue, je dois avouer que ce Infinite Field a de quoi émoustiller les adeptes de Death Technique dans mon genre. Le groupe a en effet un certain talent (et je dirais même plus : un talent certain) pour composer des leads mélodiques réellement magnifiques, comme ceux guidant la mélodie de "The Betrayer of Time". Le groupe n’hésite pas non plus à s’accorder certains passages un peu plus bourrins, qui sont la plupart très bien composés, comme sur "Fragile" avant que ce morceau ne devienne un peu trop niais... à cause des orchestrations… Ces passages plus soutenus nous permettent par ailleurs de saluer l’excellent travail de Lyle Cooper (ex-The Faceless), possédant sur cet album un panel de jeu assez incroyable, et variant agréablement sa frappe lors des moments un peu plus bas du front. L’album s’avère donc parsemé de bonnes surprises, comme l’intro de Infinite Fields faisant carrément penser à du Blotted Science, qui rendent cet album de bonne facture malgré tous ses petits défauts.
Tiraillé entre ces bons côtés qui sont tout de même nombreux et extrêmement agréables, et le fait que ces passages soient presque systématiquement gâchés par un excès de technique ou d’orchestration, il et de fait difficile de tirer une conclusion sur cet album. Assez bien composé et surtout superbement interprété, il est juste dommage que Irreversible Mechanism ait trop voulu coller aux étiquettes établies par les groupes des différentes scènes dites « Techniques » modernes, comme l’atteste les saccades à partir de 3’10’’ sur le titre éponyme qui ne sont pas sans rappeler la scène Djent. On est donc ici en présence d’un bon album, malheureusement dénué de toute personnalité et vide de toute âme, ce Infinite Fields étant d’une froideur implacable, donnant l’affreux sentiment que le groupe évolue dans un monde soustrait de toute émotion, où tout parait beaucoup trop calculé et réfléchi. Ainsi, la pochette dessinée par Par Olofsson (qui signe d’ailleurs ici une de ses œuvres les plus anodines), et merveilleusement gâchée par le placement et la taille du logo du groupe, est un bon renseignement sur la qualité de l’album : c’est beau, très beau même, mais tout semble trop vide et froid pour le style pratiqué. Inifite Fields reste tout de même un bon album dans le genre, au-dessus de la plupart des sorties actuelles, les passages mélodiques étant malgré tout de très bonne facture et très efficaces. Il serait alors souhaitable qu’à l’avenir Irreversible Mechanism use des passages techniques de façon plus sporadique, afin que l’on évite une fois de plus l’overdose.
| Høsty 5 Avril 2015 - 1234 lectures |
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