Comme il a pu être dit sur plusieurs groupes autour du Death Metal sur Facebook, 2018 est l'année du Tech Death, car de nombreuses formations reviennent avec de nouvelles fournées.
OBSCURA m'a fait ainsi forte impression, par une musique qui a su changer pour quelque chose qui me convenait davantage, faisant un peu passer la pilule de déception qu'a été le dernier
AUGURY. J'ai eu une énorme surprise en découvrant
THE BEAST OF NOD, hélas
INFERI, comme d'habitude, a fait dans la débauche de pistes qui m'ont pas emballé.
EXOCRINE m'a laissé sur ma faim, vu qu'ils ont mis de côté leur Death inspiré Jazz, et j'attends de pied ferme le prochain
BEYOND CREATION.
On le voit, de très beaux noms, avec des sorties qui, si elles ne font pas l'unanimité (pour les québécois de Beyond Creation, ça semble plutôt bien parti, réponse en octobre), ont au moins le mérite de proposer de la diversité, entre Tech moderne pur chez les français d'Exocrine et moments Prog selon les groupes. On en vient ainsi au cas
RIVERS OF NIHIL : leur dernière sortie, c'est du tout ou rien. Exit le Tech, place au Prog, avec du saxophone en plus ! Le constat est sans appel : soit les personnes ont détesté, soit ils ont adoré ce virage radical.
Eh bien il semble que ces métamorphoses soient de mise ; et IRREVERSIBLE MECHANISM ne déroge pas à cette règle.
À l'origine projet de deux personnes qui ont fait un Technical Death clinquant à la Obscura, la formation biélorusse s'est augmentée d'autres musiciens, si bien que le nom a désormais plus une allure de groupe, comme on l'entend classiquement. Sans doute leur fallait-il des renforts pour proposer une musique bien plus progressive, mettant en avant des inspirations, telles que
OPETH ou
MASTODON selon leurs dires. Quoi qu'il en soit, penchez-nous sur ce « Immersion ».
(oui, on a évité le jeu de mot du « immergeons-nous », je fais des efforts !)
Eh bien dès le départ, ça se sent tout de suite, ce changement. On quitte les orchestrations grandiloquentes comme dans
« Infinite Fields » qui servaient déboucher sur une musique qui en fout plein les oreilles. On arrive ici sur des nappes certes assez clichées dans le genre, mais c'est le début de l'existence, si l'on se fie au titre du morceau. Le tout arrive progressivement, chaque instrument prend sa place, viennent les clean vocals, puis l'instrumentation Metal et le chant hargneux, entre Death Metal et Deathcore de Ilya Studenok, dirigeant vers des riffs à la CYNIC.
Comment ? Un riffing à la Cynic sous des nappes Prog avec un développement qui prend son temps, des voix claires, un solo qui se démarque comme il faut, et un chant qui joue d'entre-deux ?
Toi, tu veux me séduire. Tu as tout pour me plaire.
La deuxième partie du morceau arrive, et impose sa lourdeur. Pas de la façon Tech Death. On est clairement sur un registre à la fois Prog Death et Deathcore, créant un espace qui peut évoquer le Post-Deathcore que j'ai entendu chez
NIHILIST. Moi, ce virage, je l'embrasse au plus fort, et m'y accroche avec délice. Parce que le Prog se joue surtout sur la qualité de ses arrangements et la richesse de sa structure, avec beaucoup d'éléments à décortiquer, on est bien servi là-dedans !
Oh, toi, je vais t'apprécier.
L'album semble tout à fait bien gérer ses alternances « douceur Prog réfléchie » et « matraquage Tech Death ». Plusieurs morceaux signalent combien ils ont gagné en maturité, et combien ces années leur ont permis de conduire une musique bien plus riche qu'il n'y paraît. Outre le développement très satisfaisant dans « Existence II », la façon d'alterner entre légèreté et puissance, certes encore une fois clichée dans le genre, fonctionne à plein régime dans « Abolution », premier morceau dévoilé de cet album et qui présente de grosses similitudes avec le projet
KRIMH – morceau qui m'a moyen emballé à la première écoute, mais que je me suis surpris à réécouter en boucle sur les heures suivantes, happé par les mélodies qui m'avaient embarqué sans que je ne m'en rende compte et par cette batterie qui accélère subrepticement.
C'est tout bête, mais leur musique est en éléments qui s'imbriquent et valsent ensemble, avancent et reculent, viennent devant avant de tomber dans l'ombre. L'ambivalence y est subtile, même si on est en terrain connu, avec des piliers convenus pour qui écoute souvent du Prog ou du Post-Metal (qui a dit
« IN THE SILENCE » ?).
On aura ainsi droit très souvent à des parties calmes, pour aller vers de l'énervé. Mais tout est varié, que ce soit les blasts bourrins de « Footprints in the Sand » (qui contient d'ailleurs une basse qui enrobe tout, que c'est bon !) ou les riffs très Cynic-iens de « Beyond », qui sont là pour t'emmener vers du Obscura très technique sans que tu ne t'en rendes compte. N'oublions pas également ces parties shoegaze, telles que les pistes électro de « Simulacra », qui sert de transition après 3 morceaux assez costauds et qui fait du bien dans l'intégralité du disque.
Mais s'il y a bien deux points que je retiens de cette richesse, outre les variations rythmiques qui sont de toute façon inhérentes au genre du Prog-Tech, ce sont les guitares et la voix. Pour les deux aspects, la qualité que je perçois est similaire, dans le sens où, avec un même set-up, on va aller dans plusieurs registres.
Prenons ainsi « Footprints in the Sand », un titre qui déclare bien qu'on est loin, très loin du premier album. L'inspiration plus sensible est telle qu'on a un bon gros cliché en guise de nom ! C'est le titre le plus long de l'album, dans tous les sens du terme : c'est pas un seul mot comme les autres titres, et ça dure 8 minutes 40.
Eh bien le tout prend son temps sans s'appesantir et contient pour moi d'excellentes idées de riffing, car avec les mêmes hauteurs elles peuvent confier l'aspect aérien puis, quand ça s'énerve, elles sont en exergue, pour ajouter une touche MeloDeath hyper véloce. Le tout est écrit en inspirations et expirations, il y a un flux très naturel, très perceptible. Ça ne parlera pas à tout le monde, et on pourra rétorquer que c'est de la poésie facile. Mais, moi, je rentre complètement dedans, surtout avec ce chant, qui joue dans les frontières - et qui peut m'évoquer la claque des français de
ATLANTIS CHRONICLES. Son côté screamé, comme sur le départ de « Immersion », m'embarque direct. Seulement je suis certain qu'il va en rebuter plus d'un.
Parce qu'on arrive forcément au point qui fâche : c'est du Progressive Technical Death Metal, donc il faut transiger avec tous ces effets de style. On sent que leurs inspirations sont très présentes, mais parfois assez invasives. À la première écoute, j'ai pensé à plein d'autres groupes, et il a fallu que je fasse un effort pour taire mon cerveau. Cependant, une fois embarqué, j'étais stimulé – ça, je pense que c'est assez clair.
Par ailleurs, on ne va pas se mentir : leur style varie très peu et reste sur des lieux communs. Mais, comme je dis souvent, ont-ils eu la prétention de faire autre chose ? Ont-ils dit qu'ils allaient réinventer le genre ? Absolument pas : ils ont juste voulu explorer un nouveau style. En d'autres termes, on trouvera ici les défauts d'un premier album (alors que c'est leur second, mais premier avec un groupe constitué) : trop campé sur ses références, comme sur le morceau « Awakening » qui donne une sensation de déjà entendu (perso, j'y sens bien le
FALLUJAH).
Puis, comme j'ai dit, c'est un peu poético-émotif. D'aucuns diraient : « Des poseurs, purée mais mate-moi ce chanteur comme il gesticule. » Je l'accorde, l'extrait posé par Beyond Creation en impose davantage en terme de maîtrise des effets et d'écriture. Mais ils n'ont pas le même âge que les québecois, et Irreversible Mechanism doit encore trouver ses marques en tant que formation.
En définitive, plus j'écoute « Immersion », plus j'aime ce skeud ! Mais parce qu'il contient beaucoup de choses que j'adore : la touche Prog qui sait où elle va, du riffing varié piochant dans plusieurs références cultes du Tech Death, un chant qui n'est pas monolithique, des arrangements et une ambiance qui se distillent peu à peu, le tout via une ossature générale solide, avec des transitions bien fichues et un tout cohérent. Il est vrai que ça ne réinvente rien, que ça ne fera sans doute pas aimer cette musique à ceux qui trouvent le chant Deathcore ou les nappes aériennes chiantes et sur-faites. Puis, une fois qu'on a saisi la structure, aussi bien fichue soit-elle, ça se répète, avouons-le. Et j'ai bon espoir que, par la suite, ils affinent encore plus leur style, et trouvent une identité encore plus marquée qu'ici.
Mais ça ne me gêne d'aucune façon. Parce que j'aime les couleurs et textures que cette musique m'apporte, parce que je m'y sens comme dans un cocon, parce que ça m'apaise, parce que je me sens ailleurs...
Oh, je lis qu'ils ne voulaient pas conquérir le monde, mais en créer un autre par la musique ?
IRREVERSIBLE MECHANISM are not so much setting out to take over the world, as they are to create a whole new one.
Je l'affirme : ils m'ont immergé dedans.
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène