Non Opus Dei était plus ou moins passé sous mon radar depuis 2010. Cette année-là, les polonais sortaient
"Eternal Circle", un disque aussi impressionnant techniquement qu'emmerdant musicalement : se contentant d'empiler les performances masturbatoires d'un batteur fou et les riffs d'une platitude peu commune, il était le cas clinique de l'album que l'on écoute deux fois avant de le ranger au fin fond de son étagère. Leur léger sursaut de 2013, marqué par leur split avec les excellents Morowe, n'avait pas suffi à faire remonter le groupe dans mes bonnes grâces - la faute à un son pas forcément à la hauteur et un manque de patate très, très handicapant. L'envie de bien faire était présente, mais elle ne suffit pas toujours. D'autant qu'en Pologne, terre noire en essence, la concurrence est rude et fait passer rapidement n'importe quel album moyen aux oubliettes.
Non Opus Dei semble avoir appris de ses erreurs passées. Si, jusqu'à présent, la formation semblait avoir du mal à exister en tant qu'entité à part entière, trop influencée par ses aînés, ce "Diabeł" tend à inverser la vapeur.
Exit les longueurs insupportables d'un "Constant Flow",
exit la vélocité sans épaisseur d'un
"Eternal Circle". Compositions travaillées, répétitions hypnotiques, sursauts apocalyptiques, atmosphères malsaines et psychédéliques, Non Opus Dei veut invoquer le Diable en dix oraisons funèbres. Pari remporté, car "Diabeł" est la Bête.
L'album est d'autant plus surprenant qu'on ne s'attendait pas à ce qu'il soit composé par un groupe qui n'avait, jusqu'à présent, rien sorti de réellement intéressant. Si le format court est une constante chez Non Opus Dei,
"Eternal Circle" et ses trente minutes paraissaient interminables après deux écoutes. "Diabeł" est autrement plus équilibré, délivrant des ambiances plus qu'une attaque directe. Il me rappelle en ce sens Mgla et "Exercises in Futility", plus dans la subtilité que son aîné. L'album est globalement lent, distillant des mid-tempos vénéneux qui viennent soutenir des riffs moins incisifs, mais beaucoup plus mystérieux. " Milk of Toads" est ses guitares tantôt massives, tantôt très effacées, "gold-finding Hen, kiss-finding Whore" et son riff entêtant au possible, "Trickster - Shapeshifter" et ses grognements perdus dans le lointain, sa guitare hallucinée, ses "breakdowns" appuyés par une basse qui gronde... L'album entier baigne dans une ambiance très ritualiste, aux relents d'encens et de substances plus ou moins licites.
On ne peut que saluer la performance des musiciens, et plus particulièrement du batteur. Plutôt que de se comporter comme une machine, il fait varier son jeu, utilise bien plus les différentes parties de ses cymbales, délivrant une palette de styles, de tessitures différentes qui ajoutent un supplément d'ambiance aux guitares déjà bien inspirées. Pour autant, le frappeur fou n'oublie pas d'ou il vient, et le groupe non plus. "Diabeł" réserve des sursauts chaotiques fort bienvenus au milieu de la séance d'hypnose. "The other side of the Mushroom", "In the Angles of Her Sigil", et leurs blast-beats toujours aussi impressionnants, ou encore le démentiel "Pustka Twoja we mnie" que tout batteur se creusera la tête à décortiquer, sont autant d'éléments qui évitent à "Diabeł" de s'encroûter dans ses ambiances certes efficaces, mais somme toute assez répétitives. Mieux, ces titres-uppercuts s'imprègnent du nouveau visage de Non Opus Dei - évitant ainsi de répéter les erreurs de parcours du combo. Quoique...
.... Non Opus Dei se cherche encore, en équilibre sur la corde raide séparant le neuf de l'ancien. Si les titres lents sont tous très efficaces, les rappels au très ennuyeux
"Eternal Circle" (pour ne citer que lui) se font encore sentir ("Plony", titre plus que dispensable). L'on sent que les polonais ont encore un peu de mal avec leur "nouvelle identité" (il n'y a qu'à regarder le travail fourni sur le visuel, première fois que le groupe fournit de tels efforts) et se sentent obligés, pour contenter tout le monde (ou se rassurer eux-mêmes), de mettre de l'eau dans leur vin.
Si ceci reste un ressenti personnel, il n'en reste pas moins que "Diabeł" est une réussite. Réussite musicale, car l'album est globalement très bon, distillant des ambiances efficaces et réservant des parties plus frontales qui sauront contenter tout le monde. Et surtout, réussite pour la formation : Non Opus Dei dévoile enfin un soupçon de personnalité qui lui est propre. Salutaire venant d'un groupe qui tentait de se démarquer mais ne faisait que piocher à droite et à gauche quelques bonnes idées pour bien les exécuter avec efficacité, mais sans aucune âme. "Diabeł" n'est pas "l'album de la maturité" (d'autant que je déteste ce terme). "Diabeł" est le véritable point de départ d'un groupe qui aura pris 17 ans et six albums pour devenir réellement intéressant.
La persévérance finit toujours par payer.
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