Suspiral - Delve Into The Mysteries Of Transcendence
Chronique
Suspiral Delve Into The Mysteries Of Transcendence
Suspiral s’était fait remarqué l’année dernière grâce à la sortie d’un EP prometteur intitulé Dawn Of Kezef. Deux titres qui ont su trouver grâce aux oreilles du label italien I, Voidhanger (Mare Cognitum, Skáphe, Howls Of Ebb...) puisque ce dernier s’est décidé à embarquer dans son giron le duo espagnol pour la sortie en mars dernier d’un premier album intitulé Delve Into The Mysteries Of Transcendence.
Formé en 2014, Suspiral est l’union d’un certain M.S. (Arkaik Excruciation, The Lament Congregation Records) et d’Álex Tedín du groupe Sheidim (dont le premier album Shrines Of The Void vient également de sortir). Pour illustrer ce premier essai longue durée, les deux garçons ont choisi d’utiliser la réinterprétation par Karl Wilhelm Diefenbach des célèbres tableaux d’Arnold Böcklin connus sous le nom de Die Toteninsel ou Ile Des Morts. On y voit ainsi le vieux Charon, nocher des Enfers, amener sur une barque la dépouille d’un défunt couvert de son linceul blanc. Atmosphère...
Composé de seulement trois titres, Delve Into The Mysteries Of Transcendence dépasse néanmoins la petite demi-heure. Pas de craintes à avoir, vous en aurez donc pour votre argent d’autant que ce n’est pas un album que l’on digère en seulement deux ou trois écoutes. Avec trois morceaux avoisinant plus ou moins les dix minutes chacun, Suspiral invite l’auditeur à se plonger corps et âme dans ce long et sombre voyage autour de la Mort déjà évoquée visuellement par le travail de Diefenbach. Une traversée mouvementée qui compte bien laisser quelques cicatrices à ceux qui oseront voyager entre ces deux mondes, celui des vivants et celui des morts, sans en payer le prix.
A la manière d’un Teitanblood, Suspiral se fend de séquences particulièrement intenses et chaotiques (comme par exemple sur "Poisonous Essence" à 0:14 ou 2:22, les débuts de "Hiereía Deúro" et de "The Art Of Death"). Une manifestation de rage exprimée ici à travers un Black/Death obscure et oppressant qui, lorsqu’il se décide à avoiner, se montre des plus impitoyables. Aidé par une production un poil moins exigeante que celle de ses compatriotes, Suspiral laisse ainsi davantage entrevoir ses accointances Black Metal. Des sonorités froides et implacables héritées essentiellement de la scène norvégienne des années 90 (Darkthrone et Mayhem en tête) dans ce qu’elle a de plus jusqu’au-boutiste avec d’ailleurs de nombreux solo un brin chaotiques.
Mais si la musique du duo espagnol n’égale ni la violence ni l’intensité de celle de Teitanblood, elle offre cependant davantage de relief grâce à de nombreux passages beaucoup plus tourmentés et/ou dissonants venant ainsi alimenter à leur manière cette atmosphère occulte dans laquelle nous plonge Suspiral pendant plus de trente minutes. Outre ce riffing bourdonnant rappelant parfois un certain Portal ("Poisonous Essence" à 6:00, "Hiereía Deúro" à 2:43), ce sont surtout ces nombreux changements de rythmes, souvent au profit de longs passages mid-tempo incantatoires et ritualistes et aux mélodies sinistres ("Poisonous Essence" à 3:29 suivi de cette séquence presque atmosphérique, la deuxième moitié de "Hiereía Deúro", les dix minutes aliénantes et troublées de "The Art Of Death"), qui viennent rompre avec cette dynamique évoquée plus haut. L’effet recherché est toujours le même à savoir briser une certaine monotonie, jouer sur la mise en place d’atmosphères différentes et pourtant complémentaires, casser le rythme et prendre l’auditeur à contrepied et c’est bien ce que Suspiral réussit à produire à l’écoute de Delve Into The Mysteries Of Transcendence finalement assez original pour un disque de ce genre. Et si certains semblent reprocher aux Espagnols leur manque de cohésion et de continuité ayant en effet l’impression de voir s’enchaîner les idées sans réel fil conducteur, je trouve pour ma part que cela véhicule plutôt bien cette tourmente dans laquelle souhaite nous entrainer Suspiral à travers cette musique aux constructions inattendues et où les voix s’entrechoquent dans un espèce de chaos indescriptible entre cris hallucinés, incantations growlées, complaintes lointaines...
Trois titres, cela peut sembler évidement un peu court lorsqu’il s’agit d’un album. Ceci étant dit, la construction particulière et assez atypique de ces trois compositions rend l’assimilation de ce Delve Into The Mysteries Of Transcendence plus complexe et périlleuse qu’il n’y paraît de prime abord. Sans révolutionner le genre ni même dépasser qualitativement les quelques groupes cités en référence dans cette chronique, Suspiral réussit très clairement à se démarquer à l’issue de ces trente-trois minutes éprouvantes. Dès lors, il ne vous reste plus qu’à prendre vos clics et vos clacs, préparer de quoi payer la traversée pour ensuite vous rendre de l’autre côté, au pays des morts. Bienvenue.
| AxGxB 12 Mai 2016 - 721 lectures |
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