Ifrinn - Ifrinn
Chronique
Ifrinn Ifrinn (EP)
Formé en 2014, le groupe écossais Ifrinn a pris son temps afin de se forger une réelle identité et peaufiner sa toute première réalisation. Qualifiant leur style de « Caledonian Black Magick », les musiciens ont réussi d'emblée à s'attirer les faveurs du pointu Iron Bonehead Productions pour la sortie de leur EP éponyme. Un fait qui ne pouvait qu'attiser la curiosité des amateurs et amatrices de black metal ainsi que des habitués de l'écurie allemande. Néanmoins les informations vont être distillées au compte-gouttes par cette mystérieuse entité, souhaitant taire l'identité de ses membres. Une attitude à la fois discrète et intègre mais qui reste cependant ancrée dans son temps, en atteste sa présence sur les réseaux sociaux ou encore Bandcamp. La formation souhaite donc garder le contrôle et dévoiler peu à peu son œuvre à commencer par l'artwork classieux – version éditée de « Bridge over Chaos » de l'Anglais John Martin – suivi par un premier extrait (« Dweller Within the Gulf ») des plus prometteurs, de quoi mettre l'eau à la bouche.
Des gouttes d'eau tombant des stalactites, des échos de voix s’échappant d'un gouffre béant : le groupe plante le décor dès l'introduction instrumentale « Descent Into Shining Labyrinths » et tisse des ambiances aussi glacées que nébuleuses – collant parfaitement à la pochette. Car Ifrinn (signifiant « Enfer » en gaélique écossais) vous entraîne peu à peu vers ce pont suspendu dans les airs, au-dessus des profondeurs de l'abîme d'où s'échappent un épais brouillard de soufre ainsi que des airs à la fois inquiétants mais terriblement attractifs. Un effet addictif cher aux formations officiant dans un black metal ésotérique (Lunar Mantra, Dødsengel,...) qui va s'accroître au fil de l'écoute grâce à des riffs entêtants et tourbillonnants (« Oracular Phantasms »), des parties low et mid tempos brumeuses (comme sur « Dweller Within the Gulf ») ainsi que de nombreux passages atmosphériques (cf. l'interlude « Sulphurous Oscillations »). Une lumière sombre et fascinante se dégage de ces cinq compositions, qui arrive à vous tenir en haleine par moult changements de rythme (« Oracular Phantasms ») et de teintes. De même, les vocaux caverneux et habités mettent en relief l'aspect tant mystérieux que cérémoniel de la musique notamment lorsque ces derniers se font plus traînants ou partent en des gémissements plaintifs.
Sans trop de fioritures, les Écossais ont donc l'art et la manière de développer un univers tant occulte que racée, puisant leurs influences dans la scène black metal norvégienne du début des années 90 (je pense pas mal à A Blaze In The Northern Sky). Production des plus raw, guitares grésillantes à souhait, le groupe délivre de longues compositions abrasives et basées sur des successions de riffs formant un vortex, tournoyant à différentes vitesses. En découle un ensemble pesant et hypnotique, qui sous son couvert simpliste et primitif arrive à vous happer par ses oscillations tant malsaines qu’ensorcelantes. Certes beaucoup risquent de décrocher, reprochant le côté trop répétitif ou longuet de Ifrinn, pourtant ce miasme sonore recèle quelques subtilités se dévoilant au gré des écoutes. En effet, chaque titre possède sa propre essence avec un « Oracular Phantasms » frontal, un « Dweller Within the Gulf » totalement halluciné ou encore un « These Darkened Shrines » plus rythmé. Ajoutez à cela l'introduction instrumentale « Descent Into Shining Labyrinths » ainsi que l'interlude (un peu kitsch et psychédélique), toutes deux dépassant les 3 minutes, qui accentuent le propos des musiciens mais également donnent plus de corps et vous obtenez un premier EP plus qu'engageant.
Point trop d'orthodoxie ni trop d'effets, pas de musique ritualiste non plus, le « Caledonian Black Magick » de Ifrinn reste au final plutôt classique mais foutrement efficace pour qui aime ce type de black metal. Le seul petit bémol étant le placement de la longue « Sulphurous Oscillations » qui aurait mieux fonctionné en conclusion ou en milieu de EP. Mais cela est de l'ordre du détail à la vue de la qualité de Ifrinn, dont la sortie officielle (en version matérielle) prévue pour le 25 mars a pris un peu de retard. Une formation à suivre de prés !
*A noter que les Écossais effectueront leur première performance à domicile lors du Caledonian Darkness II, qui aura lieu à Glasgow les 21 et 22 octobre, aux côtés de Urfaust, Vemod, Sinmara ou encore Svartidauði.
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