Grotesque - In The Embrace Of Evil
Chronique
Grotesque In The Embrace Of Evil (Compil.)
Si vous avez lu l’excellent livre Swedish Death Metal écrit par Daniel Ekeroth, vous savez donc que Grotesque est l’un des premiers groupes à avoir émergé sur le devant de la toute petite scène Death Metal suédoise de la fin des années 80. Nous sommes alors en 1988 et celle-ci n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements avec la sortie des toutes premières démos de Carnage, Merciless, Nihilist et Grave. L’origine de Grotesque trouve ses racines dans un groupe de Speed Metal du nom de Conquest formé en 1986 par un certain Kristian Wåhlin aka Necrolord (finalement plus connu pour ses travaux artistiques pour des groupes comme Emperor, Dissection, Sacramentum...). Le groupe change de patronyme en 1988 avec l’arrivée au chant de Goatspell aka Tomas Lindberg (oui, celui d’At The Gates, Disfear et compagnie...). Ce dernier, très branché par le Death Metal et le tape trading, insuffle à la jeune formation de Göteborg un certain vent de brutalité. Le groupe va alors enchaîner les sorties avec trois démos et un EP en l’espace de deux ans. Malheureusement, la carrière de Grotesque sera de bien courte durée puisqu’en 1990, ses membres décident de se séparer. Necrolord ira former Liers In Wait en compagnie de Tomas Lindberg qui, après seulement quelques semaines claquera la porte pour donner naissance à At The Gates en compagnie d’Anders Björler, autre transfuge de Liers In Wait. The rest is history…
Trois démos et un EP, voilà ce que laisse Grotesque en guise d’héritage. Et le pire dans tout cela c’est qu’aujourd’hui encore, certains de ces enregistrements restent non-réédités. Car cette compilation intitulée In The Embrace Of Evil dont il est question aujourd’hui ne regroupe même pas l’ensemble de ces titres mais seulement une sélection bien choisie. On y trouve ainsi dans un ordre quelque peu anarchique (du moins en apparence, vous comprendrez dans le paragraphe suivant) les titres du EP Incantation paru initialement en 1990 sur Dolores Records ("Blood Runs From The Altar", "Submit To Death", "Nocturnal Blasphemies", "Spawn Of Azathoth" et "Incantation") ainsi que ceux d’une démo intitulée In The Embrace Of Evil restée inédite jusqu’à la première édition de cette compilation en 1996 par Black Sun Records ("Thirteen Bells Of Doom", "Fall Into Decay", "Seven Gates" et "Angels Blood"). A cela vient s’ajouter deux titres bonus enregistrés en 1996 dans le cadre d’une reformation exceptionnelle et éphémère afin de célébrer cette réédition ("Church Of The Pentagram" et "Ripped From The Cross"). Editée une première fois en CD en 1996, cette compilation n’avait jamais été repressée sous ce format avant cette année. Une bien bonne initiative que nous ne pouvions pas passer sous silence et qui devrait ravir tous ceux resté coincés sur les prix exorbitants pratiqués sur Discogs ou eBay.
Enregistrés entre 1989 et 1996 dans trois studios différents (Pagan studio, Sunlight studio et Berno studio), il vous sera très facile de faire la distinction entre chaque période. Une petite subtilité demeure néanmoins cachée puisque sur le EP Incantation, trois des titres ont été enregistrés au Sunlight studio en 1990 ("Nocturnal Blasphemies", "Spawn Of Azathoth" et "Incantation") alors que les deux autres sont issus des sessions d’enregistrements de 1989 au Pagan studio. Vous comprenez donc maintenant pourquoi le tracklisting de cette compilation a été établi de cette manière, tout simplement pour nous permettre de suivre l’évolution de Grotesque à travers un ordre chronologique.
Fondée sur les cendres de Conquest, la musique de Grotesque conserve d’un point de vue purement rythmique cette approche rudimentaire et radicale propre au Speed/Thrash des années 80. Un choix fondamentalement pas très différent de celui de ses homologues si ce n’est que le groupe fera de cette dynamique primitive l’un des éléments clefs dans sa manière de composer et d’aborder son Death Metal. Cela se traduit dans chacune de ses compositions par un rythme particulièrement soutenu pour l’époque dont découle une frénésie diabolique quasi constante. De cette nature un brin chaotique et tout en urgence transparaît, en partie, la construction de cette identité si particulière, notamment dans le paysage suédois de l’époque marqué, comme tout le monde le sait, par ces albums portant bien haut le sceau des Sunlight studios. Des albums qui, bien que s’appuyant eux-aussi sur certains éléments hérités du Thrash, ont pris le parti de faire évoluer rapidement leur section rythmique vers quelques chose de souvent plus lourd et de plus élaboré (en conservant des séquences toujours bien véloces). Pour autant, Grotesque ne s’empêche pas de calmer le jeu à quelques occasions comme pour mieux rompre avec cette hystérie ("Blood Runs From The Altar" à 1:16 et 1:35, "Submit To Death" à 2:26, l’interlude acoustique qu’est "Seven Gates", "Angels Blood" à 4:56 et 6:25 avec ce chouette passage acoustique...). Des points de ruptures bienvenues dans ce contexte pouvant parfois sembler pour les plus pointilleux un poil linéaire.
Mais Grotesque ne doit pas son identité bien trempée qu’à la seule présence de sa section rythmique hystérique. En effet, comment passer sous silence ce riffing primitif flirtant sans vergogne avec le Black Metal de la fin des années 80 (Bathory en tête)? Certes, celui-ci peut paraître aujourd’hui quelque peu limité (notamment sur les titres les plus anciens enregistrés en 1989 à commencer par "Fall Into Decay") mais ne vous y trompez, l’efficacité reste la même qu’il y a vingt-sept ans. D’autant qu’à partir de 1990, le groupe a su faire évoluer ce riffing vers quelque chose de plus élaboré et de plus consistant sans pour autant sacrifier à ce qui faisait son originalité. "Nocturnal Blasphemies" en est probablement la preuve la plus redoutable avec notamment ces trémolos assassins qui ne peuvent pas vous laisser indifférent. Une évolution agréable mise en exergue par la production caractéristique des studios Sunlight. Tomas Skogsberg y apporte bien évidemment ce grain si particulier sans dénaturer le caractère plus intense et chaotique de Grotesque. Même constat sur "Church Of The Pentagram" et "Ripped From The Cross" enregistrés en 1996 et dont le riffing conserve cette urgence Black/Thrash 80’s délicieusement furieuse. Et si les plus mauvaises langues iront cracher sur ces séquences relativement peu élaborées qui caractérisent la musique de Grotesque c’est qu’ils n’ont probablement rien compris au Death Metal. Car ce n’est certainement pas le niveau technique de Necrolord et d’Insulter qu’il faut évidemment retenir ici mais bel et bien leur capacité à créer du chaos et surtout à instaurer une atmosphère absolument diabolique et blasphématoire. Une atmosphère "evil" transmise à travers ces riffs, ces leads et nombreux soli ainsi que par quelques nappes synthétiques qui viennent envelopper discrètement quelques-uns des onze titre de cette compilation ("Incantation", "Church Of The Petagram"). Enfin, impossible également de ne pas évoquer la voix arrachée et ultra agressive de Tomas Lindberg. Cette dernière contribue naturellement à renforcer l’aspect chaotique de l’ensemble en y apportant une intensité et une urgence bien réelle. Bien que Tomas soit encore très jeune au moment où sont enregistrés ces quelques titres (entre seize ans et dix-huit ans), son timbre si particulier est déjà largement identifiable et quoi que l’on puisse reprocher à At The Gates, ses capacités de hurleur ont toujours été remarquables, et cela depuis le départ.
Quelque peu à la marge de ses contemporains (Entombed, Dismember, Grave, Unleashed...), Grotesque a tout de suite su apporter quelque chose d’autre à la scène Death Metal de la fin des années 80. Outre une musique chaotique et un peu plus intense, c’est surtout cette atmosphère diabolique et blasphématoire que les gens retiendront à l’écoute de ces titres furieux et possédés. Et si Grotesque ne figure pas aujourd’hui parmi les noms les plus populaires du Death Metal scandinaves, il n’en reste pas moins un groupe majeur pour les connaisseurs et une source d’influence évidente pour quelques-uns à commencer par Repugnant, Verminous et Necrowretch. Quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à profiter de cette réédition providentielle pour vous rendre service à vous et à votre porte-monnaie. D’autant que parmi toutes ces rééditions de groupes plus ou moins oubliés et/ou connus, In The Embrace Of Evil figure très certainement parmi les plus indispensables.
| AxGxB 12 Novembre 2015 - 1334 lectures |
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