Jig-Ai - Rising Sun Carnage

Quand j'écoute Jig-Ai, des souvenirs remontent en moi. Le trio Tchèque me rappelle les longues heures passées face à mon ordinateur, à arpenter et décortiquer les catalogues de Bones Brigade et Bizarre Leprous, toujours à la recherche de la prochaine galette Goregrind à me mettre sous la dent. Une époque de découvertes ou l'excellent (Last Days of Humanity, Dead Infection, Rompeprop, CBT...) a côtoyé le bien moins bon (Spermswamp, S.M.E.S. et toute formation se réclamant d'un Cyberpornoeroticobondagegoregrind). Si aujourd'hui, ce goût sans bornes pour les pochettes ignobles et les titres fleurant bon la poésie m'est un peu passée, on oublie jamais vraiment ses premiers amours. C'est ainsi que je suis Jig-Ai depuis la découverte de leur premier full-length, éponyme, qui proposait pas moins que la mixture parfaite entre la vélocité sans pitié du Grindcore et le gras, la chaleur du Goregrind. Une recette dont le succès ne s'est d'ailleurs pas démenti, ni sur "Katana Orgy" (2008), ni sur leur split avec Ass to Mouth - dont les titres faisaient pâle figure face au monstrueux Commando Bulldozer.

Jig-Ai reste et restera fidèle à jamais à sa réputation de trio bête et méchant, tant sur disque que sur scène (je vous invite à aller regarder quelques unes de leurs prestations, l'énergie est impressionnante). "Rising Sun Carnage" propose ainsi près de 40 minutes d'un Grindcore massif, infusé d'influences Gore pour le groove irrésistible de certaines compositions. Ni plus, ni moins. Toujours autant inspiré par les déviances de nos amis Nippons, le combo récidive avec un mauvais goût assumé et un sourire narquois greffé au visage, que ce soit sur la pochette (bien plus "grossière" que les précédentes, qui empruntaient à l'Ero-Guro) que dans les titres mêmes, toujours aussi... Imagés. Misogynie, sexe, violence, rires gras... Bienvenue dans l'univers de Jig-Ai.

Si le trio aurait pu se complaire dans un Goregrind générique, resucée intégrale des plus belles heures de Cock and Ball Torture, il n'en est rien. "Rising Sun Carnage" est à l'image des autres productions de Jig-Ai : il est incroyablement brutal. Sans aucune pitié. Le pont avec "Putrefaction in Progress" est tentant, à ceci près que Jig-Ai reste audible tout au long de ses méfaits. Plus encore, le son est excellent : les guitares sont compactes et graisseuses, la batterie lourde alterne entre blast-beats sans pitié et mid-tempo ravageur (la fin de "Sumo Sex Instructor"), la voix qui ressemble plus que jamais à un chuintement de siphon est correctement mixée à l'ensemble, et le bourdon obèse qui sert de basse à Buraak vrombit avec fureur. Jig-Ai délivre sans faiblir ni tiquer des compositions directes et véloces, quand elles ne donnent pas envie de tout casser pour soutenir des breakdowns pachydermiques. On consomme "Rising Sun Carnage" comme on s'enfilerait un grand Kébab sauce Samouraï : en pur plaisir coupable, tout en sachant très clairement quelle indigeste abomination l'on fait subir à nos organes internes. On le dit et on le répète, le Grindcore, tout comme le Goregrind, est un style qui ne pardonne pas les longueurs de propos : une durée trop importante, c'est un auditeur qui se lasse. Et Jig-Ai n'échappe pas à la règle, la durée importante de "Rising Sun Carnage" est son principal handicap.

Même si le groupe a su faire varier son propos en ajoutant une certaine atmosphère à ses compositions (le titre éponyme et son démarrage sur des samples de cloches, par exemple), même si la totalité des titres sont des lynchages en règle ("Shitcuntsen" et ses breaks brise-nuques), même si le second degré et la stupidité complètement assumés sont toujours aussi délicieux, "Rising Sun Carnage" est trop long. Impossible de l'écouter à plus de la moitié sans se sentir repu. Un poil moins groovy que son prédécesseur, son côté bulldozer risquera fort d'en laisser un certain nombre sur le carreau. Ce qui n'enlève rien au fait qu'à doses plus raisonnées, "Rising Sun Carnage" reste impressionnant de brutalité et fera son office de défouloir mieux que n'importe quel autre disque du genre.

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