Repulsion - Horrified
Chronique
Repulsion Horrified
Pourquoi chez Thrashocore personne ne s’est-il jamais penché sur cet album incontournable de Repulsion? Un oubli bien difficile à expliquer tant celui-ci a marqué des générations d’adolescents et plus significativement apporté sa marque sur toute la scène Death Metal et Grindcore de la fin des années 80. Il était donc temps de réparer cette erreur inadmissible et pour ce faire rien de mieux qu’une chronique, je l’espère instructive et passionnée, de cet album absolument mythique présenté ici par Relapse Records sous la forme d’une compilation regroupant l’intégralité des enregistrements de Repulsion.
Si l’histoire des Américains commence officiellement en 1986, il faut pourtant remonter en 1984 pour comprendre comment les choses se sont véritablement déroulées. Scott Carlson, Matt Olivo, Aaron Freeman et Dave Hollingshead officient à l’époque sous le nom de Genocide. Ensemble, ils vont sortir trois démos qui marqueront les prémices de Repulsion et de son album Horrified. Peu de temps après la sortie de The Stench Of Burning Death en 1986, le groupe décide de changer de nom et opte alors pour un autre patronyme, celui de Repulsion. La même année, le groupe sort une nouvelle démo intitulée Slaughter Of The Innocent. Celle-ci n’est autre que la version quasi-définitive de l’album Horrified. Pourtant, il faudra attendre trois ans pour qu’une version officielle remixée de cet album voit enfin le jour en 1989 sur le label Necrosis (sous-division d’Earache menée par des membres de Carcass).
Présentée sous la forme d’un double CD, cette compilation extrêmement généreuse reprend dans un premier temps les dix-huit titres d’Horrified dans sa version de 1989. Pas de remastering ni de remixage 2.0 mais une version brut de décoffrage comme le groupe nous la livrait à la fin des années 80. Le deuxième CD propose quant à lui de nous faire découvrir l’ensemble des enregistrements de Genocide/Repulsion (à l’exception évidemment de la démo Slaughter Of The Innocent) dans un ordre chronologique. Soit les démos Toxic Metal (1984), Violent Death (1985), The Stench Of Burning Death (1986) suivi du tryptique Rebirth, Final Demo et Excruciation paru en 1991. Le tout entrecoupé de deux titres live ("Radiation Sickness" et "Black Breath") enregistrés en 1986. Au total c’est donc quarante-huit titres qui vont se succéder durant plus d’une heure et demie absolument folle furieuse.
Avec dix-huit titres torchés en tout juste vingt-neuf minutes, Repulsion devient donc en 1986 l’un des pères fondateurs du Grindcore. Un an avant Scum de Napalm Death, deux ans avant Reek Of Putrefaction de Carcass et trois ans avant World Downfall de Terrorizer. Et si l’influence d’Horrified sur la scène Grind n’est certainement pas à contester, la musique des Américains reste selon moi plus proche du Death Metal. Un Death Metal extrêmement dépouillé dans sa forme la plus sommaire qui ne sera pas sans jouer un rôle des plus importants dans le développement de quelques groupes suédois et américains devenus aujourd’hui incontournables (comme par exemple Entombed et Autopsy).
Vieux de presque trente ans, ces titres pourraient paraitre particulièrement simples et anodins si on devait les analyser sans le recul nécessaire qui incombe à un tel disque. Pourtant, derrière ce caractère particulièrement primaire se cache dix-huit brûlots toujours aussi redoutables d’efficacité. Car ce qui caractérise en premier lieu Horrified est probablement le sentiment d’extrême urgence qui en émane. C’est simple, seuls trois titres dépassent la barre des deux minutes et parmi ces trois titres aucun ne donne pourtant l’impression de se traîner la bite. Il faut dire que monsieur Dave Hollingshead n’y va pas de main morte avec un enchaînement de séquences de blasts beats quasi ininterrompus. Un mitraillage digne des meilleures parties de Call Of Duty durant lesquelles l’Américain a dû donner bien des complexes aux batteurs de l’époque. Bien entendu, ce dernier n’est pas sans apporter quelques variations à son jeu, et lorsqu’il le fait c’est pour casser des nuques à coup de tchouka-tchouka endiablés. Rien de bien sorcier mais une énergie incroyable (entre cette caisse claire martelée de tous les côtés et ces cymbales à fond de cale, il y a de quoi devenir complètement débile) pour ce qui reste probablement le plus Punk des albums de Death Metal. Argh!
Mais du bout de ses baguettes, Dave est loin d’être le seul fou furieux à en foutre plein partout. Le duo de guitariste constitué par Aaron Freeman et Matt Olivo se montre en effet particulièrement survolté. Outre ces nombreux solos chaotiques qui ponctuent à peu près chacun de ces dix-huit morceaux, les deux garçons nous livrent des riffs tous plus efficaces et redoutables les uns que les autres. Du riff à trois notes également hérité de la scène Punk et balancé à la face de l’auditeur avec la plus grande des désinvoltures. Une urgence et une intensité de tous les instants qui ne faiblit qu’en de très rares occasions. Quoi qu’il en soit, difficile de faire son choix parmi tous ces riffs ultra bonnards qui aujourd’hui encore continuent de mettre à l’amende bien des groupes cherchant à marcher dans les traces de Repulsion. Et si, pour je ne sais quelle raison, je ne devais en choisir qu’un ce serait probablement l’un de ces titres culminant à plus de deux minutes à savoir l’excellent "Radiation Sickness" qui en plus de son riff qui tue et me rend complètement dingue à chaque fois que je l’écoute, possède également un groove absolument incroyable. Et le reste alors? Et bien croyez-moi, il est bel et bien du même acabit.
Dave, Aaron, Matt... Il nous en manque encore un et pas des moindres puisqu’il s’agit de Scott Carlson, chanteur/bassiste de Repulsion dont le son de basse résonne encore dans nos oreilles ensanglantées. Tout en saturations et grésillements, j’ai rarement entendu un son aussi agressif et dégueulasse. Un choix évidemment délibéré qui confère au Death Metal de Repulsion encore davantage d’intensité et met surtout un peu plus en avant ce sentiment d’urgence évoqué quelques lignes au-dessus. Une basse explosive qui rappellera de bons souvenirs à quiconque a déjà fait des concerts de Crust/Punk/Hardcore dans un squat pourri. Là-dessus vient se poser sa voix arrachée et un peu lointaine qui ne sera pas sans rappeler les quelques disques des Suédois de Death Breath.
Tous ces éléments réunis font donc d’Horrified un album absolument incontournable car en plus de représenter l’une des pierres angulaires de la musique extrême, il est de ce genre d’albums qui procure toujours autant de plaisir même après des dizaines et des dizaines d’écoutes. Passer à côté d’un tel album serait une faute de goût absolument impardonnable et un manque de respect évident pour ces quelques aînés à qui le Metal doit beaucoup.
Pour ce qui est des bonus présents en très grand nombre sur cette réédition, sachez qu’une majorité de ces titres figurent également au tracklisting d’Horrified. Ainsi, ils n’ont essentiellement d’intérêt que pour l’aspect "historique" qu’ils portent en eux. Car sans être forcément moins bien exécutés, la production se montre à chaque fois bien plus bancale (alors que celle d’Horrified n’est pourtant pas la plus carrée qui soit). Mais que voulez-vous, on ne peut pas non plus trop en demander à des démos datant de la première moitié des années 80.
Ceci étant, on retrouve tout de même sur celles de 1984 et 1985 des titres inédits tels que "Armies Of The Dead", "Satan’s Whores" ou "Crack Of Doom" que Repulsion finira par abandonner définitivement sur ses enregistrements suivants. Encrés dans un style encore plus Punk (ce qui explique probablement pourquoi ils n’ont jamais refait surface par la suite), ces deux premières démos montrent tout de même que l’essentiel était déjà là. Et cela malgré des riffs un peu plus anecdotiques ("Armies Of The Dead" en tête de lice).
A partir de la démo The Stench Of Burning Death le son se fait déjà bien meilleur et plus proche de ce que l’on peut trouver sur Horrified dont l’enregistrement se fera d’ailleurs seulement six mois après la sortie de cette cassette. Sur les douze titres que compte cette démo, seul deux ne figurent pas sur l’unique album des Américains. Il s’agit de "Crypt Of Terror" et "Black Nightmare" qui pourtant n’ont pas spécialement à rougir de quoi que soit bien qu’ils soient peut-être un poil moins marquant, notamment "Black Nightmare".
Viennent ensuite deux titres live, "Radiation Sickness" et "Black Breath" dont seul le dernier à véritablement de l’intérêt. En effet, "Radiation Sickness" est absolument ruiné par une captation sonore tout ce qu’il a de plus dégueulasse (le signal semble coupé par un limiteur ce qui donne la désagréable impression que le CD saute) alors qu’à l’inverse "Black Breath" donne une bonne idée du bordel que devait être un concert de Repulsion en 1986.
Les sept derniers titres sont issus de trois enregistrements différents parus en 1991. Si la personnalité de Repulsion demeure évidente, le tempo tend à s’alourdir (il n’y a qu’à voir la durée des titres qui flirtent tous plus ou moins avec les trois minutes), la voix à s’épaissir alors que la production se fait quant à elle bien plus compact et donc forcément moins Punk. Si l’efficacité reste bien entendu toujours au rendez-vous, le Death Metal des Américains perd légèrement de son intensité ainsi que ce fort sentiment d’urgence qui l’habitait jusque-là. Rien de rédhibitoire mais les dix-huit titres d’Horrified restent pour moi ce que le groupe a fait de mieux.
Indispensable, cette compilation de Repulsion l’est bien évidemment. Elle contient absolument tout ce qu’a sorti le groupe depuis ses débuts sous le nom de Genocide en 1984 jusqu’à sa deuxième séparation en 1993 ainsi qu'un livret plein de petits détails et autres photographies d'époque. Mais au-delà de ce double CD, ce sont surtout les dix-huit titres d'Horrified qui sont absolument incontournables. Déjà parce qu’ils permettent de comprendre un peu mieux comment se sont passés les choses à la fin des années 80 avec l’émergence du Death Metal d’un côté et du Grindcore de l’autre. Nul doute que cet album a eu un effet considérable sur tous les disques qui ont pu sortir quelques mois/années plus tard. Aujourd’hui encore l’influence de Repulsion reste grande dans la scène Death Metal avec des groupes aussi jeunes que Gouge ou Venefixion pour n’en citer que deux. Ensuite parce que ce qui émane de ce disque est tout simplement incroyable. Cette énergie, cette intensité, cette urgence et cette rage ont dû en scotcher plus d’un à l’époque. En tout cas, trente ans après la sortie de cet album, moi je le suis encore.
| AxGxB 29 Octobre 2015 - 2025 lectures |
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