Dephosphorus - Ravenous Solemnity
Chronique
Dephosphorus Ravenous Solemnity
Qui attendait Dephosphorus si haut dans le palmarès de la fin d'année ? Probablement pas grand monde puisque si ce combo en est déjà à son deuxième disque, c'est personnellement la première fois que j'entends parler de ces Grecs et de leur style autoproclamé « Astrogrind ». Ouais, il y a de ça, du Grind, du Black Metal, du Hardcore sur les bords et un soupçon de Death par ci par là. Ce qui est sûr c'est que « Ravenous Solemnity » s'impose comme un disque fort, décapant et bougrement bien balancé. C'est carrément une petite claque qui surgit à la première écoute et c'est donc largement suffisant pour en parler un peu sur Thrashocore.
Dephosphorus fait preuve d'une grande capacité à prendre le meilleur des styles cités, ce qu'on pourrait résumer en deux mots qui techniquement en font trois : « le bon goût ». Là où l'on en manque énormément sur certains disques, comme le récemment chroniqué Bastard Sapling, « Ravenous Solemnity » axe l'intégralité de sa musique sur une fusion qualitativement imparable de dissonances Black, de lourdeur Death, d'énergie Hardcore et de violence Grind. Que du bon en d'autres termes et évitant avec talent le Sludge, histoire de ne pas se noyer dans la masse de groupes fusionnant actuellement le Black, le Hardcore et le Sludge. Tout ces éléments confèrent une originalité non négligeable qui permet aux grecs d’apparaître uniques, ce qui n'est pas une mince affaire. Si ce cocktail est franchement prometteur sur le papier, on pouvait être cependant inquiet en appréhendant une telle promesse. Rassurez-vous, c'est impeccable.
Pour faire simple, on rapprocherait le groupe d'un Dragged Into Sunlight, d'un Anaal Nathrakh ou d'un CTTTOAFF plus Black, plus propre et plus mélodieux. Dès les premières notes de « Reversed Into Contraction », on est happés dans l'ambiance grâce à ce riff d'outre-tombe dissonant délivré par les guitares à la fois engluées et pourtant très limpides. C'est sûr qu'avec une ouverture de ce calibre on attaque l'écoute avec une pêche peu commune. La voix du vocaliste est une des choses qui saute aux yeux puisque ce dernier hurle de manière Hardcore mais avec parfois de petits accents de dévotion complètement Black Metal. On sent que le bonhomme est habité par son chant et il n'y a franchement rien de plus agréable dans le cas d'un disque qui mise sur l'ambiance. D'ailleurs son comparse guitariste ose également le chant clair rituel, par exemple sur « Astroclyte Portal » et on peut franchement dire que le bougre s'en tire avec les honneurs tant ses interventions dans ce registre tapent en plein dans le mille. Techniquement aucun problème non plus, la production somme toute assez claire sert les parties les plus touchantes et les musiciens se démènent pour sortir des riffs parfois inattendus afin de faire sursauter l'auditeur. D'ailleurs, le batteur est assez remarquable, fait cependant prévisible au vu de la liste sans fin de groupes auxquels il a participé (Dodsferd, Ravencult, Thou Art Lord...).
Mais plus que tout, « Ravenous Solemnity » est un album qui a sa propre personnalité : lancinante, opaque et développée dans chacun des quinze titres présents. Ce qui est d'ailleurs assez remarquable, c'est la facilité avec laquelle le combo pose son style, son aspect planant et tordu sur des titres de moins d'une minute. Là ou nous sommes plutôt habitués à des titres longs, Dephosphorus fait au moins aussi bien en terme de ralentissements et de trips noircis en moitié moins de temps. Cet album est un voyage de nuit, une vision de friches industrielles rouillées et désaffectées. Seulement, quand vous levez la tête au dessus des usines, on peut voir la voie lactée et sa lumière pâle, rendant finalement beaux les déchets de l'industrie humaine. « False Vacuum » est un très bon exemple de cette conjugaison de blast-beats et de cette manière savante de détourner un riff brutal en riff finalement malsain et distordu. Tout est décidément très bien construit, enchaîné et étudié dans cet album. On notera également quelques courts solis, comme sur « Storming The Sloan Wall », qui permettent de renforcer l'aspect volontairement chaotique de certaines parties.
Vous l'aurez compris, Dephosphorus, c'est du très lourd qui fait vraiment du bien. Un album melting-pot qui paraît très étudié tout en conservant un aspect volontairement foutraque servant clairement les ambiances. Un bien beau job de la part des grecs qui s'assurent avec ce disque une fort belle place dans les surprises de cette année 2014.
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